

Non, rien de rien !
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Non, rien de rien !
Thomas ouvrit les yeux. Et les referma aussitôt. Pendant ce court instant, un flux de lumière s’était frayé un chemin entre ses paupières, avait pénétré son crâne et transformé son cerveau en boule à facettes. Machinalement ses tempes s’étaient mises à vibrer au rythme du disco. Il se lança dans une seconde tentative plus en douceur. Sa vision mit du temps à s’adapter, mais il commença à distinguer petit à petit son environnement.
A mesure que sa vision s’affinait, Thomas fut surpris de ne pas se réveiller chez lui. Il était allongé dans le canapé de ce qui semblait être une salle d’attente de dentiste. Bon, il avait peut-être un peu bu la veille, mais pas au point de se retrouver dans un cabinet médical au réveil. Il n’était pas le seul à attendre, d’autres personnes le dévisageaient. Il se redressa donc lentement en essayant de convaincre tout le monde, lui le premier, que tout était normal.
Thomas prit une grande inspiration et décida de procéder à un état des lieux. Il y avait un petit guichet derrière lequel se trouvait une hôtesse d’accueil mais il ne pu distinguer aucune porte. Comment avait-il pu arriver ici sans porte ?
Thomas se pencha légèrement vers son voisin et lui demanda à voix basse :
-Excusez-moi, où sommes-nous ?
-Je ne sais pas, répondit son interlocuteur.
Cette fois-ci, thomas était fixé. Il était probablement dans un hôpital psychiatrique. Alors qu’il se levait pour tenter de quitter les lieux, l’hôtesse d’accueil l’appela :
-Thomas, c’est à votre tour.
-Non, je ne pense pas, je ne devrais d’ailleurs pas être ici et… Comment connaissez-vous mon nom ?
-Vous êtes attendu au bureau 3.
Elle appuya sur un bouton placé sur son bureau et une porte apparut dans le mur. Thomas aurait juré qu’elle n’y était pas la seconde d’avant. Il avança timidement. Il s’agissait de toute façon de la seule issue à cet endroit étrange.
***
Un homme était assis derrière un large bureau d’une blancheur immaculée. Il le salua avec un immense sourire :
-Bonjour Thomas, pile à l’heure.
-A l’heure pour quoi ?
-Je comprends que vous ayez beaucoup de questions alors je vais être direct. Vous êtes ici car vous êtes mort.
-Je suis mort ? Mais que vais-je devenir ?
-Rassurez-vous je suis là pour cela, je serai votre guide. Je vais déjà prendre votre dossier sous les yeux.
L’homme pianota frénétiquement sur son ordinateur, lâchant parfois quelques soupirs. Il fronça de plus en plus les sourcils et sa mine enjouée laissait place à une expression de perplexité :
-Ben ça alors. 5 000 ans que je travaille au service d’accueil de l’au-delà et je n’avais jamais vu cela.
-Rien de grave ?
-Hmmm, je vais essayer de vous expliquer. Lorsque vous arrivez ici, je dois analyser votre parcours pour savoir si votre passé est pavé de bonnes actions ou si vous avez semé le chaos sur votre passage. Dans le premier cas, je suis censé vous remettre un ticket pour prendre le bus vers le paradis, dans le second, un billet de train pour l’enfer. Mais votre parcours est…. Spécial.
-Spécial ?
-Plutôt, vous n’avez réalisé ni bonne action, ni mauvaise. Vous êtes comme une pièce que l’on aurait jeté en l’air et qui serait retombée sur la tranche.
-J’ai une personnalité complexe, c’est ça ?
-Non, vous n’avez aucune personnalité. Vous êtes transparent. Vous êtes passé complètement à côté de votre vie.
-Mais je fais quoi du coup ?
-Aucune idée, je vous propose de contacter le service des ressources inhumaines du paradis et de l’enfer et nous statuerons sur votre cas.
-Monsieur, je…
-Appelez-moi Mike.
-Mike, je n’ai pas mon mot à dire ? Je n’ai aucun choix à faire ?
-Malheureusement, non, c’est votre vie qui parle pour vous.
Thomas était sonné. Il avait toujours eu du mal à trouver sa place dans la vie et cela continuait visiblement dans l’au-delà.
***
Thomas, le regard dans le vide, analysait sa situation. Il déroulait le fil de sa vie lorsque Mike l’interrompit.
-La visioconférence peut débuter.
Deux écrans apparurent sur le mur dans le dos de Mike. Le premier affichait la tête d’un homme visiblement stressé et pressé qui prit aussitôt la parole :
-Bonjour, je suis Rodolphe, gardien de la porte des enfers. J’aimerais que l’on termine rapidement cet entretien, je dois donner un cours de torture dans 20 minutes.
Le second interlocuteur sur son écran semblait regarder la scène de haut avec un regard hautin :
-Bonjour, je suis Bruce, détenteur des clés du paradis. J’espère que tu ne me déranges pas pour rien, Mike.
Mike eut un petit rire gêné mais reprit rapidement sa contenance :
-Je vous présente Thomas. Il est arrivé ce matin et son dossier ne permet pas de statuer sur sa destination.
-Ben si c’est que ça, je le prends chez moi, intervint Rodolphe.
-Ce n’est pas si simple, reprit Mike. C’est sa vie qui doit déterminer le foyer de son éternité mais sa vie est… ben elle est vide.
-Comment ça vide ? lança Bruce surpris.
-Vide, répéta Mike. Il n’y aucun acte, ni bon, ni mauvais. C’est comme si Thomas n’avait pas vécu jusqu’ici. Je ne vois pas ce qui pourrait faire pencher la balance dans un sens ou dans un autre.
-Pas d’entourage, il ne voit pas sa famille, vit seul, ne partage rien, travaille dans un open-space où il ne connait personne, lista Bruce. Je ne vois pas d’acte de bonté quel qu’il soit qui pourrait le faire venir chez nous.
-Il ne s’est jamais battu, il n’a jamais insulté personne, n’a jamais triché, ni menti ajouta Rodolphe. Il n’a pas sa place chez nous non plus.
-Il faut bien trouver une solution soupira Mike d’une voix lasse, je ne peux pas le garder éternellement à l’accueil.
Le visage de Bruce s’éclaira soudain et il lança :
-Il est dit que la vie d’un homme peut être jugée jusqu’à son dernier souffle. Comment est-il mort ? S’il est mort en protégeant quelqu’un, cela peut influencer notre choix.
-Pareil pour moi acquiesça Rodolphe. S’il a été tué en braquant une banque, c’est un client pour nous.
Mike feuilleta le dossier et son visage se figea sur la dernière page. Il bredouilla, consterné :
-Même sa mort est complètement banale. Il se brossait les dents lorsqu’il a glissé en chaussette sur une flaque d’eau dans la salle de bain, en tombant au sol il s’est enfoncé la brosse à dent dans la gorge et il est mort étouffé.
-Irrécupérable, dit Rodolphe en se tapant le front.
-Comment est-ce possible ? ajouta Bruce.
Un lourd silence s’abattit sur les épaules de Thomas qui n’osait plus bouger. Mike reprit :
-Thomas nous allons trouver une solution, nous aimerions que vous retourniez dans la salle d’attente.
***
Thomas semblait découragé. D’accord il ne menait pas une vie d’aventurier. Il travaillait huit heures par jour et aimait passer du temps dans son appartement. Il aurait voulu partager sa vie avec quelqu’un mais l’occasion ne s’était pas présentée. Et si c’était vrai ? S’il était passé à côté de sa vie ? Thomas venait de prendre une critique de sa vie à pleine vitesse sans avoir eu le temps d’utiliser les freins.
Il était encore en plein questionnement lorsque la porte s’ouvrit dans le mur en face de lui. Mike, présent sur le seuil lui demanda d’entrer :
-Nous avons statué sur votre sort avec Bruce et Rodolphe et nous sommes arrivés à la conclusion que nous ne pouvions pas juger une vie qui n’avait pas eu lieu. Nous avons donc décidé de vous renvoyer sur terre.
-Je vais ressusciter ?
-Pas vraiment, cela fait 48h que vous êtes étalé dans votre salle de bain et personne ne s’en est aperçu. Comme personne ne vous a vu mort, personne ne s’étonnera de vous voir en vie.
Bruce appuya sur un bouton de son bureau et un levier couvert de toiles d’araignées apparut :
-Il n’a pas servi depuis longtemps, constata t’il. Et si j’ai un conseil à vous donner Thomas, ne gâchez pas cette seconde chance. Bien ou mal, peu importe, mais ayez une vie bien remplie.
Bruce actionna le levier et Thomas disparut dans un nuage de fumée.
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