Tout a commencé par une fête foraine.

C'était le samedi 14 octobre 2023, quelques temps avant de fêter Halloween.

Mon petit village avait déjà commencé à se préparer et s'animait comme jamais. Les lumières multicolores illuminaient déjà les rues, les cris des enfants retentissaient dans les manèges, et l'odeur du popcorn et de la barbe à papa flottait dans l'air frais du soir.

Halloween approchait à grand pas mais le village était déjà en pleine effervescence.

Parmi les attractions, il y avait un spectacle qui attirait particulièrement l'attention des gens : Pierrot le Clown.

Il était là, avec son visage blafard et son sourire éternel peint sur ses lèvres.

Il distribuait des ballons aux enfants avec un rire exagéré, presque mécanique.

Son costume rayé noir et blanc contrastait étonnement avec les couleurs vives de la fête.

Mais ce qui frappait le plus, c'était ses yeux. 

D'un bleu perçant, ils semblaient suivre chacun de nos mouvements, même quand il ne regardait pas directement. 

Pourtant, tout le monde semblait adorer Pierrot. 

Tout le monde, sauf moi.

Je ne sais pas pourquoi, mais dès que je l'avais vu, un frisson glacé m'avait traversé la colonne vertébrale. 

Il y avait quelque chose de profondément dérangeant chez lui, quelque chose que les autres ne semblaient pas percevoir. 

J'avais déjà dix-sept ans ce jour-là, trop vieux pour vraiment m'amuser aux attractions, mais mes petits frères jumeaux avaient insisté pour que je les accompagne.

Alors, j'ai passé la soirée à les surveiller de loin, tout en gardant un œil sur ce clown étrange.

La fête s'est prolongée tard dans la nuit.

À un moment, mes frères ont voulu un ballon de Pierrot le Clown.

Je les ai laissés y aller seuls, les observant depuis un petit banc placé non loin de là.

Je pouvais de là entendre son rire, haut et faux, résonner dans l'air.

Lorsque mes frères sont revenus avec leurs ballons rouges, ils semblaient étonnement plus calmes que d'habitude. Un peu comme s'ils avaient été hypnotisés.

J'ai voulu leur poser des questions, leur parler, mais ils m'avaient à peine répondu, plongés dans une étrange torpeur. 

Une sensation de malaise s'est installée.

J'étais surpris, mais surtout très angoissé.

De retour à la maison, tout a rapidement empiré. 

Mes frères sont allés se coucher immédiatement, sans un mot, sans un "bonne nuit", sans manger ni se doucher, laissant leurs ballons flotter dans leur chambre.

Quand j'ai essayé de les réveiller le lendemain matin, ils étaient... différents.

Mes frères n'étaient plus vraiment mes frères.

Ils parlaient moins, riaient rarement.

Leurs visages autrefois pétillants semblaient vides, éteints.

Ils ne jouaient plus, ne chantaient plus, ne chahutaient plus.

Plus rien.

Ils étaient totalement amorphes.

Chaque jour, leur état empirait, comme si quelque chose les dévorait de l'intérieur.

Ce n'est qu'une semaine plus tard après le début du changement, le mardi 24 octobre, que j'ai commencé à entendre les rires. 

Ça a commencé dans la nuit du mardi au mercredi, très faiblement, comme un écho lointain.

Mais cela s'est très vite accentué, les rires devenant de plus en plus fort à mesure que les jours passaient. 

Mes parents disaient que je m'inquiétais trop et ne me croyaient pas.

Pour eux, tout allait bien, ils étaient juste fatigués mais moi je savais que quelque chose était en train de se produire.

Le soir du samedi 28 octobre 2023, je suis monté dans la chambre de mes frères, attiré par un étrange bruit sourd.

En ouvrant la porte, je les ai vus assis sur leur lit, face au mur.

Les ballons, qu'ils avaient ramenés de la fête, avaient laissé place à un ballon beaucoup plus grand qui flottait au milieu de la pièce. Mais il était différent, il était comme... pourri.

Le rouge était devenu sombre, presque noir, et la surface semblait bouger, comme s'il y avait quelque chose à l'intérieur et que cette chose essayait de s'en échapper.

Et c'est là que je l'ai vu. 

Dans le reflet de la fenêtre, il était là: le clown. Pierrot. C'est lui qui se trouvait dans les ballons. Lui, enfin, plutôt son esprit.

Son visage toujours figé dans ce sourire grotesque.

Mais cette fois-ci, ses yeux étaient, comment dire... vides, noirs comme le néant. 

Il m'a regardé à travers le reflet, et j'ai senti une pression, une douleur dans mon corps comme si mon cœur allait s'arrêter.

Son rire, ce rire mécanique et forcé, a alors résonné dans toute la pièce, et mes frères se sont mis à l'imiter et à avoir ce même rire.

Terrifié, j'ai reculé, mais sans savoir pourquoi, instinctivement, j'ai saisi la première chose qui me passait sous la main, en l'occurrence la trousse d'école de l'un de mes frères et la lança sur le ballon. 

Le ballon éclata dans un bruit sourd, et de la fumée noire en sorti, envahissant la pièce. 

J'ai couru, dévalant les escaliers trois par trois, mes oreilles bourdonnant du son de ce rire infâme.

Le visage de Pierrot, maintenant gravé dans mon esprit, me hantait.

Depuis cette nuit, mes frères sont plus ou moins revenus à eux.

Ils sont là, semblent encore un peu perdus mais semblent, au fur et à mesure, revenir à la réalité.

Ils ne sont pas comme ils étaient avant, peut être ne le seront-ils jamais, mais ils bougent, parlent, revivent.

C'est déjà ça!

Quant à moi, chaque soir, j'entends ce rire au fond de ma tête et je ne peux m'empêcher de penser à tous ces enfants qui se sont vus offerts un ballon et dont Pierrot a volé l'âme.

Je suis un peu plus soulagé pour mes frères, mais j'ai peur.

Je sais que Pierrot reviendra bientôt.

FIN

Information: l'image d'illustration a été réalisée par mes soins à partir de l'IA.