A l’heure d’une stratégie post-crises multiples, quelles sont les perspectives pour la réindustrialisation de la France ?

Si on se projette au-delà de réactions « à chaud », tels que les plans de relance et autres actions de soutien à l’économie décidés dans l’urgence, comment imaginer l’industrie de demain ? Par l’innovation de rupture ?

La pandémie actuelle n’a fait qu’exacerber les problèmes de l’industrie française et la nécessité d’accélérer les évolutions nécessaires pour la rendre plus compétitive, mieux adaptée et davantage résiliente. 

Problème d’approvisionnement en masques, en respirateurs, en blouses, en gants, de locaux, d’équipements divers et de personnel : la pandémie de COVID-19 a révélé au grand jour des problèmes majeurs de l’industrie française : dépendance par rapport à l’étranger, vulnérabilité, difficultés logistiques, manque de réactivité, … L’incapacité des laboratoires pharmaceutiques français à proposer un vaccin a été vécue comme un échec national et traduit une certaine rétrogradation de la recherche française. 

Ces problèmes sont en réalité les symptômes d’un mal profond : celui d’une inadaptation croissante de l’industrie française. Cette inadaptation éclate aujourd’hui à la faveur d’une crise sans précédent, mais en réalité, le mal était latent depuis longtemps et le décrochage ne peut que s’amplifier. En effet, plusieurs tendances de fond sont à l’œuvre avec un impact direct et de plus en plus prégnant sur l’industrie. 

Récapitulons les principales tendances et leurs conséquences : 

La nécessaire transition écologique, avec les problèmes sous-jacents de pollution, de prise en compte du réchauffement climatique, de l’épuisement des ressources naturelles, de la recherche de nouvelles sources d’énergie, etc. 

La défense de l’emploi avec la nécessité de revitaliser l’activité économique de nombreux territoires

Des règlements et normes toujours plus exigeants pour la sécurité des installations industrielles et pour celle des consommateurs

La sécurisation des approvisionnements et des chaînes logistiques

La nécessité d’une compétitivité accrue 

Problématiques de la propriété industrielle & intellectuelle

Le souhait d’une certaine préférence nationale se traduisant par la relocalisation de certaines industries, en particulier les plus stratégiques. 

L’impact grandissant des technologies dans tous les processus industriels

Des évolutions sociétales sont aussi à prendre en compte et pèseront sur la reconfiguration de l’industrie : problématique de l’équilibre vie professionnelle/vie privée, bien-être au travail, nouveaux métiers, développement des activités indépendantes, augmentation de la part des services et de l’immatériel, les attentes pour une implication citoyenne des entreprises. 

A la lumière de ces évolutions inéluctables, on peut esquisser les contours de ce que sera l’industrie du futur prenant en compte ces contraintes et les externalités associées :

De petites unités de production au plus près des centres de consommation

Des usines polyvalentes et flexibles, capables d’adapter la nature et les volumes de leurs productions

Un principe généralisé d’économie circulaire réglementée entre centres de production

Des mini-usines organisées en réseau, connectées entre elles, capables de mettre en commun des ressources et d’équilibrer les capacités de production (principe d’homéostasie entre unités distribuées et reliées entre elles)

La généralisation des plateformes et des places de marchés

Des usines largement ouvertes sur leur environnement, animant des écosystèmes de proximité, permettant la mutualisation et la mise à disposition de moyens et capacités au plus grand nombre, y compris aux citoyens et consommateurs finals : exemple des fablabs, living labs, techshops… 

Le Paris Saclay Hardware Accelerator https://psha.fr/ est un bon exemple de techshop de nouvelle génération permettant d’accompagner des entrepreneurs depuis la phase d’idéation jusqu’à la phase de mise sur le marché de leur projet innovant, en passant par le prototypage, l’expérimentation, l’industrialisation. 

La création de tiers-lieux à proximité et en relais des centres de production : pour faciliter les rencontres, les échanges, le télétravail, l’exposition et la vente de produits en circuits courts, …

Des unités de production intégrées dans le paysage, en minimisant toutes pollutions visuelles ou sonores

Des usines opérées par une majorité de cols blancs, c’est-à-dire des usines robotisées, faisant appel aux technologies les plus avancées : intelligence artificielle, smart data, réalité virtuelle, conception et impression 3D, blockchain, informatique quantique, centres de catalyse. 

Des centres de production ayant également une fonction d’apprentissage, de formation, permettant la sauvegarde des savoirs pour une rupture en douceur.

Nul doute que l’industrie du futur reposera sur de petites unités distribuées et interconnectées. Cette configuration de nature organique est en effet celle qui peut permettre de concilier à la fois efficacité et résilience. Un bénéfice additionnel de cette organisation sera une meilleure symbiose de l’industrie avec l’environnement social. 

Vive l’industrie du futur, proche et respectueuse des hommes et des territoires !

Eric Seulliet - Président de la Fabrique du Futur

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