VARIATION AUTOUR DE L'ABANDON
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VARIATION AUTOUR DE L'ABANDON
J'ai eu si mal que j'ai cru mourir, sotte, on ne meurt d'amour que dans les romans.
J'ai mis ma douleur à l'épreuve, une nuit de décembre glaciale, sur un banc blanc de givre. Je suis restée parfaitement immobile, dans l'espoir stupide de me transformer en statue de glace, insensible à tout. Mais au bout de cette nuit pétrifiée ton visage emplissait toujours ma tête, ton corps mon corps, et le froid, qui a eu raison de moi au petit matin, m'a chassée dans ce lit vide, désespérément vide, que chaque nuit ton absence déserte. Jour après jour, nuit après nuit, je t'ai maudit. Si fort que je n'étais plus moi. Si fort que ce n'était plus toi. Non, ce n'était pas cet amour dévorant que je maudissais, mais son incommensurable absence. Aphone de crier ton nom, je l'ai écrit en boucle sur mes cahiers d'écriture, pour m'exorciser de toi, en vain. Dire que tu m'as brisé le coeur n'est pas à l'image du mal. Tu l'as broyé, avec quelques mots froids et volatiles, en y mettant les formes, celles de l'abandon.
Ce vide laissé était si puissant qu'aujourd'hui encore il me semble que tes bras m'enserrent, que ton souffle court dans le creux de mon cou, je me retourne alors sur la solitude que tu m'as laissée.
Pourtant je me garde en vie. Je mange pour manger, je bois pour boire, je baise pour baiser. Mais rien n'a plus la même saveur qu'avec toi.
Je te pardonnerai peut-être, avec le temps, mais tu seras à jamais mon amer regret, mon échec cuisant, mon amour perdu.
Une amie m'a trouvée un jour, hagarde, au milieu d'une rue, sans nom et sans adresse, sans histoire et sans mots. Elle m'a ramenée chez moi, comme on ramène un enfant perdu à ses parents, m'a posée là, dans cette maison qui était nous et ne signifie plus rien conjuguée au singulier.J'aurais voulu qu'elle m'adopte, qu'elle me prenne chez elle, comme un chien perdu sans collier. j'aurais voulu faire semblant de tout redécouvrir, pour goûter à nouveau la saveur de vivre.
C'était compter sans toi, la tyrannie du manque, le manque de ta peau, ta peau douce et brune, tes yeux d'océan, et ton corps nerveux, et ta voix grave qui me disait tout ce que je n'entendrai plus de ta voix. Et tes mains, grandes ert fines, et... arrête!!! Laisse moi, ne me hante plus, tu n'es plus qu'un fantôme. J'aurais pesque vulu te savoir mort, pour que tu n'aies jamis été qu'à moi, ou alors t'avoir quitté la première.
Et puis je t'ai revu, un jour, oh de très loin, ta longue silhouette, ton pas chaloupé, et sa main dans ta main. Là, j'ai compris, enfin, que s'en était fini de nous, que tu avais tourné la page, et qu'il était grand temps pour moi d'en faire autant. Je me suis remise à goûter à la vie, doucement, comme une convalescente. J'ai cessé d'écrire ton nom. Mais je n'ai pas cessé de t'aimer. Jamais.
L'essence des mots;
j'ai cru mourir d'aimer. Ce fût une douleur, une épreuve dans l'immobilité. Espérer être insensible à ton visage, à ton corps, chassée de ce lit vide...
Le jour, la nuit, déserter l'absence. Te maudire, crier ton nom, écrire. le coeur brisé, broyé par l'abandon, le vide sans tes bras, la solitude de vivre sans saveur. Te pardonner les regrets perdus? C'est une histoire sans mots, au singulier.
Adopter la saveur de la tyranie du manque...
Ta voix me hante jusqu'à la mort. Me quitter pour sa main dans ta main?
Je vais tourner la page, goûter la vie convalescente, écrire, aimer.
NB: petit retricotage des mots pour parvenir à un texte plus nu et peut-être plus fort.
PHOTO: VICTORIA PRYMAK
Jean-Christophe Mojard 8 months ago
La cruelle tyrannie du manque a trouvé la plume, tout aussi tranchante, seule capable d'en venir à bout. Un texte cinglant pouvant servir d'exemple, dont le fil opposable "de sa main dans ta main" est tout aussi coupant. Charmé.
Mel 8 months ago
merci, j'apprécie la qualité du commentaire, une vraie lecture!🌹
Amelie Rollet 8 months ago
Magnifique, la renaissance après le désespoir
Mel 8 months ago
merci beaucoup, je découvre juste ce réseau, un commentaire qui fait plaisir, mon premier!