L'accusé-réception
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L'accusé-réception
En ouvrant sa boîte postale, Josée Armando de la Cierva Negra trouve parmi son courrier une petite carte de la poste ; Vous savez ! Ce genre de petit mot que vous glisse le facteur, lorsque vous êtes absent, il vous informe qu’un colis ou une lettre vous attend au comptoir.
N’ayant rien de particulier à faire par cette agréable journée de printemps, armé de cette petite carte, il se dirige vers le bureau de poste en question. Il pénètre dans le bâtiment avec la ferme intention d’en ressortir aussitôt que possible, il ne voudrait surtout perdre son temps par une si belle journée.
Il repère le comptoir d’accueil, juste à côté de celui où il est indiqué « Réception ».
Il hésite un instant entre Accueil et Réception, n’étant pas sa langue maternelle, il remarque la file d’attente devant le comptoir « Accueil » et se dit que ce doit être le bon et prend place derrière un vieux monsieur qui marmonne, dans sa barbe, on sait trop quoi. Ils avancent à pas de tortue sous l’œil bienveillant de la pendule qui tictaque poliment.
Son tour arrive; Enfin! Il s’avance guilleret vers le guichet pour présenter sa petite carte au préposé, mais avant même qu’il ait le temps, il entend celui-ci lui dire, sans le regarder ;
- Veuillez accuser réception, siou plaît !
- Pardon ? Dit-il en se tournant vers le comptoir d’à côté, Accouser Récepcion ? Comment fait-on ?
- Si vous voulez votre lettre, il faut « accuser réception ».
- Yé veux bien, mais pour quelle est la raison ? Dit-il.
- Vous êtes venu chercher votre lettre n’est-ce pas ?
- Oui Monsieur !
- Et vous voulez que je vous la donne ?
- Oui Monsieur !
- Alors vous devez signer l’accusé réception ;
- En plus il faut que yé le signe, mais c’est si grave qué ça ?
- C’est la procédure, dit le postier sur un ton laconique ;
- Il fit alors le signe de croix en direction de « Réception » et tendit la petite carte au préposé de l’accueil ;
- Mais ! Vous ne l’avez pas signé ? Dit-il l’air surpris ;
- Mais si, mais si, mais yé né signe peut-être pas commé vous, vous comprénez.
- Je crois comprendre, Monsieur, dit-il sur un ton plus discret, veuillez m’excuser, dans ce cas signez en faisant une croix et ce sera suffisant ;
- Oune croix ? Mais c’est ce que yé viens de faire à l’instant, vous m’avez demandé dé signer Récepcion et yé l’ai fait.
- Je regrette, Monsieur, mais si vous ne signez pas l’accusé réception, vous ne pourrez pas avoir votre lettre, alors faites un petit effort, siou plaît…
- Mais pour signer, il faut bien faire oune croix ? Fit-il incrédule ;
- Oui Monsieur ! Mais ce que je crois, c’est que vous ne savez pas signer, sachez que ce n’est pas si grave, je comprends, faites une croix et je vous assure que ce sera suffisant.
- Ce qu’il fit à nouveau sans sourciller en se tournant vers « Réception » et termina par un « Amen » bien sonnant.
- Ça suffit Monsieur ! Il n’est pas question que je vous amène votre lettre, sans accusé réception dûment signé, c’est la procédure.
- Écoutez ! yé veux bien considérer qu’il est coupable, mais…
- Je ne vous demande pas de le couper, je vous demande simplement de le signer, ce n’est pas compliqué il me semble ! NON ?
- Mais alors, si vous dites qu’il n’est pas coupable, porqué voulez-vous que yé lé signe ?
- OK ! OK ! Avez-vous une pièce d’identité ?
- Identité ? Connais-pas ! Je ne savais pas qu’il était en pièces celoui-là.
- C’est simple, si vous ne savez pas signer et si en plus vous n’êtes pas en mesure de présenter une pièce d’identité, dans ce cas il me faut une preuve de naissance.
- La preuve Monsieur ! Mais vous l’avez devant vous, dit-il l’air offusqué.
- Ce n’est pas suffisant, avez-vous une preuve domiciliaire ?
- Non ! Mais comment pensez-vous que yé sois en possession dou carton si ce n’est en lé ramassant dans ma boîte aux lettres’ ?
- Monsieur, un bout de carton ne prouve pas la bonne foi de celui qui le porte !
- Si yé comprends bien, vous considérez que yé souis de mauvaise foi ?
- Ce n’est pas ce que j’ai dit…
- Yé n’ai peut-être pas les mêmes convictions qué vous mais yé né vous permets pas dé douter dé ma bonne foi.
- Pardon ! Mais j’ai dit qu’il me fallait une preuve, peut-être que si vous aviez un témoin qui puisse prouver que vous êtes bien celui qui doit accuser réception, dans ce cas cela démontrera votre bonne foi…
- Vous êtes vraiment têtou vous ; Vous voulez vraiment que y’accuse Récepcion sour la base dé yé né sais quelle foi alors qué yé né sais pas dé quoi il est coupable et dé toute façon yé né sais pas comment faire ?
- Avec un crayon bien aiguisé, voyons ! Fit-il en lui tendant le sien tout souriant.
- Mais vous êtes oun monstre ! Il n’est pas question qué yé lé fasse avec oun crayon ;
- Calmez-vous ! Je vous jure qu’il ne sentira rien et après cela je le renvoie à son créateur ;
- Là ! Vous y allez oun poquito forté, yé ne veux pas être complice d’oun tel acte dé barbarie, donnez-moi ma lettre et qu’on en finisse.
- Il n’en est pas question, sans témoin, sans signature, pas de lettre, dit le postier l’air obstiné en croisant les bras sur sa poitrine.
- Dépité, il se tourna vers la personne derrière lui et lui demanda ;
- Voulez-vous être moun témoin ?
- Désolé ! Moi je n’ai rien vu, rien entendu, je le jure !
- Attendez que yé m’explique, lé préposé mé demande oun témoin pour lui prouver que yé suis de bonne foi.
- Ma foi ! Je veux bien être votre témoin mais pour cela il me faudrait savoir de quoi il en retourne ?
- Yé ne veux pas retourner, Yé vous assure que c’est la première fois…
- Oh si on écoute tous et chacun, c’est toujours la première fois...la leur.
- Yé né soui pas sur dé comprendre "laleur" mais écoutez, là n’est pas la question, il parait qu’il mé faut accouser Récepcion, sinon il né mé donne pas ma lettre.
- Eh bien faites-le ?
- Yé l’ai fait mais il n’est pas satisfait, comme yé né peux prouver mon identité, il mé faut oun témoin.
- Désolé !
- Porqué ?
- Mais je ne vous connais pas, peut-être devriez-vous vous présenter à la réception pour savoir de quoi il en retourne au sujet de l’accusé.
- Ok ! que yé m'en retourne vers Réception ? c’est oune idée pouisqué vous êtes le deuxième a me le dire !
Et c’est ainsi qu’il laissa sa place à ce monsieur pour se diriger promptement vers le comptoir « Réception ».
- Bonyour Madame, yé me présente à vous parce qué yai reçu ceci et à l’Accueil il m’a demandé de vous accuser, mais comme ye ne sais pas de quoi vous êtes coupable, pouvez-vous m’en dire plus à votre sujet ?
- Si c’est une plaisanterie Monsieur, elle n’est pas de bon goût, mais sachez qu’ici je ne délivre que des accusés réception, vous devriez retourner à l’accueil.
- Ce n'est pas ouné plaisantérie, mais si vous les délivrez, de quoi étaient-ils coupables ! Et qui les accouse ?
- Mais vous Monsieur ! vous accusez réception et on vous donne votre lettre, si vous voulez la retourner, je vous délivre un reçu.
- La retourner encore ? Oun reçu ? Moi tout ce que yé veux, c’est ma lettre, c’est tout, vous ne pourriez pas me trouver oun pétit arrangement avec votre collègue, moi yé n’y suis pour rien dans vos histoires dé délivrance et d’accousé à rétourner.
- Impossible Monsieur, la procédure c’est la procédure et si tout le monde se mettait à les contourner, ce serait l’anarchie.
- Il n’est pas question que yé retourne, contourne ou accouse qui qué ce soit et sans savoir pourquoi. C'est une question dé principe.
- Le principe ici est que vous n’avez pas le choix, c’est la procédure.
- Et si yé vous la donne cette pétite carte, vous allez me donner quoi ?
- Rien ! Pour cela il me faut recevoir votre lettre et seulement dans ce cas vous aurez votre récépissé.
- Ré c’est pissé ??? Mais qu’est-ce qué vous mé chantez là ? décidémment yé souis dans une maison des fous, moi yé voulais juste ma lettre si en plous on mé dit d'aller pisser…
- Ah ! mais si vous voulez allez aux toilettes, fallait le dire tout de suite, sachez qu’ici il n’y en a pas ici Monsieur !, vous êtes la poste Monsieur !
- Ye le sais bien Madame ! j’ai oun petit cartoun qui dit que yé doit venir vous voir parce que quelqu’oun dé chez vous me l’a envoyé et il dit que vous avez ma lettre, c’est ce que yé souis venou chercher.
- Désolé ! Ce n’est pas de mon ressort, vous devriez retourner à l’accueil, lui seul peut vous donner votre lettre… Si vous suivez la procédure, bien entendu...
- Mais madame, y’en viens dé l’accueil.
- Dans ce cas vous devez retourner chez vous pour aller chercher une preuve d'existence afin d’accuser réception, c’est la procédure je vous dis ! Vous devez comprendre que l’on ne peut pas s’exécuter sur votre simple bonne foi.
- Madame ! croyez bien qué yé m’objecterais à ce qué vous vous exécoutiez devant moi, c’est insensé yé ne peux accepter oun tel sacrifice pour une simple lettre.
- Rassurez-vous Monsieur, ce n’est pas si compliqué, il me suffirait d’aller dans la pièce d’à côté.
- Décidément facteur est oune profession de foi, yé ne réalisais pas à quel point les préposés chez vous devaient faire preuve d’autant d’abnégation de soi. Là, yé dois avouer qué vous m’épatez et maintenant yé comprends mieux pourquoi il y a autant dé roulement dé personnel.
- Dites-vous que la plupart du temps c’est pour le meilleur, répondit la postière en souriant.
- Yé n’ai pas autant de conviction qué vous, finalement cette lettre, gardez là ! Yé veux garder la conscience tranquille.
- Faites comme bon vous semble Monsieur, mais quand vous l’aurez fait quelques fois, vous verrez que ce n’est si difficile, on s’habitue à tout…
- ??????? Caramba ! yé soui tombé dans oune monde dé fou…