Congratulations! Your support has been successfully sent to the author
Chap 5 L'aura vibratile

Chap 5 L'aura vibratile

Published Apr 8, 2022 Updated Apr 8, 2022 Culture
time 28 min
0
Love
0
Solidarity
0
Wow
thumb 0 comments
lecture 92 readings
0
reactions

On Panodyssey, you can read up to 10 publications per month without being logged in. Enjoy9 articles to discover this month.

To gain unlimited access, log in or create an account by clicking below. It's free! Log in

Chap 5 L'aura vibratile

Au quatorzième anniversaire de Patrick il y eut deux évènements qui perturbèrent son quotidien.

 

Le premier, à son réveil, guidé par son odorat, il découvrit sur son drap une tache qui n’était ni urine, ni excrément mais qui persistait au bout de son sexe. Odeur qu’il avait déjà répertoriée, mais pas encore visualisée, ni nominée bien qu’il ait fait d’énormes progrès à ce propos. Lui qui ne savait pas qu’un sexe ne faisait pas qu’uriner, prit peur et lava promptement son sexe à l’eau claire, frotta plus que de raison le drap contaminé et de ce jour ouvrit une section pas de réponse dans son classement neuronal olfactif.

 

Alors que certains pubères plus informés sans doute, développent une virilité inconvenante, Patrick élimina le problème par un rafraichissement aquatique systématique ce qui après quelques semaines produisit son effet. C’est-à-dire que seule l’urine coulait de son tuyau. L’on dit souvent que la fonction crée l’organe, il faut croire que l’abstinence tue l’organe ou tout du moins le met en sommeil.

 

Second évènement et celui oh combien plus important pour la suite de notre histoire ! Lors du toilettage matinal de son protecteur, trop âgé désormais pour se laver seul, en frottant le dos de l’abbé, Patrick visualisa avec son nez une sorte d’odeur vibratoire qui semblait coller à la peau de son protecteur. En lavant les jambes, il constata que cette aura recouvrait tout le corps. C’était nouveau pour lui, lui qui pouvait trier, suivre, conceptualiser des milliers d’odeurs, sans pour autant les voir, pour la première fois, il était en face d’une représentation réelle d’une odeur. Aujourd’hui on dirait en trois dimensions. Avec sa puberté naissante, alors que l’organisme des adolescents s’acharne sur leur visage avec des boutons d’acné disgracieux, pour Patrick qui ressemblait plus à un enfant de dix ans, qu’à un beau gaillard point de tout cela, mais quelque chose de bien plus rare et utile : les filaments de son mucus olfactif situé dans le liquide cérébrospinal avaient triplé de longueur et permettaient maintenant non seulement de capter les odeurs mais de les visualiser de façon nette et précise. Il était passé de la lunette de vue, au télescope quand le commun des mortels se contente de ses yeux et le chien de lunette. Son nez avait désormais la capacité de « visualiser les odeurs ». Visualiser c’est une chose, la décrire c’en est une autre et à cet instant précis il n’avait pas les mots pour décrire l’aura vibratile de l’abbé.

 

Toutefois sans l’appréhender, ni la conceptualiser, il avait déjà conscience qu’il connaissait déjà cette aura, qu’il la connaissait trop bien, qu’il l’avait croisée plusieurs fois et fort de son odorat incommensurable, il délaissa les autres odeurs pour se focaliser sur cette aura unique. Avec le temps, beaucoup de concentration, il put distinguer chez l’aura de l’abbé, ce que d’aucun appellerait une densité ou de la concentration et pouvait reconnaître sa signature olfactive unique comme une empreinte digitale à une condition impérative qu’il fut suffisamment proche de l’abbé, moins de dix centimètres pour être précis. Il s’abstint de conclusion hâtive. Le soir dans sa chambre, il nota sur un calepin ses réflexions, et fit une description des plus exhaustives de cette aura comme il l’aurait fait avec une odeur ordinaire avec support ou pas. Il y écrivit que pour repérer cette aura, il était préférable que l’hôte de l’odeur soit très prêt de son nez, moins de dix centimètres, si possible la peau nue.  Il souligna dix et nue.

 

Les jours, les semaines, les mois suivants, il chercha bien sûr à retrouver la signature de l’aura sur d’autres humains, ce qui n’était pas chose aisée vu les distances respectueuses qu’il fallait respecter au prieuré mais avec le temps, il put émettre de nouvelles hypothèses, l’aura réagissait avec l’heure, la température extérieure, les odeurs environnantes, l’âge et les maladies mais aucune certitude. Il était et demeurait dans le flou pour cette odeur. Ce qui le contrariait au plus profond de sa personne, car en parallèle son nez depuis sa puberté avait développé des capacités remarquables. Par exemple la nuit, il n’avait plus besoin de lumière pour se déplacer, avec son odorat il voyait comme en plein jour, et même mieux qu’en plein jour, car il pouvait deviner l’arrivée d’une nonne bien avant de la croiser et ce fut fort pratique pour Patrick lors de certaines incursions nocturnes dans les couloirs odoriférants du cloitre. Mais cette odeur, cette aura vibratile continuait de lui poser problème.

 

Une nuit qu’il était à humer à travers les portes de cellules des nonnes, son nez le bloqua devant une porte. Il ne sentait presque rien et pourtant une nonne dormait. Il s’introduisit dans la chambre et visualisa dans sa tête la chambrée et la pensionnaire. C’était une vielle nonne à l’agonie qui respirait péniblement. Il passa en revue toutes les senteurs qu’il avait catalogué, les compara et commençait à vouloir déshabiller la sœur pour examiner son aura, quand la nonne expira son dernier souffle, lui retirant tout support olfactif. En refermant la porte de la défunte, Patrick se posa cette question et nota dans son calepin : L’absence d’aura vibratile était-il un avertisseur d’une mort imminente ? 

 

Toutefois, avant que la vieille ne rende l’âme Patrick avait déjà répertorié plusieurs odeurs de la nonne, dont il nota le nom dans son calepin : ammoniaque, soufre, sel, fer, urée, humus. Comme il avait conscience qu’il lui manquait une centaine d’autres odeurs au moins, il traça une cinquantaine de traits, qu’il sépara par des virgules et entre chaque, inscrivit un point d’interrogation. Alors qu’il allait referma son calepin, il effaça un premier point d’interrogation et nota à la place : « mycélium ».

 

Comme Patrick ne se laisse pas perturber dans son entreprise et même s’il y met le temps, il finit toujours par trouver une réponse sinon, il continue de chercher. La nuit suivante, il retourna enquêter. Il avait projet de s’enfermer dans la cellule de la nonne décédée la veille, d’y passer la nuit pour retrouver des traces, des indices de cette odeur disparue, sur le drap, le plafond, le sol, les murs et de combler ses points d’interrogation.

 

S’il avait pu le faire, il aurait trouvé l’odeur d’une dame bourgeoise nommée Eglantine de Berchois génitrice de la nonne et de son amant le soldat… Qu’importe son nom, la dame accoucha et abandonna sa bâtarde devant une église avec quelques pièces d’or dans le berceau…

 

Il aurait aussi trouvé l’odeur de l’orphelinat de Saint Mandé, d’une camarade de jeu un peu trop proche…

 

Il aurait trouvé toutes les odeurs qui étaient entrées en contact avec la nonne au cours de son existence, mais ce ne fut pas le cas et les points d’interrogation restèrent des points d’interrogation.

 

La nuit sans lune, lui donnait avantage sur les surveillantes et quand il arriva devant la porte, il ne retrouva pas la signature olfactive de la défunte, mais découvrit une odeur de miel, de lavande, de cascade… De printemps s’il ne fallait garder qu’un mot. Tout à son émerveillement, son nez sonna l’alarme, on s’approchait des deux côtés du couloir, impossible de rebrousser chemin sans se faire repérer. Il pénétra dans la chambre et collé derrière la porte, il attendit. La première odeur passa mais ma seconde s’approchait dangereusement, s’arrêta un instant devant la porte, ce qui laissa à Patrick juste le temps de se glisser sous la couche de la nouvelle occupante de la cellule et avant que la promeneuse n’ouvre la porte. Au-dessus de lui, point besoin de la voir, il savait que c’était une jeune fille de la campagne que l’on venait d’apporter en soirée au Prieuré et dont on n’avait pas encore rasé de la tête qui dormait à poings fermés. Elle dégageait un doux parfum qui ravissait Patrick qui en oubliait la visiteuse, quand celle-ci ouvrit la porte et s’avança dans la chambre de la paysanne.

 

L’odeur du dehors s’approchait du lit, s’y allongea de tout son long. Le lit se mit à bouger, la jeune fille qui jusque-là dormait, se mit à murmurer à mesure que la température de son corps augmentait et laissait s’échapper des senteurs nouvelles que Patrick avait, beaucoup de difficultés à capter.  Comme nous le savons l’air chaud s’élève, emportant avec lui les odeurs vers le haut et non vers le sol où se cachait Patrick, ce qui ne facilitait pas le travail du nez de Patrick. Mais l’explosion odoriférante qui envahit la petite chambrée suffira à Patrick pour débuter une nouvelle enquête.

 

Coincé sous le lit, Patrick se contenta de mémoriser les divers renseignements que lui donnait son nez. La visiteuse de la porte était une nonne plus âgée que celle qui dormait, mais pas encore gâtée par l’âge, vers les 25 ans, alors que l’autre en avait à peine douze, quatorze tout au plus. Quand il put s’extraire de dessous le lit, laissant les amantes à leur sommeil, Patrick était troublé, agacé et piqué de curiosité. De retour dans sa cellule, il inscrivit sur une page blanche de son calepin les renseignements olfactifs qu’il avait pu répertorier et comme pour l’aura vibratile ajouta un grand nombre de points d’interrogation.

 

Entre l’aura du prêtre, l’absence d’aura de la nonne et les senteurs de la novice, Patrick avait maintenant de quoi user sa santé.

 

A défaut de preuves contraire, il spécula dans ses consignations que l’aura vibratile de son protecteur n’était visible que lors d’un toilettage, sans avoir encore conscience que le toilettage n’avait rien à voir avec la manifestation de cette singularité, mais juste la nudité, ce qui va ralentir considérablement sa prise de conscience du phénomène vu qu’à son jeune âge, dans un prieuré, l’occasion de voir des corps nus et leur aura tenait du miracle, même pour un lieu de culte où les miracles sont ordinaires.

 

Pour l’odeur de la visiteuse, il n’avait qu’à attendre qu’elle revienne dans la cellule de la paysanne.

 

Quant aux senteurs de la novice, après plusieurs nuits devant leur porte ou sous le lit, il consigna au regard des chemises jetées à terre que deux corps nus produisent plus de senteurs s’ils se frottent entre eux et augmentent leur chaleur. Il souligna le mot chaleur.

 

De même il nota à propos de l’abbé que sa « vibrilité », comme il la dénommait quelquefois, à défaut de terme précis, au fur et à mesure qu’il l’observait, devenait de plus en plus dense mais, jamais opaque. Ne sachant pas trop pourquoi, il se contenta de noter l’observation.

 

Pour la novice et sa visiteuse, une nuit il trouva la chambre vide, la fillette était suffisamment éduquée pour devenir une servante docile dans tous les sens du terme chez un couple de bourgeois qui ne ménageaient les dons en numéraires au prieuré pourvu que celui-ci lui forma des servantes avenantes et pas revêches. Aux dires de mère supérieure c’était surtout madame qui était demandeuse, monsieur d’un certain âge lui se contentait du spectacle et profitait de l’énergie de la jeunesse vu que madame de son côté en avait assez d’user ses maxillaires pour rien. Mais cet aspect ne fut pas noté dans les calepins de Patrick, commérages…

 

Au mois de janvier 1827, son maître tomba gravement malade, au point qu’il reçut l’extrême onction. Vers les, une heure du matin, on réveilla Patrick et on lui permit de se recueillir auprès de son mentor avant qu’il ne rejoigne notre seigneur. Seule sœur Albete une vieille nonne sur le chemin du Père voulut rester auprès du mourant. Les sœurs consignées à la veillée mortuaire gratifièrent cette « sainte » que quelques signes de croix pour la remercier de son courage et de son sacrifice, puis s’empressèrent d’aller dormir.  Sœur Albete était bien moins sainte qu’elle était curieuse. Aux portes de la mort, elle voulait de ses yeux, voir ce que ça faisait de mourir et surtout si on souffrait. La pauvre l’ignora jusqu’à sa mort. Si je puis me permettre cette analogie, comme les enfants qui attendent le Père Noël, trop excités qu’ils sont, ils finissent toujours par s’endormir et se promettent de ne plus s’endormir l’année suivante.

 

Avant que sonnent les deux heures du matin la sœur ronflait avec une régularité désespérante mais bien arrangeante pour Patrick qui retira les couvertures de son protecteur releva sa chemise et il comprit en ne visualisant qu’une infime couche d’aura « vibratile » que le prêtre allait rendre son dernier souffle. Ce qui l’attrista énormément et le révolta en même temps.

 

Ce don de voir ou plus exactement de sentir l’approche de la mort, Patrick n’avait pas conscience qu’il l’avait toujours eu, sa puberté n’avait qu’exacerbé ce don. Il l’avait eu une première fois, alors qu’il n’était qu’un bébé quand on l’avait posé sur l’hôtel de l’église du prieuré et qu’une sœur juste après avoir reçue l’hostie rendit l’âme. Il en avait pleuré si fort que son corps convulsé l’avait fait chuter et sans l’intervention de son abbé, il serait déjà mort.

 

Il l’avait rencontré un an et demi après quand Jeanne était venue l’embrasser au moment de la séparation et qu’il fit une crise convulsive à le rendre violacé. Rappelons que ce même jour, sa nourrice perdait la vie dans un marché.

 

Il l’avait encore eu deux jours avant le décès de Jeanne le 7 septembre 1812 puis les 27 et 28 novembre 1812, avec l’abbé du 16 au 19 octobre, tous les mois de janvier, février et mars 1814 et sa dernière crise le 18 juin 1815, toutes ces crises nous les connaissons car notées sur le carnet qu’avait débuté Jeanne et poursuivi par l’abbé. Ces crises sans origines apparentes avaient pourtant des causes des plus réelles mais qui se déroulaient loin, très loin de Patrick et que seul le nez de cet étrange personnage pouvait capter, sentir au point de la mettre mal à l’aise. La disparition d’aura en grand nombre ! Ce qui ni Jeanne, ni l’abbé ne savait, c’est que les dates des crises « respiratives » de Patrick correspondaient toute à une bataille napoléonienne et ses massacres.

 

A chaque fois qu’il l’avait rencontrée cette absence d’aura bien caractéristique pour son nez, ou toute proche, la nonne, Jeanne ou très lointaine (Leipzig, Waterloo) il convulsait, manquait de respiration et tombait gravement malade

 

Après le 18 juin 1815, il n’eut plus de crise, car instinctivement, quand cette absence d’odeur se faisait trop pressante, il détournait son nez, submergeait son odorat de senteurs puissantes qu’il avait toujours à portée de main. Avec le temps, il avait pris le réflexe de combattre ce vide odorant caractéristique avec une senteur forte comme un verre de vin rouge, du charbon de bois, des odeurs poivrés, mentholées… Et si cette gêne ne disparaissait pas entièrement, si elle l’incommodait au plus haut point, elle ne lui provoquait plus de convulsion.

 

Certains trouveront curieux qu’un être puisse souffrir d’une absence d’odeur mais Patrick qui ne vivait, respirait qu’à travers des odeurs, lui retirer l’odeur de l’aura vibratile, c’était comme sortir de l’eau un poisson, ou se promener tout nu sur la banquise polaire.

 

Dans sa quête et la constitution de fioles références des odeurs qu’il avait entrepris, il n’avait pas besoin d’un morceau de poisson pour conserver l’odeur du poisson dans un flacon. Déjà parce qu’un morceau de viande de poisson pourrit et se décompose avec le temps, ne dégageant plus une odeur de poisson et surtout que l’odeur même du poisson se elle est produite par le poisson, est extérieure au poisson comme une seconde peau invisible, mais bien réelle. Une couche odorante qui colle tout autour du poisson et qui réagit à la chaleur et d’autres phénomènes. Il lui suffisait de récolter un peu de cette couche odorante pour capturer l’odeur du poisson et la conserver à jamais dans une fiole.

 

Il avait aussi observé que certaines odeurs sans nom, qu’on appelle aujourd’hui hormones, jouaient un grand rôle dans l’attirance des humains entre eux ou bien qu’il existe d’autres senteurs moins évidentes pour définir olfactivement la colère, la curiosité, l’envie, la peur.

En fait, il pouvait en deux secondes sentir votre état d’esprit et pas besoin de support physique la colère a une odeur de poudre à canon, l’indifférence celle du marbre… S’il ne pouvait pas dessiner la colère ou la frustration, il pouvait sentir leur parfum, le capter et apposer sur ses fioles de collection le nom : colère ou frustration.

 

Mais là comment déterminer une absence d’aura ? Il ne trouvait ni odeur, ni nom.

 

Sœur Albete l’extirpa de sa réflexion, son ronflement était trop régulier comme si elle avait une espérance de vie inconvenante pour son âge. Patrick voulut en avoir la confirmation de ce qu’il soupçonnait. Il recouvrit son mentor avec la couverture et sa chemise puis, sans la moindre gêne s’agenouilla, souleva la robe de la vieille, et à travers ses jupons, faute d’y voir clair colla ses narines dans son entrejambe. Il resta ainsi plusieurs minutes. Là encore, il connaissait cette odeur, mais c’était très vague, trop vague.

 

Il sortit la tête de dessous la robe, alla à nouveau respirer l’abbé, visualisa cette senteur et retourna sous la robe de la nonne, cette fois-ci en relevant aussi les jupons. Au début du 18 ème siècle moult femmes ne portaient pas encore de culotte pour diverses raisons, comme celle de pisser accroupies ou simplement parce culotte coutaient trop chères. Les deux narines collées sur le sexe de la vieille, il renifla, renifla longuement, inspira des litres et des litres d’odeur. Insatisfait, avec ses doigts, il écarta les lèvres aplaties de la religieuse et son nez à l’intérieur de ce vagin flétri mais encore vierge inspira, inspira et inspira à s’en faire tourner la tête. Il décela tant et tant de senteurs qu’il en eut le vertige. Pour certaines, il les avait déjà humées, répertoriées depuis ses visites dans la cellule de la novice. Une chose était certaine l’aura de sœur Albete n’était pas aussi dense contrairement à la nonne décédée et à celle de son mentor, elle était large et claire.

 

Ivresse de la découverte ou manque d’air ? Il s’écroula, s’évanouit entre les jambes poilues de la vénérable nonne. Quant à la vieille soeur, elle fit un rêve des plus agréables qui la rassura sur la mort. Si c’était ça, ce que l’on ressentait quand on rend l’âme, elle voulait bien mourir demain. Quelques religieuses lui avaient bien parler de cet état, mais jamais Dieu n’était venu lui rendre visite. Dieu est grand, il ne l’avait pas oubliée. Sœur Albete était maintenant tout à fait détendue. Elle savoura son état tant qu’elle put, puis se soulagea de son état extatique.

 

Quelques secondes après, Patrick la tête recouverte d’urine se réveilla en sursaut, cogna sa tête conte un barreau de chaise, repoussa le siège de toutes ses forces et culbuta la sœur qui se réveilla fâchée qu’on la dérangea alors qu’elle était en communion avec notre seigneur mais quand elle vit la tâche d’urine sur le sol, elle se contenta d’aller chercher une serviette laissant le temps à Patrick d’humer une dernière fois son protecteur et de comparer les deux senteurs : de son maître et de soeur Albete ce qui ne fut pas facilitée par l’odeur de l’urine qui venait polluer les autres odeurs.

 

Il se demanda si… Si… Si il pouvait récréer l’odeur de sœur Albete et parfumer l’abbé mourant peut-être que… Lui, Patrick il avait bien réussi à stopper ses convulsions en respirant d’autres senteurs…. De toute façon, ça ne coute rien d’essayer. L’aura de sœur Albert évidement avait trop de senteurs pour qu’il puisse la recréer entièrement mais on verra bien.

 

Prétextant une « incommodation », il quitta la cellule mortuaire, se précipita dans le laboratoire du prêtre, où il savait trouver des alambics, qu’il prit avec lui avec diverses de ses fioles et quelques bocaux puis avec le tout il rejoignit la cuisine où un feu qui crépitait encore et Patrick concocta une potion d’une fragrance jusque-là inégalée. Un parfum « Sœur Albete » comme il le baptisa.

 

Cela lui prit quelques heures et les cloches allaient bientôt sonner, comme il n’avait plus assez de temps pour tout distiller, il se contenta de quelques gouttes récoltées, remis la cuisine en ordre, mouilla un torchon et posa les alambics dessus pour les mettre dans un baluchon en prenant grand soin de ne pas les renverser.  En reposant les alambics dans le laboratoire du prêtre, il se brûla une main mais qu’importe, les Laudes sonnaient et allaient réveiller tout le couvent. Courant comme un fou, il se précipita dans la chambre du prêtre, avec les gouttes de « Sœur Albet » il fit un cercle odoriférant autour du lit, allait lui retirer couverture et chemise pour lui parfumer le corps quand sœur Albete assoupie l’apostropha, ne lui laissant que l’occasion d’oindre la tonsure du prêtre avant de se retirer, sous les yeux courroucés de la nonne scandalisée qu’un novice puisse se permettre des gestes réservés aux prêtres.

 

Sans savoir pourquoi il se frotta la main brûlée par les alambics avec la fragrance qu’il avait déposée sur la tête de son mentor, elle se répandit sur sa brûlure comme un onguent.

 

Une heure après, un miracle se produisit, l’abbé prit son petit déjeuner avec les nonnes comme s’il n’avait jamais été malade. Au réfectoire, Patrick remarqua, que certaines nonnes, surtout celles issues de famille nobles, cherchaient d’où pouvaient provenir cette délicate senteur qui parcourait le réfectoire, parfum certes interdit au prieuré, mais oh tellement délicat que ce serait pécher que de ne pas l’apprécier. Puis il remarqua aussi que le visage de quelques jeunes sœurs et ensuite plus âgées rosissaient de plus en plus et que des perles de sueurs commençaient à couler de leur visage. Elles regardaient de plus en plus l’abbé avec des yeux qui l’auraient dévoré tout cru.

 

Patrick subjugué par le changement physique du prêtre qui paraissait presque rajeuni tant il était en forme ne remarqua pas que sa main ne portait plus la moindre trace de brûlure. 

 

Pendant le repas, Patrick les narines retroussées, refusa toute nourriture qui aurait pu perturber ses observations et les diverses analyses que réclamaient son étude. C’est donc le naseau le plus écarté possible, qu’il assista olfactivement à sa victoire puis à sa défaite.   

 

Hormis, Patrick, personne dans le réfectoire ne pouvait savoir que l’ancienne aura presque disparue du prêtre était maintenant une aura élargie. Toutefois, Patrick ne criait pas victoire, il respirait encore le parfum de la mort qui telle une louve ou pire une hyène attendait en embuscade pour dévorer les derniers lambeaux de vie. Mais avec le parfum « sœur Alberte », la mort restait à distance perturbée par une barrière de feu invisible.

 

Le novice Patrick qui ne souriait pour ainsi dire jamais, donnait à cet instant précis un spectacle peu élogieux sur sa personne. Imaginez une tête en l’air en train de respirer plus que de nécessité avec un sourire aux anges. Il avait réussi !

 

Avec les minutes, est-ce à cause que les sœurs respiraient de plus en plus le parfum du prêtre mais certaines commençaient à avoir un comportement de plus en plus étrange. Leur bouche s’entrouvrait comme si elles voulaient embrasser un être imaginaire, certaines s’humidifiaient avec la langue, leur lèvre supérieure et commençait à regarder le prêtre mais aussi Patrick avec une insistance déplacée en ce lieu de culte.

 

Patrick qui était sur un nuage et pour cause son parfum « Sœur Albete » fonctionnait, voyait bien ces attitudes mais il n’avait d’yeux que pour son abbé, son père, son professeur quand un accident stupide brisa l’état extatique dans lequel se trouvait Patrick qui il faut le reconnaître le faisait plus passer pour un imbécile heureux que pour une foudre de guerre.

 

L’abbé tout ragaillardi qu’il était, avait saisi la casserole d’eau chaude, pourtant trop lourde pour lui, qui était posée au milieu de la table. Pour ce faire il aurait dû se lever, mais non, il avait soulevé le récipient comme une plume et s’était versé de l’eau chaude dans son bol pour préparer sa décoction matinale. Alors qu’il était à lever la pour la reposer, le manche s’est rompu, et toute l’eau bouillante s’est répandue sur la soutane du prêtre qui plus par réflexe que douleur s’est reculé promptement, précipitant à terre avec lui le banc de nonnes. Les pieds en l’air, il riait fort, les sœurs les plus proches interprétèrent ce rire comme un hurlement de douleur et sans plus y réfléchir elles lui retirèrent, lui arrachèrent sa soutane et sa chemise. Nu comme un vers, l’abbé se releva à la vue de toutes les nonnes qui n’avaient pour la plupart jamais vu de sexe en érection. C’en était trop pour elles, sœur Gabrielle ne fut pas la plus rapide et c’est sœur Juliette qui s’empala comme une sauvage sur le sexe de l’abbé, mais elle n’apprécia guère longtemps la position, sœur Anatanaelle la saisissant par les cheveux lui prit la place. C’était à qui caressait, léchait, humait le prêtre dans tous son corps en attendant le moment divin. La mère supérieure usa de sa cane pour se frayer un chemin et montrer aux novices comme écartées les cuisses pour permettre une pénétration profonde et salvatrice. Le curé qui ne comprenait rien à ce qui lui arrivait avait du mal à respirer sous une paire de fesses qui lui plantait un sexe dégoulinant d’envie sur la bouche. Certaines nonnes lui mordillaient le bout de ses seins, persuadées que chez les hommes cet endroit est aussi sensible que chez les femmes. La première heure fut pour l’abbé un moment divin, les cinq heures suivantes que du plaisir, les deux d’après un peu de fatigue, puis vint la souffrance, la douleur, la torture et coït après coït notre abbé rendit l’âme, son cœur n’ayant pas bénéficier du pouvoir du parfum.

 

Le miracle n’aura duré que quelques heures.

 

Patrick se garda bien de dire aux nonnes qu’elles n’auraient jamais dû déshabiller le prêtre, qu’il eut été préférable qu’il fût brulé au cinquième degré plutôt que de laisser l’odeur de la mort s’emparer de l’abbé… mais même si l’inquisition était loin et les sorcières n’étaient plus d’actualité Patrick instruit par son maître avait appris à éviter d’en dire trop ou d’éveiller des soupçons sur des théories modernes qui pourraient être justes mais, potentiellement condamnables par les autorités religieuses.

 

Voyant que certaines lasses d’attendre leur tour, le regardait du coin de l’œil, Patrick se leva et quitta le réfectoire en prenant bien soin de fermer la porte de celui-ci, le temps que l’odeur de son parfum se dissipe.

 

De plus, bien qu’affecté par la mort du prêtre, il était encore plus préoccupé par les alambics qu’il avait quittés précipitamment. Profitant du désordre, et que les sœurs ne voyaient aucun inconvénient à profiter d’un membre encore performant sur un cadavre, il rejoignit en toute hâte le laboratoire et ses précieux alambics. Ces derniers ayant été retirés du feu trop tôt n’avaient pas réussi à distiller toute la préparation. Qu’importe en quelques minutes, il put recueillir une moitié de fiole du parfum qui avait redonné jeunesse et santé à l’abbé.  Attacha cette dernière autour de son cou et se rendit dans sa cellule pour pleurer son protecteur.

 

Deux jours après, la mère supérieure et les nonnes reprirent leurs esprits et quel scandale cela aurait fait si l’archevêque apprenait comment était mort l’abbé Rémy. Certains diront avec envie qu’on ne peut pas rêver de plus belle mort mais on est dans un lieu saint quand même ! Pour la mère supérieure, il était grand temps d’éloigner ce novice qui je vous l’avais un peu annoncé, ignorait tout de certains aspects de l’existence humaine mais, il n’en demeurait pas moins que sans le vouloir, ce dernier perturbait déjà le sommeil de plusieurs nonnes horrifiées par des désirs charnels qu’elles se hâtaient d’aller confesser. Alors que maintenant les sœurs étaient passées à l’acte, ce n’était pour la soeur supérieure qu’une question de temps avant que ce novice quoique bien gringalet ne sème trouble et tentation.

 

De plus la mère supérieure correspondait avec l’école des Jésuites sur un point particulièrement fâcheux à propos de l’acte insensé d’Eve qui certes croqua la pomme mais, c’était sous l’emprise du serpent et de ce fait ne pouvait pas être totalement responsable de tous les maux de la Terre. Alors que ces maudits jésuites ne changeaient pas d’un iota leur opinion : elle avait son libre arbitre, elle aurait dû résister. Et d’ajouter que même notre Seigneur l’en a puni puisque depuis cet acte interdit, les femmes accouchent dans la douleur pour leur rappeler leur faute originelle. Maudits soient les hommes dans leurs interprétations et la sœur Supérieure vouait toute son énergie à rompre cette malédiction. Dans sa dernière missive, elle soulevait le point suivant, Dieu avait donné femme à l’homme pour la protéger. Où était-il quand le serpent hypnotisa Eve, la privant de toute volonté ? C’est l’absence de l’homme qui est à l’origine du pêché, car si l’homme avait fait fuir le serpent, Eve n’aurait jamais croqué la pomme. L’argument était de taille et la mère supérieure n’en n’était pas peu fière.

 

C’est pourquoi, une semaine après que Dieu ai rappelé notre bon curé, tous les préparatifs du départ de Patrick étaient réglés.

 

Un matin de mai 1827, date importante, nous y reviendrons plus tard, jour de la sortie de Patrick, elle déposa elle-même dans la malle du voyageur, sa réplique authentifiée par un sceau de cire, donna au Novice une lettre d’introduction élogieuse pour les Jésuites d’Avignon et après une dernière communion Patrick quitta pour la première et la dernière fois le prieuré.

 

Le service religieux se devant de ne jamais être interrompu, comme l’abbé ne serait remplacé que dans au minimum deux semaines, Patrick seul homme dans l’édifice, avant son départ des lieux, fut autorisé à distribuer exceptionnellement l’hostie, à la fin de la prière en mémoire de l’abbé et de tous les morts à ne pas oublier, à défaut d’une messe qu’il connaissait pourtant par coeur.  A l’approche de chaque nonne pendant qu’elles ouvraient la bouche, suffisamment proche de Patrick, ce dernier pouvait les respirer et malgré leurs vêtements ecclésiastiques, comme avec l’abbé, il en visualisait alors une espèce d’aura, un peu comme les auréoles des saints, mais qui entourerait tout le corps et comme son maître cette lumière olfactive était plus ou moins dense et large selon les religieuses.

 

Il nota plus tard dans son calepin une seconde façon de voir l’aura : être à moins de dix centimètres d’une bouche ouverte. Pas besoin d’être nu, ce qui allait faciliter sa tâche et qui, curieusement, le conforta dans l’idée de devenir prêtre. La distribution de l’Ostie lui donnera de multiples occasions pour étudier l’aura et sa vibrilité.

 

Un homme du commun aurait plutôt pensé au baiser sur la bouche, avec la langue, occasion fort agréable de se trouver à moins de dix centimètres d’une bouche, mais Patrick était à cent mille lieues de ses considérations et au prieuré un tel égarement eut été considéré comme péché de chair.  Cela dit, s’il avait fallu à Patrick pour parfaire ses connaissances qu’il embrassât toutes les nonnes et même les prêtres de la paroisse il l’aurait fait et ce sans la moindre hésitation, ni la moindre connotation sexuelle qui trop souvent accompagne ce geste de tendresse.

 

De même, serait-il resté quelques jours, quelques mois qu’il aurait sans doute établi une corrélation entre l’espérance de vie des nonnes et l’épaisseur de leur aura, mais certains apprentissages qui pourraient être raccourcis sont malicieusement rallongés par divers éléments aussi étranges qu’inattendus.

 

lecture 92 readings
thumb 0 comments
0
reactions

Comments (0)

Are you enjoying reading on Panodyssey?
Support their independent writers!

Prolong your journey in this universe Culture

donate You can support your favorite writers

promo

Download the Panodyssey mobile app