De l'intérêt de faire corriger un texte
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De l'intérêt de faire corriger un texte
1. Un texte sans fautes permet une lecture plus fluide et une meilleure compréhension
Même si le fond est essentiel, la forme a son importance. Un texte correctement écrit sera « neutre » pour le lecteur qui pourra se concentrer sur le fond, alors qu’un texte contenant des fautes le forcera à fournir un effort supplémentaire désagréable pour le comprendre.
Quand on lit un roman et que l’on tombe sur une faute de frappe, ou un accord mal fait, on interrompt sa lecture. On relit pour être sûr d’avoir bien compris. Cela perturbe la concentration et on s’en passerait bien. Personnellement, je vérifie toujours, par déformation professionnelle, parce qu’une faute supposée peut ne pas en être une en réalité, tellement notre langue est riche de nuances et d’exceptions.
En revanche, s’il y a plusieurs fautes dans un chapitre, la gêne est réelle. Un texte doit pouvoir se lire avec une certaine fluidité. Si on bute sur des fautes, si on doit relire pour bien comprendre « qui fait quoi » à cause d’un accord mal fait, la lecture devient laborieuse et ce n’est plus un plaisir. La forme prend alors le pas sur le fond et le message, ou l’émotion, que veut transmettre l’auteur passera au second plan, ou sera perdu parce que vous aurez abandonné la lecture entre temps.
Quelques exemples qui ralentissent la lecture :
« Le passant la rediriger dans la bonne direction. » Qui redirige qui ? Le passant l’a redirigé(e), lui ou elle en fonction de l’accord du participe passé.
« Une amie m’a prêté un stylo et je l’ai perdue. » C’est le stylo que vous avez perdu… ou l’amie ?
« Le Québec devrait être un lieu où l’énergie verte y occupe une place prépondérante. » Il y a un « y » en trop!
« On n’a beau rêvé grand, on ni arrive pas toujours. » On a beau rêver grand, on n’y arrive pas toujours. Phonétiquement c’était correct mais incompréhensible à l’écrit.
« On constate…et a plusiers reprises que la porte d’entre du bâtiment n’est pas ferme, verifie bien de que vous entres ou sorte. » Aïe. On a constaté à plusieurs reprises que la porte d’entrée du bâtiment n’était pas fermée, vérifiez bien dès que vous entrez ou sortez.
Lire devient pénible parce que l’on est obligé de s’interroger, de relire, de réfléchir et d’essayer de déduire le sens du texte.
À l’instar de l’écriture, quand une correction est bien faite, elle est « neutre », elle ne se voit pas, mais quand elle ne l’est pas, cela saute aux yeux. Afin que l’auteur se rende compte du travail fourni, le correcteur lui transmet donc l’intégralité des corrections qu’il a faites, et qui ne sont pas forcément toutes visibles à la relecture.
2. Écrire correctement est aussi une question d’image, évidente pour certains
L’intérêt de présenter un texte bien orthographié, correct grammaticalement et avec une typographie claire est évident pour ceux dont on attend l’excellence, la quintessence, le professionnalisme tout simplement. On attend bien d’un maçon que son mur soit droit et d’un plombier que la fuite soit réparée après son passage.
C’est le cas des auteurs de textes quels qu’ils soient (livres, revues, articles, etc.) car dans l’imaginaire collectif, un écrivain ne peut pas faire de fautes. Un auteur, c’est la version moderne du scribe de l’Égypte ancienne, du moine qui recopie de précieux manuscrits au Moyen Âge, c’est l’érudit, le puits de savoirs. On attend d’eux, et c’est légitime, une copie parfaite. Mais on ignore souvent que cette mission est dévolue aux correcteurs qui, eux, ont le luxe de pouvoir prendre leur temps pour relire plusieurs fois et de ne se concentrer que sur les fautes. Les auteurs ont déjà tellement à faire : inventer et rédiger une histoire cohérente, transmettre des émotions, captiver le lecteur par le dénouement d’une intrigue, lui faire découvrir différents sujets sur lesquels ils ont pris le temps de se documenter, etc.
L’intérêt est également évident pour une thèse de doctorat ou un mémoire de fin d’études car, à un certain niveau de scolarisation, l’orthographe redevient sélective et compte dans la note finale. Il y a, en effet, peu de chances que les lecteurs, et juges, de ces documents soient béotiens en la matière.
L’intérêt est évident, enfin, quand il s’agit de la communication interne et externe d’une entreprise car l’image qu’elle renvoie participe à prouver son professionnalisme. Sa réputation est importante pour ses collaborateurs, qui s’identifient à la marque pour laquelle ils travaillent, pour ses clients, qui pourraient préférer un concurrent, mais également pour ses partenaires financiers ou autres, qui y sont associés.
À ce titre, on n’imagine pas trouver de fautes sur une affiche publicitaire placardée à la vue de tous... et pourtant :
« Basilique en pot » (comment ont-ils trouvé un pot assez grand ?) ;
« XXX s’agrandi! Plus de choix, plus de place, plus de confort. » (mais moins de « t » et d’espace avant la ponctuation visiblement) ;
« C’est pourquoi le blé que nous utilisons provient d’agriculteurs en qui nous avons confiance, que nous avons spécialement sélectionné pour leurs façons de cultiver le blé selon des critères de qualités très élevés, spécifique à XXX. » (des « s » en trop, des « s » en moins).
Et pourtant, on trouve aussi des fautes là où on ne les attend pas, dans des diffusions destinées au grand public :
- dans les journaux, quand l’urgence de la parution (et sûrement l’inconscience de l’impact négatif généré) ne permet pas une relecture approfondie ;
- dans les sous-titres des chaînes d’information, pas une n’y échappe ;
- et même, cela me fait bondir, au plus haut niveau de l’État, dans les sous-titres des discours du président de la République, alors que l’on sait pertinemment que plus de la moitié du pays est en train de les lire. Ne pourrait-on pas simplement transmettre à l’avance le discours au pauvre transcripteur, même s’il y a des ajustements de dernière minute ?
Comme l’écrit si justement Muriel Gilbert, qui a mis le métier de correcteur en lumière et en valeur avec beaucoup d’humour et de talent, tout le monde fait des fautes. Même les plus grands écrivains en ont fait. Faire des fautes, ce n’est pas grave, c’est excusable, c’est même naturel pour des raisons expliquées dans un précédent article. En revanche, ce qui n’est pas professionnel, à ces niveaux-là, c’est de ne pas faire corriger les textes en amont pour qu’il y ait le moins de fautes possible au moment de la lecture.
3. Une question d’image qui pourrait sembler moins évidente sur les réseaux sociaux
Nous avons longtemps pensé que nous sortions de la sphère de l’orthographe parfaite en entrant dans celle des réseaux sociaux. Peut-être parce que la communication était davantage visuelle qu’écrite. On postait sur Facebook des photos sans beaucoup de commentaires. Peut-être aussi parce que c’est devenu au fil du temps, avec l’apparition de nouvelles applications comme Instagram, Snapchat, Twitter, Tik Tok, etc., l’apanage des jeunes et que l’on pardonne naturellement plus facilement aux jeunes, comme ils se pardonnent entre eux, car ils pensent que le message est plus important que la manière dont il est transmis. Ils n’ont peut-être pas tort, sous réserve que le message soit compréhensible.
J’ouvre une parenthèse concernant les SMS.
On excuse dorénavant les fautes dans les SMS, ces short message sent, parce qu’on a compris que l’objectif était justement d’écrire rapidement, phonétiquement.
Encore faut-il connaître les codes pour décrypter ces messages (pas évident quand on est né avant l’an 2000) : « cc et dsl gt oqp / tkt c nice att / jsp si c ok pk ».
En « vrai » français, cela donnerait : « Coucou et désolé j’étais occupé. Ne t’inquiète pas, c’est bon, à tout à l’heure. Je ne sais pas si c’est confirmé, pourquoi ? ». (Mais ils viennent d’où ces « k » qui remplacent les « q » dans tkt et pk, alors qu’ils sont tout aussi rapides à écrire ?)
Même si nous nous habituons à ce langage parallèle, nous restons conscients de son impact négatif qui fait oublier aux jeunes générations les fondamentaux de leur langue maternelle et aggrave une situation déjà précaire. Nous sommes encore nombreux à provoquer l’hilarité des générations Y et Z en prenant le temps d’orthographier correctement nos SMS, en corrigeant les leurs, et surtout en commençant par un « bonjour » et en les signant.
Je ferme la parenthèse.
Au fond, quelle importance qu’un texte soit bien orthographié tant qu’on a des « like », des « vues », des abonnés, puisqu’il semble que ce soit devenu l’objectif principal de ces nouveaux moyens de communication ? Là encore, c’est une question d’image.
Si vous voulez avoir beaucoup d’abonnés, de « followers », donc des sponsors et des gains plus importants, l’image est primordiale. Certains youtubeurs à la mode ont compris que le danger n’est pas tellement qu’il y ait des fautes sur leurs sites, mais plutôt qu’elles engendrent des commentaires négatifs qui impactent leur image (et que cela peut ne pas convenir à leurs sponsors, qui y sont associés).
Car dorénavant, les réseaux sociaux ne sont plus le domaine exclusif des jeunes générations. Tout le monde s’y est mis et y a trouvé un intérêt. Ils sont davantage le reflet de la pyramide des âges de notre société. Il y aura donc, forcément, parmi les lecteurs, des personnes qui connaîtront les règles de la langue française et ne manqueront pas de le faire savoir.
En effet, dans notre société, le jugement tient une place prépondérante et la bienveillance n’est pas toujours de mise. Les réseaux sociaux ont mis en exergue cette forme d’intolérance permanente. Une simple faute et il y aura plusieurs commentaires pour la pointer, la corriger et faire remarquer à tous que vous vous êtes trompés. Dans un monde parfait, on vous aurait fait parvenir un MP comme on dit, un message privé, qui ne peut être lu que par vous, qui vous aurait permis de rectifier le tir discrètement. Mais non, ce serait tellement moins valorisant (et pourtant tout aussi productif puisque la faute serait corrigée, c’est bien ce qui compte, non ?).
Même si j’ai fait mon métier de la correction des autres, ces réactions m’exaspèrent au plus haut point car c’est vraiment très loin de l’état d’esprit des correcteurs. Le correcteur aime les fautes, il ne les juge pas. Il existe à travers elles et il est heureux (le mot n’est pas trop fort) de pouvoir les débusquer. En revanche, il le fait en toute discrétion, cela se passe entre l’auteur et lui, personne d’autre, aucun ego, aucune malveillance.
Conclusion
J’entends d’ici les remarques de certains qui trouveront que je prends un raccourci en partant du principe que les plus anciennes générations sont meilleures en français que les plus jeunes. Je l’assume parce que je le constate autour de moi. Je ne crois pas que l’enseignement du français y soit pour quelque chose, même s’il est vrai que nous avons fait davantage de dictées que nos enfants. Je pense surtout que l’on n’a pas su convaincre les générations Y et Z de l’intérêt de l’application des règles d’orthographe et de grammaire (et l’apparition des SMS ne nous a pas aidés à le faire).
Ils ont vécu leur apprentissage comme une contrainte et ils n’ont pas intégré que si des règles avaient été fixées, c’était pour que nous puissions nous comprendre de manière intergénérationnelle. C’est en grandissant et a fortiori en intégrant la vie professionnelle qu’ils se rendront compte qu’ils doivent, eux aussi, connaître ces règles s’ils veulent être compris quand ils écrivent.
Ils n’auront pas le choix, parce que l’orthographe n’évoluera pas de sitôt. Regardez la réforme de 1990 qui n’est pas appliquée par la grande majorité des auteurs car les nouvelles règles sont aussi complexes que celles d’origine et comportent autant d’exceptions. En plus, quand on l’applique, on a l’impression de faire des fautes !
Si vous êtes maintenant (un peu, beaucoup, passionnément) convaincus de l’intérêt de faire corriger un texte, vous pouvez malgré tout penser que faire appel à un correcteur professionnel prend du temps et a un coût. C’est vrai. Comme faire de la publicité, comme engager des experts en communication, tous ces métiers parallèles qui semblent accessoires mais qui peuvent s’avérer indispensables eu égard aux retombées positives qu’ils génèrent : un texte propre, un texte compris, une image intacte, c’est important quand il y a un enjeu commercial, politique ou autre.
En toute transparence avec vous, cet article fait 12 359 signes et sa correction vous aurait coûté une trentaine d'euros. Vous trouverez forcément moins cher sur internet mais lisez bien les conditions et intéressez-vous aux compétences des personnes engagées.
Vous pourriez même faire relire votre texte gratuitement par votre entourage… à vos risques et périls. Je lisais ce matin le post d’un correcteur qui s’insurgeait contre la « bénévolite », certes bienveillante, des proches qui proposent de corriger vos écrits à la place de ceux dont c’est le métier, un vrai métier qui ne s’improvise pas. Vous iriez monter un mur droit à la place d’un maçon, ou réparer une fuite à la place d’un plombier, vous ?
Prince Of Panodyssey Alias Alexandre Leforestier 1 year ago
Super intéressant çà... je ne sais pas que cela était fait pour... la complexité ;-)
Julien Guyomard 1 year ago
Je fais partie de la génération Y et je fais le même constat. Y compris chez ceux qui ont fait des études supérieures.
Certains parlent du fait qu'on a plus de matières à étudier ou l'influence de l'apprentissage d'autres langues.
Un point sur lequel on sera tous d'accord, c'est que le français, à écrire en tout cas, c'est complexe.
Bernard Ducosson 1 year ago
C'est ben vrai ça (disait l'amère Denis) !
Correcto Ergo Sum 1 year ago
C'est certain, notre langue est complexe, c'était voulu au départ pour que tout le monde n'y ait pas accès (un comble !). Cela fera l'objet d'un autre article.
Bernard Ducosson 1 year ago
Assurez-m'en...
Correcto Ergo Sum 1 year ago
Merci Bernard !
Bernard Ducosson 1 year ago
Certes !