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12 idées pour sauver l’édition du péril

12 idées pour sauver l’édition du péril

Published May 25, 2020 Updated May 25, 2020 Culture
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12 idées pour sauver l’édition du péril

Nous lisons de moins en moins de livres. Le secteur de l’édition souffre. La profession doit impérativement se réinventer. Quelques pistes de réflexion méritent d’être explorées afin d’éviter au métier d’être englouti par le raz-de-marée numérique. Il en coûtera aux acteurs en place un changement radical de leurs habitudes et un bouleversement de leurs schémas de pensée.

Pourquoi continuer à acheter des livres chers et encombrants alors qu’il est possible d’en lire des dizaines de milliers avec une simple tablette, interroge Kevin Kelly, co-fondateur et ancien rédacteur en chef de Wired, guru des nouvelles technologies, speaker, auteurs et très gros vendeurs de livres, dans son ouvrage The Inevitable ?

Si nous lisons de moins en moins de livres et de plus en plus rarement la presse écrite, le temps de lecture assis derrière un ordinateur connecté à Internet ou sur un smartphone ne cesse de croître. Face au péril qui le menace, le secteur de l’édition n’a aucune autre alternative que de réagir bien plus encore qu’il ne l’a timidement fait jusqu’à présent.

Douze pistes méritent d’être explorées :

  1. Revoir à la hausse les droits d’auteurs. Habituellement, un auteur perçoit aux alentours de 10% du prix de vente public d’un livre. Les progrès de l’impression, grâce au numérique notamment, ont permis de considérablement réduire les dépenses des éditeurs : l’impression à la demande a permis de diminuer les stocks, les volumes minimums de livres à imprimer ont baissé, les frais de mise au pilon (destruction des invendus) se sont réduit. Aucune des économies réalisées ne s’est pourtant répercutée dans le montant des droits d’auteurs. Les auteurs ne sont pas bêtes. Ils savent tout ce qui précède. D'ailleurs, s’ils étaient idiots, les éditeurs ne les publieraient pas.

  2. Développer des collaborations avec des journaux, non plus papier, mais digitaux. Le numérique oblige les médias à publier à une cadence effrénée et difficile à tenir, faute de contenus de qualité et de moyens pour se les offrir. Un éditeur spécialisé dispose d’un fond éditorial colossal et de qualité. Le mettre à disposition de journaux en lignes, pour les aider à remplir leurs colonnes, fait sens. Pourquoi ne pas monter des partenariats éditoriaux dans lesquels les éditeurs s’engagent à fournir trois articles déclinés de passages des ouvrages parus, en échange de mise en avant des livres ?

  3. Traduire moins mais mieux. L’excellent livre américain Money Doesn't Grow On Trees (L’argent ne pousse pas sur les arbres) de Neale Godfrey a été un véritable best-seller outre-Atlantique. Son auteure, l’une des premières femmes à accéder aux plus hautes responsabilités au sein de la prestigieuse Chase Manhattan Bank dans les années quatre-vingt, explique l’argent aux enfants avec un formidable talent pédagogique. Un livre qui pourrait certainement rencontrer le succès en France. Pourtant, aucun éditeur ne semble avoir envisagé de le traduire. Notre tout premier livre a été traduit en Chinois parce que les éditeurs locaux avaient repéré qu’il était en tête des ventes sur Amazon. Pourquoi ne pas faire comme eux ?

  4. Se constituer un réseau de traducteurs et les utiliser comme ambassadeurs des livres français auprès des éditeurs de leurs pays. Un traducteur qui parvient à convaincre un éditeur étranger de publier un livre français, en devient naturellement le traducteur. Les sites de crowdsourcing regorgent de traducteurs, qui tous ont besoin de travail. Pourquoi ne pas animer cette communauté de traducteurs pour « vendre » aux éditeurs locaux l’idée de traduire des livres initialement publiés en français ?

  5. Expérimenter des plateformes comme Goodreads, sorte de Facebook réservé aux lecteurs de livres qui se connectent les uns aux autres en fonction de leurs goûts, des livres qu’ils ont aimés, etc. Notre page auteur est à découvrir ici. Le site propose des fonctionnalités de blogging très conviviales. Il ne serait pas difficile pour un éditeur de réaliser des interviews de ses auteurs, comme nous l’avons fait en apportant parfois plus de 15 000 lecteurs et des centaines de ventes de livres.

  6. Atomiser les contenus en acceptant de collaborer avec des start-up qui proposent de nouveaux modes de lecture comme Blinkist ou Koober qui vendent des résumés de livres sous forme d’abonnements. Certes, cela peut laisser penser que les lecteurs ne liront pas le livre, puisqu’ils en ont lu une synthèse, mais cela reste à démontrer. Si un livre a fait l’objet d’un résumé, c’est qu’il est bon et qu’il a plu à l’équipe éditoriale de la start-up qui, par la qualité du résumé qu’elle lui consacre, peut donner envie de le lire en entier. Une synthèse du livre, publiée au format PowerPoint sur SlideShare peut également accrocher des lecteurs potentiels. Le site ChangeThis a également pas mal été utilisé par des auteurs américains. Il sera peut-être un jour en français…

  7. Créer une centrale d’achat inter-éditeurs. Amazon permet aux éditeurs américains de payer pour que leurs livres apparaissent en tête des résultats de recherches effectuées sur le site. Un business florissant pour Amazon.com. Si l’option n’est pas encore proposée aux éditeurs en France, il n’est pas nécessaire d’attendre pour savoir que cela sera très onéreux pour devenir efficace. Les maisons d’éditions ont tout intérêt à mettre leur argent en commun, en confiant l’achat de ce type de publicité à une centrale capable ne négocier des tarifs plus intéressants.

  8. Intensifier les relations avec les guostwriters (moins flatteusement appelé les nègres en français). Ce n’est pas parce qu’on écrit un livre que l’on devient connu, mais parce que l’on est connu que l’on écrit un livre, nous confiait un jour l’un de nos éditeurs. Une célébrité sera toujours démarchée par un journaliste qui se proposera d’écrire un livre à sa place. Tout le monde y gagnera. Parce qu’elle est connue, la personne qui signera le livre sera interviewée dans les médias, voire à la télévision. Donc le livre se vendra. Et le rédacteur de l’ombre touchera sa part du gâteau. Les personnalités publiques qui n’ont pas encore écrit un livre sont légions et les jeunes journalistes, fraîchement sortis de l’école et disponibles pour prêter leurs plumes ne manquent pas. Qu’attendent les maisons d’éditions, des livres techniques notamment (sciences, cuisine, entreprise, management, marketing, santé, entrepreneuriat…), pour mettre tout ce petit monde en relation ?

  9. Créer une maison d’édition ou une collection low cost. Un livre de la catégorie non-fiction coûte bien souvent aux alentours de 15 euros. Pourquoi ne pas imaginer des livres exclusivement numériques ? Pas chers du tout.

  10. Travailler en marque blanche. L’ère est au brand content, à l’inbound marketing, autrement dit, au fait d’utiliser Internet pour publier des contenus pour une entreprise, de manière à développer sa notoriété, étendre sa présence en ligne, asseoir sa légitimité, faire connaitre une expertise ou un savoir-faire, attirer, de manière plus subtile qu’avec la publicité classique, de nouveaux clients potentiels. Après le guost writing, consistant à utiliser des rédacteurs de l’ombre pour écrire les livres d’autres personnes, l’heure est peut-être venue de lancer le guost publishing, une nouvelle approche qui reviendrait à lancer des collections toutes entières, voir des maisons d’édition, sous le nom d’entreprises en mal d’inspiration. Et pourquoi pas sous le nom de leur agence de communication, souvent bien en peine de satisfaire les besoin des marques sur ce terrain. Les marques de luxe ont d’ailleurs déjà avancé dans cette direction. A l’exception d’Hermès, qui dispose d’un véritable département édition en interne pour son sublime magazine de marque que la maison réserve chaque saison à ses meilleurs clients, les magnifiques et luxueux magazines de Cartier, de Ferrari, en passant par ceux de la haute horlogerie ou de la joaillerie, sont intégralement réalisés par des sociétés spécialisées.

  11. Lancer des MDD. La grande distribution a inventé les MDD (Marques De Distributeurs) pour une multitude de produits du quotidien. Pourquoi ne pas leur venir en aide pour créer des maisons d’éditions aux couleurs de Carrefour et pourquoi pas d’Amazon (très friand de MDD) ou même d'Alibaba ? Quel professionnel de l’édition oserait soutenir que les magasins E.Leclerc ou les hyper-marchés Auchan ou Carrefour ne demeurent pas moins de gros vendeurs de livres pratiques (cuisines, voyages, santé, sport, beauté…).

  12. Créer un magazine en ligne. Les éditeurs de livres disposent de contenus et sont le plus souvent très pointus et spécialisés : science, spiritualité, Asie, management… De là à créer un magazine en ligne apportant de l’information de fond dans le domaine, il n’y a qu’un pas. La plupart des médias digitaux se sont fait les champions de l’information chaude. Certains se targuent de fournir des informations ayant une durée de vie de deux heures. Ici, nous serions plus « sérieux » avec une information plus froide mais offrant davantage d’analyse, de réflexion, d’opinion, de mise en perspective, de rappel du contexte, etc.

Si le secteur de l’édition n’a pas dit son dernier mot, il n’a cependant pas encore fait suffisamment entendre sa voix dans le vacarme produit par l’explosion de l’information disponible sur Internet. Le livre, que l’on pourrait qualifier de format caduc, pourrait bien nous surprendre encore. Quant à Kevin Kelly, chantre de la digitalisation depuis vingt ans, il n’avait pas omis de lancer son magazine Wired, une référence dans le domaine d’Internet depuis 1993, dans un très beau format papier avec un dos carré, une très belle qualité d’impression, un soin particulier accordé à l’infographie, une mise en page très travaillée et un papier de belle qualité. Quant à ses propres livres, ils sont loin d’être publiés uniquement au format e-reader.

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