Le corps post-partum : le rendre visible pour libérer les femmes
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Le corps post-partum : le rendre visible pour libérer les femmes
Le corps post-partum est un objet étrange : il n’est plus le corps sexualisé de la jeune femme sans enfant, n’est plus non plus celui de la madone qui porte la vie, et n’est pas encore celui de la maman ultra-sexy et hyper active.
Celui-là, difficile pour la société de lui donner un quelconque attrait : il est traumatisé, endolori, ne répond pas aux standards de la beauté mais à ceux de la fatigue, et pour celles qui l’ont choisi, il sert principalement à nourrir un autre être humain. Un corps et une image dont le marketing a bien du mal à se saisir donc (👋 coucou les créateurs Made in France, il y a peut-être un sujet pour vous ici !) !
Body-positivism everywhere, injonctions nulle-part
Pourtant, ce corps qui met tout le monde mal à l’aise (et en premier lieu celle qui vit dedans), est fort heureusement de plus en plus visible, notamment sur les réseaux sociaux.
En effet, Instagram a vu fleurir les photos de jeunes mères en « couches » et aux ventres vides de quelques heures ou quelques jours mais toujours gonflés. Les chignons de traviole et les visages exténués ont trouvé, semble-t-il naturellement, leur place au milieu de feeds d’influenceuses impeccablement maîtrisés.
Une tendance libératrice pour les mères : lorsque l’on suit les #postaccouchement ou #postpartum, même si les Fit Girls aux corps parfaits et les régimes à base chou sont toujours là, de plus en plus de mamans s’affichent au naturel.
Que chacune vive cette période comme elle le souhaite : sur un tapis de yoga à faire des abdos, en legging et t-shirt informe, en culotte collée à son bébé… Voilà le seul message à retenir.
Montrer les corps pour faire tomber les tabous
Cette période de la vie est sans doute la plus bouleversante à tous les niveaux, n’allons pas empiler les injonctions. À la solitude, la fatigue, les bouleversements physiques et psychiques, inutile de se rajouter la couche de « je ne suis pas instagrammable » ou « je n’aurais que des photos de moi moche à la naissance de mon bébé ».
Le monde semble donc aller dans le bon sens : plus de diversité dans les corps exposés, plus de naturel, plus de bienveillance, plus de “vraie vie” en somme !
(Story Instagram de Katy Perry, dans les coulisses de sa « mise en beauté » avant la soirée des VMA 2020. Ici relayée par la marque spécialisée dans le post-partum FridaMom.)
Désormais, on nous vend de la lingerie sur des corps réalistes et adultes ! (Yala 🙌 !) Le sang des règles n’est plus bleu, “poil”, “cellulite” et “vergeture” commencent à se montrer en public.
Les corps de 90 % des êtres humains, si longtemps invisibilisés par la publicité, peuvent aujourd’hui s’exprimer et exister.Évidemment, tout n’est pas encore parfait, les injonctions sont toujours là : “As-tu perdu tes kilos de grossesse ?”, “Tu devrais faire un effort pour préserver ton couple”…
Mais en réalité, même s’il reste confidentiel, le pas est énorme. Car ce ne sont pas juste des photos de corps que l’on a pas l’habitude de voir, ce sont aussi des sujets dont on a pas l’habitude de parler qui sont mis sur le devant de la scène. Et le post-partum en fait partie.
Quand l’inconfort tourne au tragique
Enfin, les jeunes mères sortent du bois pour dire que oui la naissance est souvent (pas « tout le temps ») un moment de bonheur incomparable, mais il y a une différence entre l’amour que l’on porte à son tout petit, et le 3,5 tonnes physique, émotionnel, psychologique que l’on vient de prendre en pleine tronche. Et ce dernier n’est pas synonyme de bonheur.
Le post-partum peut même être l’occasion d’une grande détresse psychologique quand le baby blues se change en dépression, empêchant les parents de tisser des liens de qualité dans un environnement serein avec leur enfant :
“Le « baby blues », une sensation de profonde tristesse et de prostration pendant les 3 premiers jours qui suivent l’accouchement, est fréquent. Les jeunes mères ne doivent pas s’en inquiéter, car, habituellement, ces signes tendent à disparaître en 2 semaines. La dépression du post-partum est une modification de l’humeur plus grave. Elle dure plusieurs semaines ou plusieurs mois, et interfère avec les activités quotidiennes. Environ 10 à 15 % des femmes en sont affectées. Dans de très rares cas, un trouble encore plus grave appelé psychose du post-partum se développe.”
Trouver des ressources utiles
En revanche, bien accompagnée, épaulée, avec un co-parent présent plus d’une semaine, oui, le post-partum pourrait être plus doux, moins traumatisant. On ne saurait que trop recommander de lire (et faire lire autour de soi) Le Mois d’Or de Céline Chadelat et Marie Mahé-Poulin, pour comprendre à quel point le premier mois après l’accouchement mérite toute notre attention, et quelles solutions mettre en place. Et pour les plus auditifs, jetez-vous sur les épisodes du podcast de Clémentine Sarlat, La Matrescence.
Ainsi, le post-partum est un vrai sujet, sinon de santé publique, au moins de société (vous avez dit “congé maternité” ? les mots ont un sens et celui-ci ne reflète pas la réalité). Les suites de couches ne sont presque jamais évoquées pendant la grossesse par l’entourage familial, amical, médical. Par peur de faire peur ? Sans doute, mais il est déjà trop tard, non ? Alors par tabou ancestral ? Évidemment, un peu.
Briser la solitude pour un post-partum joyeux
Du côté de l’entourage…
Alors, pour changer les choses, demandez à une jeune maman comment elle va, vraiment. Laissez la raconter en boucle son accouchement, c’est un processus normal pour intérioriser ce qui s’est passé, le digérer. Visitez-la en lui apportant à manger, ne la laissez pas vous servir, proposez lui d’étendre cette machine pendant que vous êtes là… Ces petits gestes comptent, aident, et restent en mémoire.
Et pour en savoir plus sur les ressentis des parents à cette période, regardez les comptes Instagram et écoutez les podcasts de Mon Post Partum ou Le Quatrième Trimestre. Lorsqu’une femme est sur le point d’accoucher dans notre entourage, ça ne fait pas de mal de se renseigner un peu et d’être proactif. On parle tout simplement de la venue au monde d’un nouvel être humain, ça vaut le coup de s’investir !
… et des futurs parents
Les jeunes mères doivent aussi, si elles le peuvent et sont suffisamment entourées, préparer cette période. Par exemple, en se trouvant une personne ressource en dehors du couple parental (l’autre parent est lui aussi en train de gérer son bouleversement et sa fatigue, ne nous en demandons pas trop 😉) : mère/père, frère/soeur, collègue, voisin·e…
Les jeunes parents devraient pouvoir simplifier leur quotidien au maximum concernant les repas et l’intendance en général. Que ce soit en ayant une aide ou en ayant tout préparé à l’avance, les cerveaux et les corps auront bien d’autres choses à penser. Conséquence : les repas sont bien souvent la première “corvée” qui passe à la trappe > on se nourrit mal > on ne regagne pas d’énergie.
Tout cela peut paraître trivial, mais l’arrivée d’un bébé bouleverse nos quotidiens bien rodés au-delà de ce que l’on peut imaginer.
Il faut dire aux femmes enceintes : le post-partum arrivera et il sera éprouvant, le savoir ne doit pas faire peur. C’est un moyen de mieux l’appréhender.
Finalement et encore une fois, il me semble que la bienveillance soit la clef : envers soi, son propre corps, son·a conjoint·e, ceux qui ne savent pas, les maladroits… Il faut aussi sans cesse se rappeler que « tout passe ». Notre corps reprend sa place, l’inconfort disparaît, et on finit par redevenir un peu « celles d’avant » (avec un grand amour en plus). Mais la puissance des chamboulements sera toujours à la hauteur de l’événement, celui de la naissance.
Crédits 📸 : : @ashleygraham, @katyperry, @fridababy, Kat Jayne via Pexels.