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LE DEBUT

LE DEBUT

Published Sep 18, 2024 Updated Sep 19, 2024 Adventure
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LE DEBUT

« Le voyage c’est aller de soi à soi en passant par les autres »
Proverbe Touareg




Au printemps 2022, sans conjointe qui m’avait quitté avec brutalité quelques mois avant, mais aussi sans travail ni logement fixe, je quittais la France pour des vacances en Bolivie, pendant 3 mois. Mais voilà. Je croyais partir en vacances, alors qu’il s’agissait en vérité de voyage.  Durant ces trois mois, je n’étais pas en vacances, j’étais en voyage. Les vacances ne sont que des parenthèses, alors que le voyage devient chapitre d’une vie. On part en vacances, on les possède. On se met au-dessus d’elles et on espère les soumettre. D'ailleurs, des vacances aux imprévus sont les pires vacances. Alors qu’un voyage imprévu sera le plus beau des voyages. On part en voyage, on quitte dans un mouvement. On se sépare en drames et on se prête à l’aventure. En transportant, le voyage transforme le transporté. Les vacances cultivent l’illusion de la transformation. C’est un changement souhaité, mais jamais radical, qui ne rompt pas avec la personne. Ces vacances m’avaient changé et une rencontre à jamais gravée.

Il peut y avoir des vacances infinies qui ne transcenderont jamais et des voyages minuscules, pas plus haut que le bout d’une rue, qui mériteraient des poésies entières. Car oui, les vacanciers ont besoin de lecture et les voyageurs d’écriture ! Les vacanciers lisent les voyageurs et deviennent, un jour peut-être, voyageurs à leur tour et écrivent. Moi, j’ai écris un carnet de voyage mêlant textes, dessins, collages, blagues, citations, cartes, listes, comptabilité, anecdotes, fictions. Le voici donc, dans sa forme la plus ennuyante, mais aussi la plus pure que je connaisse.

 

5 avril 2022

Le premier pas d’un long voyage. Je passe de français désagréables à Marignane à l’accent sud-américain et les peaux bronzées à l’embarquement de Madrid. J’ai hâte. Dans cet aéroport tout en dégradé, mon préféré, les voyageurs mangent des sandwichs de jambon cru accompagnés d’un verre de rouge ou de blanc. Il est 9h du mat.

6 micro-siestes pour casser le décalage horaire. Les péruviens applaudissent à l’atterrissage dès qu’une roue touche le sol.



6 avril

Dans le taxi, la joie explose enfin. Je commence à peine à réaliser que je suis en Bolivie. C’est presque un rêve de gosse. Pour moi, c’est là que vit le Marsupilami. Ce ne sont pas les mêmes gens, les mêmes pubs, les mêmes odeurs, les mêmes étoiles. J’en ai les larmes aux yeux. Ici ce ne sont pas les mêmes étoiles.

« Pintar el indio con dignidad y al paisaje con gratitud »
Cecilio Guzman de Rojas



7 avril

Réveillé à 4h. Merci el décalage horaire. Piscine et petit déjeuner à 8h. Départ à 10h. Chaleur. Bus. Jardin, comprendre plutôt : réserve sauvage dangereuse. Dans nos jardins botaniques, nous on a des serres d’orchidées et des vendeurs de crêpes. Eux, ils ont 1000 hectares de forêt vierge avec des sentiers approximatifs, des singes, des tortues, des rapaces, des moustiques infatigables et des insectes violents comme des méduses.

 

Application de rencontre. Quelques « matchs ». Rencontre avec Mariela en périphérie de la ville. 3h autour d’une bière et d’un empanada con queso.
Très bonne soirée. Retour à l'hôtel seul.



8 avril

Achat d’une carte SIM locale avec forfait. On n’est pas sur les mêmes échelles : on me propose un forfait à 5000 Giga, soit 5 terra de 4g. Bolivia is the new Silicon Valley !

Direction Samaipata à 1600m d’altitude. Ça commence à grimper fort.



9 avril

Quel bonheur d’avoir décidé de laver quelques affaires à 8h, dans les baños communs, au même moment où mon voisin de palier a décidé de vider son pot de chambre fait maison avec une bouteille de Coca-Cola (celle de 2L). Il s'est pas dégonflé le papi en chemise à carreaux pour venir rincer sa vessie en plastique dans l’évier au-dessus de mon linge. Je sais pas si c’est mon égoïsme ou ma pudeur qui m’a poussé à agir, mais dans un réflexe étonnant, j’ai retiré mon linge du bac, le temps de rincer les restes d’urine nocturne du monsieur. Terrifié.
Il est 8h, ça sent le pipi, mais pas le mien. Bon samedi matin à tous !

 

10 avril

Tous les jours depuis un, je vis dans la terreur de recroiser el Señor Pipi et sa bouteille de Coca. Je suis parti à l’aube.

7h sur la place principale. Aucune expédition de prévu pour la cascade d’El Pajcha. Je vais devoir payer plein pot. Je ressens cette frustration de touriste solitaire : plus de liberté, mais plus difficile d’obtenir un bon prix pour les excursions. Un marché se met en place.

Je fais le choix d’une moto-taxi : plus tape-cul, mais moins cher.

Sur la moto, je me dis que je vais le regretter si je meurs. Ce n’est pas le fait d’être en short, T-shirt sans casque qui me dérange le plus, mais que le conducteur lui, porte un gilet, une veste et un casque. Je pense aux élections entre les nids-de-poule. 1h30 de trajet aller. Sauter et rouler au moindre signe d’incident ou bruit suspect du moteur. Sur la route, on croise tous les animaux de la ferme. On arrive enfin ! Clairement ça vaut pas le coup.



11 avril

Visiblement le pot de chambre Coca-Cola a trouvé sa place à côté du lavabo commun. Dieu merci il est vide et propre.

Dernier jour plein à Samaipata. Visite del Bosque de Helechos Gigantes. Comprendre la forêt de fougères géantes. Ça sonne comme un titre d’une histoire de Rahan. La forêt est silencieuse, pleine de mystères et de merveilles. J’aime cette ambiance qui m’inspire une citation amérindienne, totalement inventée : “Faisons preuve d’un respect infini pour les choses qui nous émerveillent et nous inspirent. Que ce soit un moment, une pierre ou l’image du vivant qui meurt, Il ou elle aura eu le mérite de nous bousculer et de nous amener dans l’imprévu”. Je suis persuadé qu’il s’agit du secret du bonheur de ma mère.

Ici, les fougères géantes grandissent d’un mètre tous les 500 ans (pas d’un seul coup j’espère). Elles sont présentes dans seulement 5 pays : l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Colombie, la Bolivie et le Costa-Rica (vu notamment dans Jurassic Park).



12 avril

Joyeux anniversaire papa !
Hier soir, meilleur dîner depuis mon arrivée : croquetas de quinoa (je ne suis vraiment pas difficile) et ce matin, meilleur petit-déjeuner : tarte maracuya y sandwich fromage-moutarde-cornichons étonnamment bon. La grand-mère du resto a même voulu m’apporter encore plus de cornichons !

 

Petite mésaventure en arrivant à Aiquile.

Déjà 3h30 d'attente ça partait mal. J'aurais déjà dû arriver. Je demande à la vendeuse de tickets combien de temps de trajet. Je la vois alors compter sur ses doigts comme ils font souvent ici... Puis changer de main ! Mes yeux s'écarquillent, mais elle s'arrête sur le premier doigt de la main n°2. 6h de trajet tout de même. Ce sera 6h donc. Dans le doute je vais refaire un plein d'eau et de cacahuètes. 16h On embarque. Dans la soute avec ma Mochilla (Sac à dos), une vingtaine de caisses de tomates. Direction Sucre, arrêt Aiquile pour moi seulement. Je préviens le conducteur. Dans le car un bébé, un enfant avec une polaire léopard, 2 chiens, une poignée d'adultes et un jeune argentin qui fait du tourisme avec un jeu d'échecs et 5 ou 6 machettes dans son Eastpack. Plusieurs arrêts.

18h. Le chien n'aboie presque plus. L'argentin est sympa. Il m'explique le coup des machettes. J'ai pas compris mais ça avait tout son sens. Je me dépêche de lire avant la tombée de la nuit. Maintenant 4h de trajet dans le noir. Sans lumière mais pas sans musique avec les pires tubes hispaniques romantiques dans les enceintes du car. Je somnole. Je regarde les étoiles.

Un panneau. Oh ! Aiquile ! On ne s'arrête pas. Doute. On s'arrête. Seul. Rien autour du bus comme un dessin à l'aquarelle un peu simpliste. « C'est par où Aiquile ? ». La réponse se veut plus courte mais en gros il me dit « Dans cette direction sombre et inquiétante, tu vois là où on aurait pu te déposer il y a 5 mn ? Ben on a oublié et c'est là-bas. Allez salut ! ».

Le bus repart. Il fait très nuit. Je suis tellement seul sur une autoroute de campagne que je compte mon sac à dos comme accompagnant. Heureusement c'est pleine lune. J'ai eu la présence d'esprit de conserver un peu de batterie de téléphone. Ça servira pour faire lampe/GPS/testament.

Je marche donc en sens inverse, le plus près possible de la route car à ma droite il y a des ronces locales. Traduire : cactus. Je me demande comment j'en suis arrivé à cette situation.

Je passe devant un bar karaoké. Ça me rassure. Google Maps me dit de tourner à droite. Il n’y a pas de droite. A chaque véhicule qui me croise, je ne peux m'empêcher de penser à mon alter-égo imaginaire : un bolivien en sac à dos en plein milieu d'une route nationale d'Auvergne à 22h un mardi d'Avril. Mais qu'est-ce qu'il foutrait là ? Et moi donc ? A ce moment, je pense pouvoir couper par la droite. Je pensais mal. Peut-être que si les cinq chiens menaçants m'avaient laissé aller au bout de mon idée, je n'aurais pas eu besoin de faire demi-tour. 20mn que je marche. Mais bon les étoiles sont jolies et mes mollets n'ont pas attrapé la rage. Il paraît que les chiens sentent la peur chez les humains. Je pense qu'eux ont d'abord senti ma transpiration.

Premières habitations. La banlieue du village en quelque sorte.

22h30. Où est le monde en ville ? Je me dirige en sueur vers l'hôtel le plus proche de moi. C'est ouvert !!! Ça se voit que mes attentes sont en baisse depuis 40mn ? 30 $B la chambre avec salle de bain privative, sans télé mais avec un matelas ! Je me dis que c'est quand même bien moins cher la campagne. Je comprends pourquoi en arrivant dans ma chambre.

Je ne m'attendais à rien, mais je suis quand même déçu.

Impression qu'ils ont tout fait pour que cela ressemble à un chantier. La tête de lit est sous plastique. Je pose mon sac. Enfin libre ! Je suis content d'avoir réussi.

Ah, la porte ne ferme pas. Mais on peut y mettre un cadenas. Décoration minimaliste. C'est à dire une chaise et une couverture. Étrangement les oreillers sont de bonne qualité malgré les traces de feutre sur les taies. Bon, je n'ai pas payé cher...

Dans la salle de bain, j'entreprends directement de laver la lunette des toilettes à la main... Dans le lavabo car elle est certes tâchée, mais "détachable" des toilettes. Je pris intérieurement pour qu'aucun virus que l'on croyait disparu de la Terre ne refasse surface entre mes doigts. En même temps, j'ai payé 3,90€ la nuit. Il pourrait y avoir des iguanes dans le lit et du sang sur les murs, ce serait toujours d'un excellent rapport-qualité prix.

J'allume la douche. C'est froid. J'allume le fusible de la douche (oui c'est comme ça ici). C'est pas vraiment tiède, mais maintenant la luminosité de l'ampoule diminue. Qu'est-ce que ça aurait été si j'avais choisi une chambre avec télé ? Plus le débit de l'eau est fort plus l'ambiance est intimiste. La fenêtre de la salle de bain tient ouverte avec un fil de fer accroché au mur, au-dessus du fusible, lui-même sous un capot de plastique, le tout sous le pommeau de douche. Sans bac de douche l'eau est partout dans la salle de bain. Je pense qu'un enfant de 5 ans qui a des notions en Inspecteur Gadget aurait fait mieux comme agencement. Je coupe l'eau pour me savonner. La lumière se rallume donc je sursaute. Très certainement pour la première fois de ma vie sous la douche.

Je n'ai jamais eu d'eau chaude. Je vais me coucher. Les draps sont… Pas sale. La tête de lit fait du bruit. Bonne nuit. En même temps vu le prix…



13 avril

Bien dormi, mais toujours réveillé vers 5 ou 6h du mat, par des aboiements incessants. Premiers symptômes d’altitude : mal à l’arrière du crâne, tête lourde et aucun appétit. Pourtant, je ne suis qu’à 2200 m. Le désert de sel, que je veux visiter dans une semaine, est à 4000m d’altitude. Je vais visiter Aiquile et chercher du Maté de Coca pour le mal d’altitude. Dans mon hôtel miteux, qui ressemble à un logement social à Tchernobyl (après l’évacuation), il y a une piscine et 2 saunas. Non, ça ne donne pas envie.

Ici les restaurants, c’est une table en plastique dans un salon sombre et une vieille dame qui te demande si tu es d’accord pour manger du poulet et du maïs. Et c’est tout. A mon dîner, la responsable de l’établissement m’a demandé d’où je venais. Puis comme une de ses filles habite à Paris, la logique a voulu qu’elle me donne son numéro de téléphone… J’ai vainement tenté de refuser. Ericka Rodriguez Vego, sache que j’ai obtenu ton numéro de téléphone sans ton consentement et que ta mère t’embrasse !



14 avril

Aiquile c’est sympa, mais il n’y a rien à faire. Même le musée del Charango se visite en 5 minutes (si on prend vraiment son temps). Le Charango est un instrument muy muy local, fabriqué avec la carapace d’un tatou, cela ressemble à une petite guitare très très customisée ! Une salle d’exposition au-dessus du musée nous dévoile une collection de poteries Inca dans un piteux état pour ne pas dire en libre-service. Le mal d’altitude est passé. Je vais partir pour Sucre dès aujourd’hui.

 

Bien arrivé à Sucre a 2700m ! C'est la vraie capitale de Bolivie. Tant de choses à voir et à faire après deux jours dans le village paumé. Pas trop de symptômes de l'altitude, pas besoin de coca ou de cachets pour le moment, mais quel épuisement à chaque montée. L'immense ville est dans une cuvette en plein dans les montagnes et les nuages sont très bas. Il fait très frais par rapport à 500m plus bas déjà. Je souhaite prendre des cours de salsa et de cuisine. Je voulais aussi me faire un restaurant classe et un peu cher. Je me suis trompé et j’ai fini sur une table basse avec un taco. J’ai pas osé ressortir. C’était bon, mais je suis un peu dégouté.



15 avril

Visite du Musée del Arte Indigeno. Là encore les tissus parlent de rondeur de la vie et des traits qui sont les fils à tisser. Il faut trois mois environ, à raison de huit heures par jour pour confectionner un tissu d’1m/50cm. Je suis bluffé par certains embriquements de motifs ou la complexité des changements de couleurs.

Dans les salles inférieures du musée, au lieu d’un exemple d’offrandes et d’objets de prières, il s’agit d’une véritable offrande faite au musée pour bénir la culture et l’art indigène de ces villages. Le musée conserve avec le plus grand soin, j’espère, des vêtements qui datent de 600ans après J.C., dont une toge jaune à motifs colorés, ayant très certainement été portée pour des cérémonies Inca de l’époque… Impressionnant et émouvant. Envie de partager mon émotion.

 

Ce soir je sors en resto/bar/discothèque/auberge de jeunesse qu’est le Kulture Berlin. Avec moi, François le français, trois anglais d’Oxford et Francisco l’argentin. J’avais peur que tout soit fermé à cause du vendredi saint et je voulais me faire des copains.

Un jeune homme a vomi dans la partie boîte de nuit. Je lui tends un verre d’eau pour qu’il s’en remette. Plus tard, son ami me remercie en me faisant boire une gorgée d’alcool pur. C’est la première fois que l’on me remercie en m’offrant une partie du problème que j’essayais de résoudre.

Je comprends pas trop les codes de drague : danses très sexualisées mais rien ne va plus loin. En bref, j’ai pas pécho. Couché à 2h45 après des heures de Reggae-Town.



16 avril

Réveil à 7h29. Ça pique. Escalade avec Carlos, en extérieur. Clairement j’avais oublié à quel point la roche c’est galère ! Il est de bons conseils et me tire sur la quatrième voie. Mon niveau à connaître pour les prochaines fois : 5b-5c.

Retour à 12h à l’auberge de jeunesse.

Visite des traces de dinosaures à 13h. Assez impressionant ! Parfait pour les enfants ou les fans de dino. Retour à 16h avec les mecs de mon auberge. Bières et jeux de société avant le départ des anglais.

Soirée spectacle Folkore, invité par une colombienne toute petite qui fait sans doute la même longueur que ses propres cheveux. Je suis explosé de fatigue. C’est la journée la plus intense. Le spectacle de danse est lui aussi super intense (heureusement sinon je dormais), très sexiste et hétéro-normé, mais bon c’est sympa. Les hommes se donnent bien plus à fond et j’ai repéré plusieurs ratés de scène. J’adore ça ! En rentrant à l’auberge, concert en bas de mon auberge… Endormi à 1h du matin. Dur.



17 avril

Réveil à 5h40 pour aller au marché de Tarabuco. C’est pas comme ça que je vais rattraper mon manque de sommeil. Marché très peu intéressant, mais j’ai mangé des fraises alors je suis content. Me suis acheté un pull en lama et un sombrero. Olé !

Retour dès 13h.

Froid et gerçures des lèvres alors que je suis resté que quelques heures à 3290m d’altitude.

A l’auberge, des gens partent et d’autres arrivent. Repos.

Moi intimidé par son regard froid : « Hola ! Sorry can I take your lighter please ? »
Elle, faisant la gueule : « Seat ! »
Moi obéissant : « Euh… Ok »
Elle détendue : « Hé ! Mais t’es français !? » sourire.

Voilà comment j’ai fait la rencontre de Laetitia, bien que je n’apprenne son nom que deux jours plus tard. Baroudeuse sans concessions, depuis 2 ans elle visite l’Amérique avec un très grand A. Elle déteste les attractions touristiques, rigole fort et adore les rencontres avec les vrais gens. Couch-surfing, Stop et tente sur le dos. Toujours une batte ou une bombe au poivre sous la main. J’aime son approche des choses. Son budget : 250€/mois. Autant vous dire qu’elle a plongé tête baissée dans un paquet de situations dangereuses, d’hôtels encore plus miteux que les miens, de chauffeurs lourds quand c’est pas pire. On parle de pays visités et de galères vécues. Quoi de mieux !?



18 avril

Tous un peu malades à l’auberge Colors House Hostal, mais pas pour les mêmes raisons. Crampes dès 7h. Un peu chaos, je vais à la poste et claque un salaire en timbres, puis visite un musée anthropologique en me pliant en deux de temps en temps, le visage livide. J’ai vite fait de rentrer. Par contre c’est le jour où l’on n’arrête pas de me proposer des fruits exotiques. Mauvaise idée, mais je suis trop curieux. Ce soir je teste un hamburger au lama. Je devais essayer. C’est pas très bon : très fort et faisandé. Demain ça ressemblera à une petite infection intestinale. En même temps, j’ai un peu déconné avec la bouffe : au lieu de me montrer prudent, je mange des fruits et du lama…

1/3 de mon stock de Smecta y passe.



19 avril

Dernier jour à Sucre. Vais mieux. Je visite enfin le mercado central pour un jus de papaye verte. Les femmes à jus me font rire en alpaguant tout le monde. Moi-même, je me suis fais prendre au jeu (au jus ?).

Enfin, La Casa de La Libertad est ouverte ! J’ai accepté une visite guidée en español. J’aurais pas dû. C’était si long, j’en pouvais plus. 2h d’explications. J’ai assez rapidement lâché l’affaire. Je pensais au resto qui m'attendait. A côté, il y avait une petite exposition contemporaine sur le confinement. J’ai pas tout aimé, mais certains tableaux m’ont fasciné. Resto classe, mais il y avait des morceaux de gélatine dans mon Tiramisu. J’ai pas posé de questions.



20 avril

Entre mon bus de nuit et une discothèque, j’ai du mal à voir la différence : ça bouge beaucoup, les lumières sont éteintes et on écoute du reggae-town dans les enceintes.

F R O I D

Arrivé à 5h du matin à Uyuni. Heureusement on m’attendait. Assez étonné par cette très bonne organisation imprévue. Avec Martin, l’Argentin, on attend dans un café, puis dans les bureaux jusqu’à 10h30.



21 avril

Dormi dans une vraie chambre d’hôtel tout seul. Couette épaisse + couverture (très certainement en alpaga). Uyuni n’est fait que de briques rouges et de barres de fer, parfois des maisons entières abandonnées ou en construction. Le mobilier intérieur des hôtels est fait de blocs de sel non traités. Chaque jour, je crois que le départ est plus tôt que celui de la veille, mais on finit toujours par partir à 8h30. C’est un peu relou. Je suis sûr de bien comprendre pourtant. Aujourd’hui, beaucoup de routes et moins de touristes et d’attractions. On monte jusqu’à 4950m d’altitude. Beaucoup de lamas, de vigognes et de flamants roses. Content ! Dans ma voiture, avec le guide et moi, il y a un argentin. Martin, 30 ans, un peu naïf et béat. Veut toujours que je le prenne en photo. Essaye à tort de trouver des points communs avec moi (foot, vin, barbecue). Deux anglaises. Mima et Tilda de leur surnom. 18 ans, un peu tout le temps hilares, mais très drôles. Mathilda est partie à 14 ans en voyage scolaire sur l’Anapurna… au Népal. On n’a pas tous les mêmes voyages scolaires. Une chinoise d’une vingtaine d’années dont j’oublie le nom, en couple avec le français. Future médecin à Hong-Kong. Très discrète et gentille. A sous-entendu que l’Himalaya était en Chine. En même temps, en annexant le Tibet c’est facile aussi… Un français, le conjoint de la précédente, habite à Hong-Kong, Raphaël (bonne chance pour la prononciation en chinois). Travaille en Banque. Prend trois semaines de vacances par an, mais change d’Iphone tous les 4 mois à cause de l’humidité de la ville. On n’a pas non plus tous les mêmes priorités.



22 avril

Texto à ma famille : “ Coucou ! Bien rentré du Salar d'Uyuni. Un peu sale et fatigué. J'ai survécu à 5000m d'altitude et au froid (évidemment j'étais le moins frileux du groupe). Merci pour les collants de voile. Je pense que ça m'a sauvé. En résumé c'est sec, froid, désert et très touristique. A cause de la pandémie de Covid, il y a 5 fois moins de monde cette année dans le désert de sel. Quelle chance !”



23 avril

Arrivée à 6h à Cochabamba. Enchaîne direct avec trois heures de bus pour aller à Torotoro.

Arrivée à 11h. Direction Villa Etelvina, au sud du village. Lieu paradisiaque, chambre douillette et jardin grandiose pour moi tout seul. J’ai demandé le nom du chien avant celui du propriétaire. J’ai honte. Du coup je lui ai jamais demandé et j’ai oublié le nom du chien. Double bravo ! Pas de wifi. Pas mangé de la journée. Repos. Glace maracuya. Promenade.
Écriture dans le carnet de voyage. 
Nuit.
Resto pas terrible. Accueilli pas des enfants, escalope poulet moutarde, pas faim (altitude ?), portes fermées, les clients tapent à la porte, frites pas bonnes. Parti vite. Pas de monnaie. Veux pas attendre. Laisser pourboire.



24 avril

Levé à 7h. Seul objectif de ma journée : LA CAVERNA UMAJALANTA

Visite du parc alentour avec deux Argentines un peu molles, un Argentin de l’office de tourisme je crois, deux boliviens d’origine française. Un couple adorable ! L’Argentin tente un rapprochement avec les Argentines et ça fonctionne.

 

Entrée dans la grotte tant attendue, seulement à 15h. Best grotte ever ! J’étais dans mon élément faut croire : ramper, sauter, explorer, toucher. Je me sens comme Gollum du Seigneur des Anneaux. Par contre, elle est vraiment difficile d’accès. Je ne la conseillerais à personne de mon entourage. Je crois que je dois me trouver des copains de grottes.



25 avril

Premier petit déjeuner maison : avocado-toast, tomates, citron vert ; oeuf au plat, piments verts et herbes. Je profite du jardin avant mon départ d’ici et rattrape mon retard d’écriture du carnet de voyage. Les dessins ça prend du temps.

Pause sur la route : explosion de cailloux gênants à la dynamite. L’explosion était à 100m de distance, on m’a prévenu, mais mon cœur a vibré tout de même. Quel effet ça doit faire de vivre sa ville sous les bombes. Je crois qu’on n’en a pas la moindre idée.

Retour à Cochabamba. Je reprends un Collectivo (Grand van fonctionnant comme un car, pouvant accueillir une dizaine de personnes pour des trajets compris entre 3h et 12h) pour aller à Villa Tunari sur invitation de Laetitia, rencontrée à Sucre. Trois heures de trajet en plus dans les dents. Je retrouve Laetitia la nuit dans un hôtel miteux. Partage de chambre, mais c’est pas ce que vous croyez.



26 avril

Chaleur. Demande de renseignements pour des activités touristiques. Le type soulève son débardeur pour nous exposer une récente opération chirurgicale. Images de bétadine et de sueur gravées à vie sur ma rétine. Plus de trous et de pansements qu’une partie de Docteur Maboul. Sinon, à part ça, il est sympa.

Direction le Parque Machia. Chaleur ! On passe par un pont autoroutier de la mort. Il fait moite. Ascension fatigante. Surtout à jeun. Chemise trempée de sueur, puis chemise essorée ! CHALEUR ! 2 bus pour aller visiter un coin de rivière. On a crevé un pneu sur la route. On change de caisse. Je me retrouve dans le coffre pendant 10 minutes. Une fois sur place, je me suis baigné dans une eau marronnasse, les pieds dans de la vase. Rien à faire. Tout est lent et moite. Retour. On a crevé un pneu sur la route. Encore !!! Ma théorie c’est que Laetitia porte la poisse des pneus.



27 avril

Encore un jus de maracuya. Laetitia trouve un carton dans la rue et écrit le nom de la ville où l’on va. Je fais du stop sur le bord de la route comme un punk à chien. Finalement on paye un taxi-bus au prix d’un grand bus. Ça va plus vite. Le budget de Laetitia explose ! J’ai une mauvaise influence sur elle.

Retour à Cochabamba. Cette fois j’y reste un peu. Airbnb nickel. Encore un jus de maracuya et une glace. Et une part de tarte au citron.

 

Au marché populaire, on croise des foetus de lamas séchés sur les stands. En vente évidemment. Laetitia cherche absolument à trouver une vapoteuse électrique goût banane.



28 avril

Tout commence par la flemme d’aller visiter la statue du Christ dès le matin. Ça continue ensuite par une légère fatigue, un planning qui se décale d’heure en heure. Des phrases anodines de la veille : « Tiens ! Il se couche tôt le soleil ici. ». On se motive enfin à aller voir cette statue de plus près. 17h. Pas envie de payer le téléphérique. On cherche à monter en bus. Pas de bus. Petite promenade de santé dans un immense escalier pour atteindre le sommet de la colline. 30 minutes de montée tout de même ! Une fois en haut, quelques photos. Des nuages dignes de tableaux de l’Antiquité. On regarde le parking pour trouver une voiture ou un bus pour descendre. Désert. Plus de téléphérique. On descend par l’escalier. Tout le monde a déserté le lieu. On croise un groupe de jeunes. On rigole, on descend, un type derrière nous s’approche. Oh un couteau !? « Plata y cellulares ! ».  Bref, on s’est fait racketter. Pas eu peur, mais totalement passif… On fait mieux comme réaction.

Après coup :

Relativiser : En vie, toujours ma carte bleue et les clefs du Airbnb. Ça aurait pu être pire.
Se refaire le film : Mais pourquoi ne pas pousser ? Courir ? Taper ? Utiliser la bombe à poivre avant qu’il la jette dans le vide ?
Apprendre sur soi : Bon clairement je ne suis pas du genre à avoir peur, mais à aucun moment j’ai envisagé une quelconque forme de violence.
Rigoler : en allant déclarer le vol à la Police, un flic négocie le prix de sa bombe à poivre avec Laetitia et un autre nous ramène à l’appartement en conduisant une ancienne voiture volée tout en téléphonant au volant. Volant sans klaxon ni airbag.

 

29 avril

Nouveau téléphone ! D’occasion, donc sûrement volé aussi. Nouveau numéro et nouveau forfait ! Problème avec mon accès Google depuis le nouveau téléphone. Il est fini le temps des questions secrètes que te posait un site web pour accéder à ton compte. Les GAFAM nous ont conduit peu à peu dans le monde paranoïaque et connecté qui est le leur. Même avec mon adresse e-mail et mon mot de passe, je ne peux pas me connecter sur un nouvel appareil sans code de validation envoyé sur l’ancien téléphone. Ces entreprises nous font croire que la possession d’un second objet électronique est plus digne de confiance que ne peut l’être une réponse intime à une question personnelle. Elles ébranlent notre confiance dans notre propre vie privée au profit d’un achat toujours croissant d’appareils électriques et électroniques. Et tout le monde trouve ça normal. Où est le temps gagné que nous promettent ces entreprises ? Je finis par me résigner et suis dans l’obligation de devoir demander de l’aide à mes parents en France, pour activer mon compte en validant un mail reçu sur mon compte Gmail, sur mon ordinateur éteint, dans ma chambre d’enfance. Quel enfer ! 

À part ma rage, je suis rempli de joie de pouvoir reparler par message à Mariela, la fille que j’ai rencontré au début de mon voyage. On se parle tous les jours et on tisse des liens doux, plus solides et plus dangereux que ce que l’on croit.



30 avril

Journée de voyage vers La Paz : un microbus vers la gare routière, puis un car longue distance vers La Paz, puis un microbus pour se rapprocher de la ville, puis un autre microbus pour entrer dans la ville et enfin un dernier microbus pour descendre en ville. J’ai fini à pied, à confondre côté pair et impair. J’ai paniqué. Enfin à l’hôtel. Tout seul dans ma chambre, mais 2 lits pour moi. Ici je découvre une marque de maté de coca qui s’appelle Paris. J’ai pas compris.

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Comments (2)

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Pablo Borras 3 months ago

Oh merci ! Je vais aller voir votre projet aussi ;)
(je débute sur la plateforme)

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Jackie H 3 months ago

Eh bien, en commençant à peine à lire votre texte, j'ai épinglé quatre citations désormais favorites, y compris le proverbe touareg 🙂👍🏻

J'ai apprécié l'humour sarcastique de vos notes de voyage 🙂 !

J'ai consacré moi-même une réflexion au voyage et à ses différents modes, si ça vous intéresse d'y faire un tour :

https://panodyssey.com/fr/creative/room/anatomie-du-voyage-6kr9suanpm2h

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