Chapitre 5 - C'est quoi, ce papier ?
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Chapitre 5 - C'est quoi, ce papier ?
— Ça ne se voit pas ? interrogea Conrad en plissant légèrement les yeux sous la suspicion. Je marche.
— Je veux dire : pourquoi tu marches dans la même direction que moi, crétin ?! feula Jules en secouant brusquement la tête.
— Je ne sais même pas où tu vas, fit observer le rouquin en haussant les épaules.
Son harceleur attrapa son téléphone dans une poche large de son pantalon et l’alluma. Son écran éclaira son visage bronzé d’une lueur blanche, avant qu’il ne lise à voix haute :
— « … croisement entre la Rue de la Fontaine et le Chemin des Bois… ». Et toi, l’anormal ?
— Pareil, répondit l’intéressé, de plus en plus surpris. Attends… Mais si je suis un anormal, qu’est-ce que ça fait de toi ?
— Oh ça va ! s’emporta le brun en reprenant sa route. Ferme-la !
Il passa à côté de Conrad en lui donnant un généreux coup d’épaule qui le fit reculer, avant de s’éloigner dans la rue avec une démarche grincheuse. Son camarade le suivit à une distance prudente, jetant des regards fréquents autour de lui. Finalement, il trouva le courage de lui parler.
— Toi aussi, tu as reçu ce mail ?
— À ton avis ? rétorqua Jules sans le regarder. Bordel, la poisse que j’ai ! Tu pouvais pas rester dans notre vieux collège pourri ?
Sachant qu’il était inutile de répondre à cette question, puis que tous deux savaient déjà de quoi il retournait, Conrad préféra ne rien dire. Après une longue minute de silence, alors qu’ils tournaient à l’angle de la rue pour gagner la Rue de la Fontaine, le plus grand reprit.
— Je te préviens, t’as pas intérêt à me casser les pieds ! Même avec un pouvoir, tu resteras toujours plus nul que moi !
Pour un féroce harceleur, il trouvait Jules étrangement inoffensif. En temps normal, il aurait déjà explosé de rage en lui collant un bon vieux coup de poing sur le nez qui lui aurait fait exploser les sinus. Mais ce soir-là, il était plus agressif verbalement que physiquement. Conrad avait bien sûr remarqué qu’il avait les mêmes décorations sur les épaules que lui, et il ne faisait plus aucun doute que tout comme lui, Jules avait également un don. Mais lequel ? C’était une question qu’il n’osait pas poser.
Sa raison lui disait que si son camarade avait eu conscience d’un tel pouvoir, il ne l’aurait pas traité d’anormal pendant des années. Sa logique le poussait à penser qu’il faisait partie des élèves dont les parents n’avaient pas conscience de capacités pareilles.
C’est ça qui le stresse ?
Bientôt, ils arrivèrent à proximité du point de rendez-vous du mail. Un mur longeait la route, haut de trois mètres, au minimum. Un groupe de près d’une quinzaine d’enfants était réuni près d’un portail d’aspect plutôt ancien. Chaque élève portait la veste noire de l’ACÉSO. Discutant entre eux pour la plupart, chacun semblait attendre avec une impatience mélangée avec une appréhension tout à fait compréhensible. Evan était adossé aux grilles, et ayant abandonné le temps d’un soir sa traditionnelle blouse blanche, il portait une simple chemise bleue, une cravate et un pantalon noir. Il jetait de fréquents regards à sa montre pour consulter l’heure.
— Tu peux me dire ce que ton père fout ici ? marmonna Jules à voix basse tandis qu’ils s’approchaient du troupeau.
— C’est le médecin de l’école, il me l’a dit il y a quelques jours, expliqua Conrad en essayant de ne pas se laisser intimider par sa voix orageuse.
L’adulte avait visiblement remarqué sa tignasse rousse dans la foule et lui adressa un sourire. Qui se transforma bien rapidement en grimace en voyant qui se trouvait à côté de son fils. Son regard interrogeait clairement le garçon sur la présence de Jules sur sa gauche. Le plus jeune haussa simplement les épaules en montrant qu’il ignorait lui-même pourquoi son ennemi ne le fuyait pas comme s’il sentait le vieux camembert puant.
Conrad ouvrit la bouche pour demander à son camarade s’il avait l’heure, avant de se rappeler qu’ils se détestaient. Étonnamment, il était tout de même un peu soulagé de voir un visage familier par les élèves.
Même si c’est… un connard harceleur…
Il profita du fait que le brun consulte lui-même son téléphone pour lire l’heure. Il était 18 h 28. D’ici deux minutes, ils allaient rejoindre l’école qui était perchée en haut de la colline… Les murmures autour de lui ne faisaient qu’accroître son impatience. Les élèves semblaient tous très enthousiastes, à l’exception de Jules qui tirait la tête… comme d’habitude.
Un petit groupe de cinq élèves arriva en trottinant dans la rue, au même moment que deux autres arrivaient par un autre chemin. Et alors que l’église du village sonnait la demi-heure, les derniers retardataires arrivaient.
Conrad vit son père se redresser, se décollant de la grille, et son regard qui se promenait sur les têtes des gamins annonçait clairement qu’il les comptait. Faisant une rapide observation, le rouquin remarqua qu’ils étaient trente-deux. Une fois le praticien devant le groupe, les murmures se firent plus discrets, avant de s’éteindre pour de bon.
— Bonsoir à tous, déclara chaleureusement le médecin. Je suis le docteur Morris, le médecin de l’ACÉSO. Je sais que certains d’entre vous ont fait un long voyage, alors je serai bref. Avant de rejoindre les autres élèves pour le repas, vous serez prié de vous présenter devant le directeur pour recevoir un papier. Ce papier est d’une extrême importance pour votre scolarité, prévint-il en insistant sur le mot. Ne le perdez pas !
Les enfants échangèrent des regards intrigués, presque inquiets. Evan esquissa un sourire, avant de lancer un regard appuyé sur son fils adoptif.
— Si, comme certains, vous espériez une réplique moderne de Poudlard, vous allez vite être déçus. Ici, pas de maisons qui se battent. Vous serez répartis dans deux classes, et vous dormirez à deux dans une chambre. Vos aînés se chargeront de la visite. Ah, et une dernière précision avant que nous ne rejoignions l’école : veuillez couper le son de vos portables. Allons-y !
Suivant l’adulte, la petite troupe se mit en marche pour entamer la montée de la colline. Les chuchotements reprirent aussitôt. Chacun semblait se demander ce qui les attendait. Il était presque impossible pour cette jeunesse de ne pas faire de parallèles avec les œuvres de J.K. Rowling et les films qui en avaient découlé. Pourtant, Conrad savait que le bâtiment de l’ACÉSO était plutôt moderne, donc rien à voir avec un vieux château…
— Hey, l’anormal ! l’interpella Jules dans un sifflement mécontent.
— Oui, anormal n° 2 ? interrogea le rouquin en levant les yeux au ciel.
— C’est quoi, ce papier que le directeur doit nous donner ? Ton père te l’a sans doute dit.
— Détrompe-toi, rétorqua son camarade avec un sourire moqueur. C’est à peine si je connais le nom d’un professeur. Il veut que je découvre comme les autres.
L’ascension jusqu’à l’école dura plus d’un quart d’heure. Evan semblait y être habitué, mais derrière lui, les enfants commençaient à sentir leurs mollets s’échauffer et les tirailler.
Heureusement qu’il y a un internat dans cette école… je ne ferais pas ça tous les jours…
Ce fut presque avec un certain soulagement que les élèves virent les contours du bâtiment se dessiner lentement. Grand de quatre étages, avec de larges fenêtres. C’était une structure plutôt impressionnante, et qui semblait relativement récente. De l’extérieur, il ressemblait bien plus à un grand lycée de la ville qu’à un petit collège de la campagne.
Le médecin poussa la porte et s’écarta, la tenant pour laisser entrer le groupe. Celui-ci se mit aussitôt à examiner les lieux. Le sol était carrelé dans une imitation de marbre. Les lumières LED diffusaient sur les murs une douce lumière chaleureuse, contrairement aux lampes fluorescentes traditionnelles de son ancienne école, qui était froide et agressait les yeux. Deux panneaux d’affichage encore vide étaient accrochés sur les murs.
— Laissez vos affaires ici, demanda l’adulte.
Non loin d’un couloir, quelques chaises confortables avaient été installées. Ce fut dans cette direction que partit Evan, talonné par des gamins impressionnés. Ils avancèrent dans un long couloir, et Conrad repéra déjà le secrétariat, ainsi que quelques pièces qu’il supposait être des salles de classe. Par les hautes fenêtres, la lumière orangée du coucher du soleil éclairait doucement le couloir. Ils passèrent devant les larges escaliers qui menaient aux étages et continuèrent d’avancer. Le médecin tourna brusquement à droite et continua d’avancer sans ralentir.
Ils ressortirent par une porte à l’arrière du bâtiment, et toujours subjugué par la taille des lieux, les élèves échangeaient des regards surpris. Même Conrad était scotché par l’importance d’un tel établissement.
Et en voyant ce qu’il y avait à l’arrière du bâtiment principal, sa mâchoire manqua de tomber sur le sol. Il n’y avait pas moins de sept autres structures. Six d’entre elles étaient reliées à la dernière. Et ce fut vers celle-ci qu’Evan se dirigea, traversant la pelouse fraîchement tondue.
Plus ils s’approchaient, plus le bruit des voix était fort. Il devait y avoir un sacré monde à l’intérieur pour que ce soit si audible. De loin, la construction semblait plutôt petite, mais en s’approchant, Conrad remarqua qu’elle était plus grande qu’il n’y paraissait. Les lumières qui étaient à l’intérieur éclairaient les vitres, et le garçon distingua les silhouettes de ce qu’il devinait être les autres élèves de l’ACÉSO.
Son père posa la main la poignée de la porte, avant de la tourner pour l’ouvrir. Le vacarme assaillit immédiatement les oreilles du rouquin. Les conversations qui jusque-là allaient bon train à l’intérieur s’atténuèrent lentement. La file d’élèves se faufila timidement dans la pièce. Conrad observa bien que tous les regards étaient tournés vers eux.
Des dizaines de tables garnies de nourriture étaient installées dans la pièce, et la plupart des chaises étaient occupées par des adolescents plus ou moins grands. Tous portaient la même veste noire. Au bout de la salle, juste en face d’eux, se trouvait la table des professeurs.
Alors qu’Evan les conduisait en les faisant avancer entre les tables, il sentait que chacun les observait. Il s’arrêta une fois en face de ses collègues. Le rouquin reconnut immédiatement l’homme qui lui faisait face : c’était Dorian McLennan, l’homme qu’il avait vaguement aperçu pendant les vacances. À la lumière des lampes, son visage lui semblait plus jeune. Malgré le fait que ses cheveux commençaient à grisonner, il conservait une certaine malice dans le regard. Juste à côté de lui, Conrad identifia aussi une connaissance : Sieur Malpoli lui-même.
Installé sur sa chaise, il semblait profondément s’ennuyer, et il remarqua également que sa main massait sa jambe sous la table. Le directeur se leva de sa chaise avec un sourire.
— Bienvenue à tous ! déclara-t-il d’une voix forte. Loin de moi l’idée de faire un long discourt de vieux sage. Premièrement, j’ai faim comme vous, deuxièmement, je ne suis pas vieux… Je vais demander aux nouveaux élèves de se présenter devant moi lorsque j’appellerai leur nom. Ensuite, vous pourrez vous asseoir où vous le désirez.
En se rasseyant, il laissa derrière lui un silence de plomb, personne ne semblait vouloir parler. Sieur Malpoli donna un petit carnet, un stylo et un document au professeur McLennan qui le posa devant lui.
— Caron Raphaël, appela-t-il.
Un garçon aux cheveux auburn se détacha de la foule, visiblement très intimidé d’être le premier. Il s’avança, les jambes tremblantes, et s’arrêta à un mètre du soixantenaire. Ce dernier le regarda quelques secondes, avant de se pencher sur son papier. Il nota quelque chose dessus, avant de détacher la page. Il la tendit à Raphaël qui, surpris, la prit entre ses doigts. Le signe de la main du directeur l’invita à s’asseoir parmi les autres élèves.
— Chen Mei.
Une jeune fille aux cheveux noirs, et aux traits orientaux s’approcha en regardant le sol d’un air gêné. Comme pour le précédent, McLennan l’observa un court instant, avant de griffonner quelques mots. Une fois le papier en main, la demoiselle partit rejoindre ses camarades.
Alors qu’il commençait à lire les noms commençant par « D », Conrad tourna la tête pour regarder les élèves qui étaient déjà assis. Ils fixaient leur papier d’un air surpris, avant que Raphaël ne se penche vers sa voisine pour regarder ce qui était écrit sur celui qu’elle tenait.
Le fait que le directeur ne les observait que quelques secondes faisait que les élèves défilaient très rapidement. Il régnait toujours un silence respectueux, uniquement rompu par l’appel des élèves. Avec une attente et une appréhension grandissante, le rouquin écouta l’adulte en venir à la lettre « M ». Après le passage de Carmen Martinez…
— Metz Jules.
Sans adresser un regard à Conrad, le brun s’avança. Sa démarche était moins imposante que d’habitude. Mais lorsqu’il reçut à son tour son papier, il rejoignit rapidement une table presque vide.
— Moreau Manon.
Il était sûrement le prochain… Il essayait de rester calme, de ne pas paniquer. Ce qui n’était pas un exercice facile…
— Morris Conrad.
L’intéressé crut un bref instant que ses jambes étaient paralysées, mais il parvint tout de même à avancer de quelques pas. Les yeux gris clair du directeur étaient perçants, et il avait la sensation d’être scanné aux rayons X. Il se pencha sur son carnet, nota quelques lignes, avant de la détacher et de la lui tendre.
Conrad récupéra la feuille avant de se diriger vers la table la plus proche. Sans s’en rendre compte, il prit place entre Jules et un autre élève qui devait avoir seize ans. Derrière lui, l’élève suivant se présentait à son tour. Une fois assis, le rouquin baissa les yeux sur le papier.
« Conrad Morris
Classe de 1-A
Graviton »
Il haussa les sourcils, surpris. Quand son père avait parlé d’un document à garder, il avait imaginé quelque chose de plus… officiel qu’une page arrachée d’un carnet. Le garçon sentit alors que quelqu’un se penchait vers lui. En se tournant, il vit que son harceleur examinait ce qu’il tenait. Ne pouvant réfréner sa curiosité, il se permit de lui rendre la pareille.
« Jules Metz
Classe de 1-A
Onde de Choc »
Les derniers élèves passèrent rapidement. Chacun allait s’installer à une table au hasard, bien que certains se mettaient sûrement avec des connaissances. En plus de l’élève plus âgé, Jules et lui, Aloïs Sinclair vint s’asseoir à leur table. La dernière personne qui devait passer, une fille nommée Diane Weber, les rejoignit également.
Le professeur McLennan referma son carnet et glissa son stylo dans les spirales avant de plier la feuille avec les noms. Il sembla alors se rendre compte que les élèves le fixaient toujours avec intensité.
— Je n’ai plus grand-chose à vous dire, déclara-t-il avec un sourire amusé. Si ce n’est : bon appétit !
Les conversations reprirent aussitôt leur animation d’avant, tandis que les élèves se servaient dans les plats. Coinçant son papier sous son assiette, Conrad regarda la nourriture dont l’odeur, une fois le stress passé, lui chatouillait agréablement les narines.
— Je te sers quelque chose ?
L’enfant se tourna vers l’adolescent qui venait de lui parlait. Il était grand et avait une carrure plutôt impressionnante. Ses cheveux châtains étaient courts et légèrement en bataille. Son regard et son sourire avaient quelque chose d’accueillant. Sur le col de sa veste se trouvaient deux longues bandes dorées.
— Je… Je veux bien de la salade et du poulet…
— Je m’appelle Nathanaël Carlier, se présenta le jeune homme en le servant. Je suis un des Guides pour les nouveau, précisa-t-il en montrant son col. Si jamais vous avez des questions au cours de l’année, vous pouvez venir me voir.
— Moi ! J’ai une question !
La jeune fille qui les avait rejoints en dernier avait pris la parole, visiblement hors d’atteinte du stress de cette rentrée particulière. Sa longue tresse blond cendré tombait dans son dos tandis qu’une longue mèche se balançait devant ses yeux. Elle portait la veste de l’école, ainsi qu’un t-shirt noir et un pantalon large.
— Je t’écoute, répondit doucement Nathanaël.
— C’est quoi, ce papier ?
Elle leva la page du carnet qu’elle avait reçue.
« Diane Weber
Classe de 1-A
Bête du Gévaudan »
— Moi, j’ai pas la même chose, s’avança timidement Aloïs, un gamin aux cheveux blonds à l’air nerveux. Il est écrit : « Aloïs Sinclair, Classe de 1-A, Faux Réalisme ».
— Le truc, c’est que je ne peux pas vous répondre totalement, hésita le Guide d’un air mal à l’aise. Ce papier sert tout d’abord à vous dire dans quelle classe vous êtes, et manifestement, vous êtes tous dans la même à cette table. Et pour ce qui est écrit en dessous, je ne peux pas vous le dire sans gâcher le petit effet de surprise.
— Quel effet de surprise ? marmonna Jules d’un air mauvais en avalant une frite. Déballe et tourne pas autour du pot.
Nathanaël resta immobile quelques secondes en fixant le jeune insolent. Conrad lui adressa un sourire gêné.
— Désolé, il a toujours été comme ça…
— Je vois, répondit simplement le Guide sans s’énerver. Tout ce que je peux vous conseiller, c’est de retenir ce qui est écrit sur vos feuilles. Pensez-y plusieurs fois dans la journée pour être sûr que vous allez le mémoriser.
Tout en mangeant, le rouquin tourna la tête pour regarder la table des professeurs. Il n’y avait pas moins de onze professeurs. Enfin, dix professeurs et un médecin pour être plus précis. Il croisa le regard de son père qui lui adressa un sourire.
Le directeur discutait avec une femme d’une cinquantaine d’années, aux cheveux courts et à lunettes. À côté de lui, Sieur Malpoli écoutait ce que lui disait Evan.
— Au fait, Conrad, reprit Nathanaël, ça ne te dérange pas que je t’appelle par ton prénom ?
— Non, pas du tout, répondit l’intéressé en se tournant brusquement.
— Tu es le fils du médecin, n’est-ce pas ? devina l’adolescent avec un sourire. J’ai remarqué que vous aviez le même nom de famille et qu’il te regardait souvent.
— Oui, c’est ça, approuva le garçon. Mais il ne m’a parlé de cette école qu’il y a moins de deux semaines, donc je suis aussi perdu que les autres.
— Tu ne lui as rien demandé ? s’étonna Diane, face à lui. Moi, à ta place, je lui aurais posé
des tonnes de questions.
— Je lui ai posé des questions ! protesta Conrad d’un air ronchon. Mais il n’a pas voulu me répondre. Tout ce que je sais, c’est qu’on aura des cours semblables à ceux des écoles normales, sauf pour la maîtrise des pouvoirs.
— Est-ce que tu connais les professeurs ? demanda Aloïs en se redressant.
— Non, admit le rouquin. J’en ai juste vu un dans le cabinet médical de mon père.
— Laisse-moi deviner, s’amusa le Guide avec un sourire malicieux. C’était le professeur Holmes !
Le garçon hocha la tête en signe d’approbation.
— C’est moi ou il a une canne ? grommela Jules en se tournant vers le corps professoral. C’est pas dans un collège qu’il devrait être, mais dans un hosto. D’ailleurs, il est prof de quoi ?
— C’est le professeur d’éducation physique, répondit Nathanaël avec un rictus. Plutôt paradoxal, non ?
— Tu te fous de ma gueule ? s’énerva le brun en le fusillant du regard.
— Pas du tout, garantit son aîné. Tu as sans doute déjà vu un prof de sport hypocrite, non ? C’est celui qui met un survêt, qui te dit de courir, mais qui ne court jamais lui-même. Eh bien, Holmes, c’est un des rares professeurs qui ne fait pas ça. Étant donné qu’il ne peut pas courir, il ne prend même pas la peine de se changer.
— Holmes… répéta Diane d’un air songeur. Comme Sherlock Holmes, le personnage d’Arthur Conan Doyle ?
— C’est le même nom, ricana le Guide. Mais sûrement pas la même personne. Le Holmes de l’ACÉSO est vraiment le plus grand cinglé. Rassurez-vous, vous n’aurez pas cours avec lui la première semaine. Il n’y a jamais cours de sport la première semaine.
— On se demande pourquoi… marmonna Jules en regardant à nouveau Sieur Malpoli.
Une fois les assiettes vidées, ils passèrent au dessert. Conrad se prit une généreuse part de tiramisu qui, comme le reste du repas, était un pur délice. L’atmosphère semblait plus détendue, et il se sentait plus serein. Le temps défilait à une vitesse insoupçonnée, et plus d’une heure et demie après le début du repas, le professeur McLennan se leva à nouveau, ramenant le calme.
— Je sais que personne n’en a envie, jeunes gens, mais il est largement temps d’aller se coucher ! annonça-t-il. Les cours commencent dès demain, et il faut être reposé et frais pour travailler. Je demande aux deux Guides de conduire les nouveaux élèves à leur internat. Bonne nuit à tous !
— Restez près de moi, recommanda Nathanaël. On doit rassembler tous les élèves.
Conrad récupéra le papier du directeur avant de l’oublier et le fourra dans sa poche. Ceux des années supérieurs quittaient déjà la salle par des portes différentes, sachant visiblement où ils allaient. Le Guide leur demanda de ne pas bouger, pendant qu’il allait chercher le reste de la classe. Sa collègue, une fille blonde qui devait également avoir dans les seize ans, arriva en ramenant un gros groupe d’élève. Une fois les trente-deux enfants rassemblés, Nathanaël prit la tête pour leur montrer le chemin.
Ils partirent par une autre porte que les autres, qui donnait sur un long couloir entièrement vitré. Les fenêtres laissaient voir le clair de lune qui éclairait les lieux d’une couleur argentée. Au-dessus de leur tête, les nuages étaient si fins qu’on aurait dit un simple rideau. Un peu plus loin, un bâtiment se dressait sur trois étages.
— Chaque année a son internat, expliqua Nathanaël. Comme on vous l’a peut-être déjà dit, vous dormirez à deux dans une chambre. Si jamais vous ne vous entendez pas avec votre voisin, vous pouvez nous le dire, et nous introduirons une demande de changement auprès de Mac.
— Le rez-de-chaussée est pour les espaces communs, continua sa camarade. Salle de travail, salon de détente et les sanitaires. Au premier étage, ce sont les chambres des garçons, et au deuxième, les chambres des filles. L’extinction des feux est prévue à vingt-et-une heures en général ; aujourd’hui était l’exception.
— Et vous avez même le Wi-Fi, compléta le Guide avec un sourire. Le luxe, quoi. Une seule précision : il s’active à sept heures et se coupe automatiquement à vingt-deux heures.
En ouvrant la porte, il laissa les jeunes étudiants entrer. Ils arrivèrent dans un confortable salon éclairé. Les lumières étaient chaleureuses et douces, des tables basses étaient au milieu des canapés et des fauteuils confortables. Le tapis était épais et semblait terriblement doux.
— Vous pouvez laisser vos chaussures ici.
Nathanaël montra une armoire dont chaque compartiment portait le nom d’un élève. Conrad ôta ses baskets et les posa à l’endroit qui lui était réservé. Les Guides les attendaient déjà aux pieds des escaliers en bois qui menaient aux étages. Une fois arrivés sur le palier, les garçons suivirent Nathanaël tandis que les filles continuaient à monter.
— Voilà, il y a seize chambres ici, annonça-t-il en sortant une feuille de la poche de sa veste. Il y a une plaque avec le numéro à côté des portes. Vous pouvez rejoindre celle qui vous a été assignée.
Il tourna le papier pour leur montrer la liste. Conrad chercha des yeux son nom, et le trouva à la hauteur de la chambre 7. Tout en croisant les doigts, son regard glissa sur son voisin de chambre.
— On est ensemble, murmura Aloïs à côté de lui d’un air soulagé.
— Tant mieux, soupira le rouquin avec un sourire. J’avais peur de finir avec Jules…
— Bonne nuit les jeunes ! salua le Guide avant de s’éloigner.
Les garçons se mirent alors en chasse pour trouver leurs chambres. Au milieu du couloir, Conrad trouva la porte numéro sept. Il tourna la poignée et étouffa une exclamation de surprise. C’était une chambre plutôt spacieuse et moderne. Deux lits en hauteur étaient préparés avec des draps frais. En dessous des lits se trouvaient des bureaux et un siège matelassé. Des armoires en bois clair étaient déjà remplies par leurs affaires. Le sac de cours que le garçon avait laissé à l’entrée de l’école était au pied de l’échelle de son lit.
— Oh la vache… souffla-t-il, abasourdi.
La grande porte-fenêtre menait à un petit balcon. La lune s’élevait déjà haut dans le ciel.
— On va être bien ici, chuchota le blond à côté de lui en refermant la porte.
Simultanément, ils lâchèrent un long bâillement, et ils décidèrent de remettre la discussion à plus tard pour se coucher. Cependant, en montant dans son lit, Conrad eut une surprise.
Un téléphone portable était posé sur son oreiller avec un mot.
« Un petit cadeau pour toi ! Désolé de l’avoir déballé pour toi, mais j’ai déjà ajouté mon numéro dedans.
Amuse-toi bien avec ton nouveau joujou !
Papa »
Le garçon posa la tête sur l’oreiller moelleux et s’endormit sans problème, un sourire heureux sur les lèvres.