Chapitre 3 : Rencontre cosmique
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Chapitre 3 : Rencontre cosmique
En son for intérieur, elle ressent une certitude profonde : elle ne risque rien. Alors, malgré son appréhension face à cette chose totalement inconnue, elle s’avance à pas lents et feutrés.
À mesure qu’elle fend l’obscurité, elle distingue de plus en plus nettement une silhouette parsemée de minuscules éclats lunaires, apparaissant et disparaissant en une danse silencieuse et mélancolique venue des cieux.
S’armant de courage, notre lutine ose élever la voix d’un ton qu’elle veut assuré pour demander à l’ectoplasme la raison de sa présence en ce lieu insolite, même pour le peuple des ombres.
Peut-être est-ce une âme en peine, qui aurait besoin d’aide pour passer de l’Autre Côté?
Astréla s’attend à entendre un cri rauque et sifflant s’échapper de l’apparition, mais il en sort un son cristallin et paradoxalement éraillé, comme si un obstacle en bouchait la pleine délivrance.
« Qui es-tu ? Que veux-tu ? »
« J’m’appelle Gaëlysse, mais toi, t’es qui ? »
Les soubresauts assortis d’étranges gouttes argentées qu’Astréla apercevait de loin cessent instantanément, mais la voix de la créature se teinte d’une nouvelle nuance qu’elle reconnaît immédiatement : de la peur, diluée d’une pointe de curiosité. La lutine, soulagée de voir apparaître face à elle une humaine haute de sa taille, lance fièrement :
« J’suis Astréla, lutine en chef au service du célébrissime Merlin et j’suis en mission secrète pour la sauvegarde du royaume de Brocéliande ! »
« Une lutine ? MOUAIS BIEN SÛR ! Si c’est vrai, alors prouve-le moi ! »
En proie à des émotions contradictoires, le cœur de notre sympathique créature féérique oscille entre l’envie de clouer le bec à cette insolente petite humaine et celle de l’impressionner. Bien que la manifestation de ses pouvoirs soit strictement interdite en présence de mortels, elle décide de contourner la loi de Brocéliande pour lui démontrer l’ampleur de sa magie.
Toutes traces des billes translucides et brillantes qui inondaient le visage mutin de la petite Gaëlysse avaient déserté les joues rougies de la fillette, cédant la place à de minuscules éclairs malicieux illuminant ses grands yeux chocolat. Un sourire provocateur aux lèvres, Astréla enlève son bonnet de ses oreilles elfiques et le lance, de toutes ses forces, dans les cieux, transmutant par enchantement, le territoire boueux environnant en une verdoyante étendue de fleurs d’une blancheur immaculée.
L’air se remplit soudainement d’effluves enivrants de jasmin et de muguet. De minuscules papillons virevoltent autour d’elles, remplaçant instantanément la multitude d’insectes noirs et bourdonnants qui infestaient le marécage un instant plus tôt. Les grands yeux de Gaëlysse s’arrondissent, fascinés par ce spectacle hors du commun, puis, comme sous l’effet d’une digue qui cède, s’emplissent à nouveau d’une eau argentée qui ruisselle sur ses joues.
Cette rivière d’émotion liquide prend Astréla au dépourvu, car les farfadets ne pleurent jamais. Notre mignonne lutine, inaccoutumée à vivre au contact des mortels, n’avait jamais vu de larmes de toute son existence. Aussitôt, elle regrette d’avoir dévoilé ses pouvoirs. « Ça doit être pour ça que c’est interdit », pense-t-elle, en voyant le trouble suscité chez cette adorable fillette qu’elle sent si fragile derrière l’armure d’ironie qu’elle utilise comme protection. Merlin avait peut-être raison lorsqu’il parlait des humains.
Il a toujours raison, Merlin.
Selon lui, les humains possèdent une étrange capacité à nier l’évidence. Même lorsqu'ils sont confrontés aux preuves les plus palpables de l'existence du peuple féérique, ils préfèrent se convaincre qu'ils ont rêvé ou qu'ils ont été victimes d'une illusion passagère.
D’un point de vue extérieur, ce tourbillon de magie semble avoir choqué la petite mortelle, mais dans le cœur de Gaëlysse se produit exactement l'opposé de ce qu'imagine, alors, Astréla. Gaëlysse avait toujours cru en l'existence des fées, malgré les moqueries dont elle était parfois l'objet.
C’est comme si grandir revenait inévitablement à renoncer à tout ce que l'on ressent au fond de soi, à étouffer cette part de merveilleux que chaque enfant porte en lui. Les adultes, trop accaparés par la rationalité du monde, oublient les moments où ils croyaient aux fées, aux lutins, et aux mondes invisibles. Ils ignorent les signes flagrants de magie, parce qu’admettre leur existence mettrait en péril leurs certitudes.
Merlin l'a souvent répété : les humains préfèrent les explications simples, même erronées, à la vérité complexe et enchanteresse. Pour eux, reconnaître le peuple féérique reviendrait à remettre en cause toute leur perception de l'univers. C’est pourquoi ils ferment les yeux, même lorsque la magie danse devant eux, tel un ballet de lucioles dans la nuit.
Astréla comprend alors que cette fillette est différente. Dans les yeux noisette torréfiée de Gaëlysse, on peut encore percevoir cette étincelle, cette curiosité vive et insatiable. Elle ne rejette pas la magie, elle l’embrasse. Chaque papillon, chaque fleur épanouie sous l'enchantement de la lutine, éveille en elle une joie pure et inaltérée.
Pour Gaëlysse, la magie n'est pas un mythe à refouler, mais une réalité à célébrer. Et en cet instant, Astréla réalise que, malgré les réserves de Merlin, certains humains peuvent encore percevoir le merveilleux, accepter l'inexplicable, et croire aux contes qui bercent leurs rêves d'enfants. Gaëlysse, avec ses grands yeux brillants et son cœur ouvert, est la preuve vivante que la magie, bien qu’invisible pour la plupart, peut encore trouver des âmes prêtes à l’accueillir en leurs seins.
image réalisée par Seelab et retravaillée avec Canva
La suite demain!