Le rêve d’Orphée moderne au supermarché.
Le rêve d’Orphée moderne au supermarché.

photo + édition par moi.
Ce poème est une rêverie inspirée du mythe d’Orphée, ce musicien qui descend aux enfers pour tenter de ramener celle qu’il aime grâce à la puissance de son chant. Ici, Orphée devient une figure moderne perdue dans les néons et les rayons d’un supermarché, où sa musique tente encore de transformer un lieu banal en passage entre les mondes.
Avertissement au lecteur : Ce poème peut être plus que lourd, presque viscéral. Mais je le considère comme l'un de mes meilleurs. Si vous décidez d'avancer, vous êtes au moins informés.
Le rêve d’Orphée moderne au supermarché.
j'ai vu mon effigie fragmentée la nuit dernière,
dans l'amniotique noirceur du rêve,
sous le cristal froid des vitrines de solde,
emprisonnée dans sa pellicule de scellage.
j'y ai vu aussi mes mots
non plus porteurs de lumière ou d'excuses,
mais bêtes traquées.
ils rampaient sur la dalle froide,
faïence de supermarché,
autel d'ersatz où l'on dépose la monnaie du cœur,
non l'organe, juste le change.
ils me suppliaient,
les syllabes offertes,
les voyelles pleines d'étoiles,
ces petits mondes que j'avais confiés,
fragiles et nus, vers d'autres mains.
je les ai vus tordus,
déformés,
devenus les outils des bourreaux,
la lame affûtée de leur propre tendresse.
mais la parole m'était étranglée.
un nœud d'anciennes litanies me serrait la gorge.
j'étais la statue de sel du spectateur impuissant.
mon sang,
ce flux pourpre d'une trop longue générosité,
a commencé de suinter,
non des poignets,
mais du cartilage même du regard.
et d'un coup,
ils m'ont souri,
se sont retournés vers moi,
en chants mantriques
prenant des formes de soleils irréels.
le sel de ma statue a fondu en larmes claires,
transformant le supermarché
en cathédrale d'arc-en-ciel.
— dato
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