Le temps des métamorphoses (2)
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Le temps des métamorphoses (2)
La musique chevillée à la terre
974
Contrairement à ce qu'on a l'habitude de penser, ce nom de Réunion n'a pas été choisi pour matérialiser le métissage et lui rendre hommage même si c'est ce qui vient en premier à l'esprit. L'imaginaire collectif a privilégié le symbole. La réalité historique est tout autre : comme ils ont instauré le calendrier républicain, les révolutionnaires ont aussi rebaptisé l'île Bourbon en hommage à la réunion des fédérés de Marseille et des gardes nationaux. C'est plus trivial. Cette dénomination de Réunion s'est toutefois imposée car elle correspondait bien à la réalité du territoire. Cela dit, ce sont aussi les révolutionnaires qui ont proclamé l'abolition de l'esclavage en 1794. Mais les propriétaires des plantations n'en tiennent pas compte. Ils entendent compenser leur retard au démarrage et jouer les prolongations. Même Napoléon n'arrivera pas à la leur imposer. Les propriétaires sont puissants et ils n'en font qu'à leur tête. La Réunion est bien trop loin de la métropole. Cela a très longtemps été un problème. Les choses changent doucement, au rythme des bateaux qui doivent encore faire le tour de l'Afrique. L'esclavage est enfin aboli le 20 décembre 1848, avec soixante-dix ans de retard. En 1946, dernier grand changement administratif en date, l'île devient un département français : 974.
Aujourd'hui, la population, par sa diversité et ses couleurs, est représentative de ce passé bigarré fait de douleur et d'espoir. Il y a les cafres, les malbars, les chinois, les zarabes, les petits blancs des Hauts, les gros blancs et les zoreys. L'espace est mouvant entre ces populations aux origines géographiques différentes, et le métissage est la norme.
Zoologie
La Réunion est un espace singulier qui compte un grand nombre d'espèces endémiques : peu de prédateurs, quelques reptiles, des araignées, le margouillat, et surtout des oiseaux, à commencer par le fameux paille-en-queue, l'emblème de l'île, un oiseau blanc qui possède deux longues plumes droites au bout de sa queue, lui dessinant comme un grand signe égal, et le dodo aujourd'hui disparu, trop facile à chasser, pas assez méfiant, dont l'image reste l'effigie d'une marque de bière locale.
De la musique après tout autre chose
Ici comme ailleurs, c'est la géographie qui a déterminé l'histoire, et l'histoire a façonné à son tour la culture des hommes. Il est donc logique de retrouver dans la musique réunionnaise des traits communs à sa géographie et à son histoire. Ainsi, au même titre qu'il y a eu le métissage des différentes populations, il y a aujourd'hui une musique créole, qui rassemble toutes les tendances venues d'Afrique, d'Europe et d'Asie. Cette musique se sépare en deux courants, le séga et le maloya. Le séga, c'est la facilité, la danse, la musique officielle, celle que l'on valorise et qu'on exporte. C'est aussi l'acculturation et l'asservissement, la musique du pouvoir, imposée par les anciens maîtres et les gouvernements. Le maloya, c'est la résistance, la musique traditionnelle des anciens esclaves, frappée d'interdiction, celle qui reste sur place. C'est aussi la revendication d'une identité multiple et résistante, une musique maquisarde qui se cache pour mieux lutter.
Merci à Eric Ausseil pour ses illustrations.