Avec la rage en dedans
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Avec la rage en dedans
Le titre vient de Jacques Higelin
Deuxième partie : Mélodie vagabonde (4)
Les mécaniques de l'âme
Malgré la longueur de cet épisode, on ne peut pas non plus tout ramener à lui. La dépendance n'est jamais qu'un aveu d'abandon, un renoncement formulé ou non, le sommet de l'iceberg, la résultante visible, palpable, de mécaniques beaucoup plus sombres et complexes. Elle n'est que la matérialisation des failles d'un homme. On a parfois réduit Alain Péters à une image de clochard ayant tout cassé chez lui et vendu le peu qu'il lui restait encore pour s'acheter à boire, se tendre comme un arc, reprendre juste assez de forces, se mettre en rogne à nouveau pour recommencer, poursuivre le travail de sape au point que ses proches pouvaient avoir honte de lui parfois, honte de ses excès. Sans manquer de respect à sa mémoire, il faut aussi accepter qu'il était aussi capable d'autant de folie, qu'il était parfois malheureux au point de tout détruire autour de lui pour se rendre plus malheureux encore. La rage appelle la rage. C'était alors comme si le bonheur, ou tout au moins la tranquillité de l'esprit, le bonheur étant une notion trop immobile pour pouvoir correspondre à un être aussi bouillonnant, s'était détourné de lui.
Se caler sur son propre rythme
Ce désespoir et cette rage grouillante ne parviennent toutefois pas à enrayer le processus créatif. Alain Péters a simplement revu ses objectifs. Il ne fait plus de musique pour un groupe ou pour un studio mais pour lui uniquement. Il pousse la logique créatrice jusque dans ses derniers retranchements et devient une sorte de fou pratiquant l'art pour l'art, gratuitement. Il capte la musique où elle se trouve sans penser à autre chose que son propre plaisir. Les producteurs, il ne veut plus en entendre parler, des faiseurs, des requins malhonnêtes qui veulent lisser la musique pure, la tordre pour mieux la faire correspondre aux goûts du moment, comme si c’était aux artistes de s'adapter au marché. Les purs non pas à se plier, à aucune exigence que ce soit. Plutôt mourir mais en gardant toujours vive en soi comme une lumière intérieure, mystique et colorée.
Merci à Eric Ausseil pour le coup de pinceau.