Mélodie vagabonde
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Mélodie vagabonde
Le temps des métamorphoses (36)
Trajectoires parallèles
Avant de se brouiller au tournant de la décennie, Alain Péters et Jean-Claude Viadère étaient amis depuis plusieurs années et avaient suivi des trajectoires parallèles. Ils avaient fréquenté les mêmes lieux, les mêmes personnes. Comme Alain Péters, Jean-Claude Viadère avait enregistré deux 45 tours au Studio Royal avec son propre groupe, les jeunes Gayards, et un autre au studio Issa, le superbe Comméraz la pas bon/Moin la pas fait tout sél. Il est également crédité en tant que percussionniste sur l'album Tombé levé de Michou. Les deux hommes avaient donc bel et bien travaillé ensemble avant de se retrouver au sein de Carrousel.
Enregistrés au studio Issa à Saint-Denis, avec Gaby Lai-kun à la production, les deux morceaux de ce 45 tours sont nés dans une Citroën 2CV sur le trajet Saint-Leu/Saint-Denis. Au volant Loy Ehrlich, à la takamba Alain Péters, aux bongos Bigoun. Je me suis mis à fredonner... Et voilà, la musique des deux morceaux du 45 tours a été composée comme ça, dans la voiture. (Jean-Claude Viadère, Livret Oté Maloya)
Jean-Claude Viadère parle ici des deux titres du 45 tours Comméraz la pas bon/Moin la pas fait tout sél, dont la Face B se trouve sur la compilation (ce qui fait de lui le musicien le plus représenté sur cet album). Tout semble aller pour le mieux à ce moment-là : les garçons jouent de la musique entassés dans une petite deux chevaux. Jean-Claude Viadère ne fait pas encore officiellement partie de Carrousel mais les musiciens se côtoient. On imagine bien l'ambiance dans la voiture. La takamba offerte par Loy Ehrlich ne quitte plus Alain Péters. Naturellement, Carrousel va accompagner le chanteur sur cet enregistrement. Enfin quasiment tout le groupe : un membre résiste encore et toujours à toute forme de rigueur. C'est toujours Jean-Claude Viadère qui raconte :
Nous sommes arrivés au studio avec Alain Péters, Bigoun, Loy Ehrlich... mais au moment de démarrer l'enregistrement, Alain Péters avait disparu. On l'a finalement retrouvé jouant avec Madoré dans le quartier... et il a voulu rester avec Madoré. Il a donc fallu faire sans Péters. Heureusement, Loy Ehrlich, qui a une bonne mémoire, a retrouvé la ligne de basse composée par Péters. (id)
Le dernier chanteur de rue
Henri Madoré était un chanteur de rue connu dans toute l'île, vivant de sa musique hors des sentiers battus. Il a enregistré quelques 45 tours dans les années 50. Ses chansons ont été compilées sur le CD Le Dernier chanteur de rue produit par Loy Ehrlich (Takamba 1997). Le parallèle avec la trajectoire d'Alain Péters est édifiant. De plus, cet épisode ne vous rappelle-t-il rien ? Alain Péters qui s'esquive et que l'on retrouve près d'un musicien ? Il a recommencé le coup de la disparition à vingt-cinq ans d'intervalle... On comprend aussi mieux ce que Jean-Marie Pirot a voulu dire par « pas fiable ». Certains musiciens s'arracheraient les yeux pour avoir la chance d'aller en studio enregistrer mais pas Alain Péters qui préfère vivre l'instant présent et jouer sa musique au moment et à l'endroit où elle le prend, même si c'est juste devant le studio et qu'il est attendu. S'il a trop répété ce genre de frasques, cela a pu à la longue agacer les autres membres du groupe au point qu'ils le débarquent.
Merci à Eric Ausseil, qui colmate le réel.