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Liquidation
Le temps des métamorphoses (26)
Concurrence
Malgré quelques bonnes ventes et une belle notoriété de prestige, le label d'André Chan-Kam-Shu peine à subsister. Les succès de Michou et le soutien de l'ADER ne suffisent pas. Le marché réunionnais est trop petit et le maloya ne parvient pas à s'exporter pour toucher un public hors de l'île. La France métropolitaine est encore trop lointaine et ne s'intéresse pas à cette musique, ou du moins on n'a pas su l'y intéresser. Ce qui s'exporte surtout, c'est la variété exotique. Seul ce qui est le plus lisse arrive à passer : aucun groupe ou chanteur issu du studio Royal n'est représenté. On vend de l'île enchanteresse, de l'amour, du soleil, pas des histoires de sorcellerie. Ce qu'on veut à ce moment-là, c'est faire danser les gens. Mais il y a déjà le zouk pour ça, pas besoin d'une autre musique venue des îles. De toute façon on a déjà Franky Vincent et la Compagnie Créole. Quoi ? Il y a aussi des créoles à La Réunion ? D'autres créoles ? Ah bon, peut-être. C'est possible. Dès son ouverture, le marché métropolitain sera trusté par la variété, en particulier celle des Antilles. Il faut de la couleur, mais pas trop non plus. Bref ici comme ailleurs, aucune chance de voir les petits labels d'avant-garde s'imposer. Diffusion Royale et le groupe Caméléon en particulier, son ossature rythmique et mélodique et son meilleur ambassadeur sont trop en avance sur leur époque. Le label a mis en chantier des changements essentiels et a initié des avancées qui auraient dû permettre à la musique réunionnaise de prendre sur la scène de France métropolitaine, et peut-être même au-delà, la place qui lui revenait mais un autre jeu, politique celui-là, se jouait derrière son dos et a tout étouffé dans l’œuf. Le séga était trop léger pour durer et exister autrement que comme une mode éphémère. Le maloya avait sans doute mieux à proposer mais il n'était pas en mesure de s'exprimer à ce moment-là. Un mauvais timing, c'est tout ce que l'on peut déplorer.
Exil
Le label s'étouffe peu à peu. Malgré le formidable vivier que représente cette jeune scène réunionnaise qui va redonner au maloya ses lettres de noblesse en le modernisant, malgré une production soignée et à la pointe, malgré des sorties en nombre suffisant, le label Diffusion Royale ne parvient pas à conquérir un marché assez vaste pour se pérenniser. La caillasse ne coule pas à flot, loin s'en faut, et André Chan-Kam-Shu, malgré la meilleure volonté du monde, est contraint de mettre la clé sous la porte. Une fois de plus, les musiciens vont devoir se trouver un nouveau refuge. Plus rien ne les retient à Saint-Joseph. Il est temps de bouger à nouveau. Qu’à cela ne tienne : trois ans à ce rythme fabuleux, dans un tel confort artistique, une telle harmonie, avec une liberté totale et tous les possibles ouverts devant soi, c'est déjà une chance inouïe dans une vie. Beaucoup de musiciens ne peuvent pas prétendre en avoir déjà eu autant.
Si c'est le silence...
L'aventure s'achève définitivement en 1979, dans un silence et une indifférence assez généralisés, sans avoir eu la chance de pouvoir rencontrer son public. Il ne s'en est pas fallu de beaucoup. Il faudra donc attendre les quelques compilations déjà mentionnées pour voir réapparaître les noms des artistes de l'équipe du Royal.
Marci à Eric Ausseil pour les ors et les ornements.