Chapitre 22 - Un nouveau départ
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Chapitre 22 - Un nouveau départ
Hildegarde contemple ses sœurs dans le jardin, alors que la brise tiède du printemps souffle sur les arbres en fleurs. Certaines sont occupées à cultiver les carottes et les navets pour la soupe du soir, d’autres décryptent de vieux manuscrits. Dans l’air, le son rauque de la vièle se mêle à celui, plus cristallin, de la rote pour former une riche texture.
Après quinze années à la tête du monastère, les critiques sont toujours aussi vives. Si pour de nombreuses filles, leur séjour en ces murs est une véritable libération de l’âme et de l’esprit, nombreux sont les nobles à se plaindre que les jeunes femmes sont de plus en plus difficiles à marier. Peu de seigneurs apprécient en effet de recevoir des leçons de leur propre épouse, généralement deux fois plus jeunes qu’eux ! Même parmi les sœurs, la dissension règne. Les plus rigoristes ont pris parti de ne plus assister qu’à la messe et aux repas, préférant prier plutôt que de suivre des enseignements qui les éloignent de leurs convictions. Parmi elles, Sœur Gertrud, qui était jusqu’à présent loyale et dévouée envers la Révérende Mère, prône un retour aux traditions pures et rigoureuses des Bénédictines et rallie de plus en plus de sœurs à sa cause.
Un matin, Hildegarde attend en vain ses élèves pour un cours sur les plantes médicinales. Seules trois des plus dévouées arrivent en tremblant. Elles racontent que Sœur Gertrud a essayé de les persuader de la rejoindre à la chapelle afin de prier pour leur salut. D’après elle, la Mère Supérieure les dégrade en simples paysannes et les détourne de leur véritable mission : prier et obéir au Seigneur.
Furieuse, la Mère Supérieure se rend à la chapelle et s’adresse à Gertrud, devant toute la communauté :
— Que se passe-t-il ici ? Une sœur ne désobéit jamais à sa Révérende Mère !
Gertrud prend la parole. Sur un ton frondeur, elle s’écrie :
— Mère Hildegarde, vos enseignements s’écartent trop de nos traditions. Nous craignons que le monastère perde sa vocation.
— N’êtes-vous pas heureuse d’avoir une culture digne de votre rang, de découvrir les merveilles de la nature, de percer les secrets de la musique ?
— La plupart d’entre nous ont justement avons sacrifié notre noblesse pour ne plus avoir à supporter ces futilités, mais uniquement nous consacrer à la seule chose qui importe : devenir les servantes du Seigneur.
Hildegarde réalise qu’elle ne peut plus continuer ainsi. Elle abandonne ses sœurs et se réfugie dans sa cellule. Elle ferme les yeux et serre la pierre qui pend à son cou, puis appelle Nunael à l’aide :
— Nunael, aidez-moi ! Que dois-je faire ? Les sœurs m’ont abandonnée !
Après quelques minutes d’attente fébrile au pied de son lit, elle sent la pierre briller et se réchauffer.
— Ma chère Hildegarde. Tout a une fin, mais aussi un commencement. Il est peut-être temps de tourner la page et de créer une communauté fidèle à tes valeurs. Je suis certaine qu’il ne faudra pas longtemps pour que ta nouvelle congrégation soit remplie de femmes curieuses de découvrir tes enseignements.
Hildegarde soupire. Parfois, les paroles de Nunael lui semblent trop optimistes au regard de la situation. Elle s’enferme dans la petite chapelle qu’elle a fait bâtir rien que pour elle pour méditer et réfléchir. Plus personne ne la voit de la journée.
Le lendemain matin, elle réunit tout le monde dans le réfectoire. Sur un ton solennel, Hildegarde déclare :
— Mes sœurs, je respecte vos convictions, mais je ne peux renier les visions et les enseignements que le Seigneur m’a confiés. Par conséquent, je quitterai Disibodenberg l’été prochain pour fonder une nouvelle communauté où mes idées pourront fleurir librement.
L’annonce suscite une vive émotion parmi les sœurs, certaines versent des larmes, tandis que d’autres ressentent un soulagement.
— Puisque je vais devoir me concentrer sur la construction de la nouvelle maison de Dieu, je vais donc organiser l’élection de la prochaine Révérende Mère.
Sans aucune surprise, la communauté de Disibodenberg a élu Sœur Gertrud comme nouvelle Mère Supérieure.
Hildegarde, accompagnée d’une dizaine de fidèles, quittent le monastère pour s’établir dans le petit village de Bingen am Rhein.