Nunael flotte dans le vide qui semble s’étendre à l’infini. Aucun repère, aucun souvenir. Son corps n’est qu’une lueur pâle, oscillant doucement comme la flamme d’une bougie sur le point de s’éteindre. Elle ne sent ni le froid ni la chaleur, seulement une pression sourde, un silence qui pèse sur son âme. Elle ouvre les yeux. Rien ne change. L’obscurité demeure, totale, mais une vibration ténue, presque imperceptible, traverse le néant.

— « Où suis-je ? »

Sa voix, faible, se dissout dans l’espace. Elle ne reçoit que l’écho de sa propre question. Elle tente de bouger, mais son corps éthéré reste suspendu, immobile, dans ce vide sans contours. Une onde de mélancolie la traverse. Qui est-elle ? Pourquoi existe-t-elle ? Les questions s’enchaînent, sans réponse. Elle ferme les yeux, cherche en elle-même un souvenir, une image, une certitude. Rien. Juste cette sensation étrange d’être à la fois tout et rien.

Soudain, la vibration s’intensifie. Nunael perçoit, dans l’épaisseur du silence, la présence d’énergies primordiales. Des forces invisibles et anciennes l’entourent, l’enveloppent. Elle sent la gravité, cette force qui attire la matière vers la matière. Elle devine la thermodynamique, cet équilibre fragile entre l’ordre et le chaos, la matière et l’antimatière. Les lois de l’univers, rigoureuses et mystérieuses, s’imposent à elle comme une évidence.

Une idée jaillit. Et si elle pouvait créer quelque chose ? Donner forme à ce néant, imposer des lois, libérer la beauté d’un cosmos vibrant ? Elle tend la main devant elle. Sa paume translucide s’illumine de filaments de lumière. Elle imagine la gravité, non plus comme une simple force, mais comme une puissance qu’elle pourrait canaliser. Elle visualise des galaxies, des étoiles et des planètes, de tailles et de consistances différentes, tournant les unes autour des autres.

Mais le doute s’insinue. Et si elle perdait le contrôle de sa création ? Si cette force qu’elle libère détruisait tout ce qu’elle tente de créer ? Elle se souvient — ou croit se souvenir — des supernovas, ces explosions d’étoiles qui dispersent la matière dans l’espace, des trous noirs, ces abîmes où même la lumière disparaît. Le risque est réel. Pourtant, cette tension entre incertitude et désir créateur nourrit sa volonté. Elle fixe l’obscurité, cherche une faille, une ouverture.

Une vision éclate dans son esprit. Des tourbillons de matière en fusion, des jets de plasma, des filaments de matière noire relient des galaxies en formation. La matière noire, cette substance invisible qui structure l’univers, échappe à toute observation directe, mais son influence se devine dans la rotation des galaxies.

— « Je vais créer un univers… Mon univers ! »

Sa voix, cette fois, ne tremble pas. Elle canalise son énergie. Des flux lumineux se concentrent autour de ses mains, dessinant des lignes de champ invisibles. Elle visualise des sphères de matière embryonnaire, portées par une gravité naissante. Les premiers instants de l’univers prennent forme : l’hydrogène et l’hélium se condensent, les étoiles premières s’allument.

— « Que la lumière soit ! »

Les mots résonnent, puissants. Une explosion d’énergie emplit l’espace, dispersant l’obscurité. Des points lumineux apparaissent, timides d’abord, puis de plus en plus nombreux, tissant le canevas d’un univers en formation. Les lois de la physique — la conservation de l’énergie, la dynamique des fluides — se matérialisent dans ce spectacle grandiose. Au-delà des explications logiques, c’est toute la poésie du cosmos qui se révèle.

Nunael se découvre une nouvelle mission : insuffler une âme à cet univers naissant. Chaque étoile, chaque galaxie devient une œuvre d’art, une harmonie entre le chaos et l’ordre. Elle modèle une galaxie spirale, ses bras majestueux déployés en une danse ordonnée.

Elle contemple son œuvre, fascinée. Les premiers amas stellaires se forment, la fusion des noyaux libère de l’énergie, des champs magnétiques intenses apparaissent. La science et la magie se rejoignent, donnant naissance à des phénomènes qui défient toute explication intuitive.

Une sensation étrange l’envahit. Une présence mystérieuse rôde dans les recoins sombres de son univers. Une vibration différente, presque menaçante, s’immisce dans l’ordre qu’elle établit.

— « Qui es-tu ? »

Sa question se perd dans l’immensité. L’écho revient, vide, mais la tension demeure. Elle comprend que la création cosmique est intrinsèquement liée aux cycles de naissance et de mort. Les supernovas, les trous noirs, les collisions galactiques ne sont pas des accidents, mais des étapes nécessaires à l’évolution. Elle mobilise toute son énergie. Les premières planètes émergent, des sphères de matière en équilibre précaire. Les océans primordiaux se forment, témoins de réactions chimiques complexes. Nunael insuffle une étincelle magique à ces mondes, une vibration d’espoir qui transformera l’inanimé en vivant. Elle observe la formation des premières molécules organiques, la naissance des cellules, la lente évolution vers des formes de vie plus complexes.

— « Je donne naissance à la vie. »

Elle contemple les germes de vie qu’elle a semés. Elle imagine des civilisations futures, des êtres sensibles capables de comprendre et de préserver l’équilibre universel. Elle combine ses connaissances scientifiques — biologie, chimie, astrophysique — avec une inspiration divine. Les premiers agents de vie prennent forme, porteurs d’un code génétique issu des interactions cosmiques.

Mais une question persiste : comment insuffler une cohérence émotionnelle à cet univers ? Elle réfléchit à des mécanismes de communication, des réseaux d’idées et d’émotions reliant les êtres entre eux. Une vision nouvelle s’impose : un univers où la science et la magie coexistent, où chaque équation est une symphonie, chaque particule un poème.

— « Que l’univers s’éveille, et que par lui, la vie trouve son chemin dans l’immensité du temps. »

L’univers qu’elle façonne est un mélange harmonieux de calculs rigoureux et de rêves inaltérables, une symphonie cosmique où la science et la magie dansent ensemble.

Nunael poursuit son œuvre, guidée par une volonté à la fois scientifique et fantastique. Elle sait que chaque création porte en elle une part d’inconnu, une étincelle d’imprévisibilité. Mais c’est précisément cette incertitude qui donne à l’univers sa véritable force. Elle avance, déterminée, prête à affronter les mystères et les merveilles de sa propre création.

— « Tout cela n’est qu’un commencement », murmure-t-elle, tandis que la lumière se répand et que les galaxies continuent leur danse silencieuse.

Et dans ce vaste cosmos, chaque particule résonne comme un écho de sa volonté, un témoignage de la force lumineuse qui, en dépit des ténèbres, donne lieu à une éternelle symphonie de vie.