

Chapitre 6 - Du Paradis à l’Enfer
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Chapitre 6 - Du Paradis à l’Enfer
Nunael réfléchit. L’espèce humaine est-elle vraiment celle qu’elle désire tant ? Mérite-t-elle de la rejoindre un jour, à ses côtés, pour l’aider à protéger son univers ?
Elle se rappelle ce jour où les premiers hommes couraient sur une terre encore sauvage. Les premiers feux, les premiers mots, les premiers gestes maladroits. Elle s’émerveille de la rapidité avec laquelle ces créatures ont appris à survivre, à s’unir, à rêver.
Un enfant lève la tête vers la lune, fasciné. Sa mère lui tend un fruit, le nourrit, le protège. Nunael sent la chaleur de ce lien, la force tranquille de la tendresse. Elle observe les femmes, piliers silencieux des clans, qui soignent, qui enseignent, qui veillent. Mais déjà, la violence s’infiltre. Un cri, un coup de pierre, une silhouette s’effondre. Le sang coule, la peur s’installe. Nunael frissonne. Elle ne comprend pas encore ce besoin de dominer, de posséder, de détruire.
Les siècles passent. Les civilisations émergent, des huttes primitives aux temples majestueux. Autour des feux, les femmes tissent une mémoire collective, leurs voix portent les mythes et prophéties qui façonnent les croyances de leur peuple.
Dans une vallée verdoyante, Nunael observe les premiers champs cultivés. Hommes et femmes, côte à côte, domptent la terre nourricière. Les femmes, en harmonie avec les cycles lunaires, détiennent une sagesse ancestrale. Mais leur influence s’érode peu à peu, tandis que les hommes s’approprient le pouvoir pour construire un monde à leur image, où les dieux deviennent masculins et les lois, leur domaine exclusif.
Dans la lumière dorée d’un matin, une prêtresse minoenne s’avance, drapée de lin. Elle bénit la moisson, invoque la déesse-mère. Son peuple l’écoute, la respecte. Mais bientôt, les envahisseurs arrivent. Les statues tombent, les fresques s’effacent. La mémoire de la prêtresse s’effiloche, ne subsiste qu’un nom, à demi effacé sur une tablette d’argile.
Nunael sent une colère sourde monter en elle face à cette injustice. Elle traverse les âges.
Elle voit Wu ==Zetian== , impératrice de Chine, s’asseoir sur le trône interdit. Elle voit ==Tomoe== ==Gozen== , sabre au poing, galoper dans la brume du Japon. Elle voit ==Nzinga== , reine d’Angola, défier les conquérants, négocier, résister.
Mais l’histoire efface peu à peu leurs exploits. Les récits passent sous silence leurs actions, leurs triomphes s’estompent dans la brume du temps.
Nunael s’attarde sur une tombe égyptienne. Des femmes pleurent, versent des parfums sur le corps d’une reine. Elles murmurent des prières, glissent des amulettes sous la langue de la morte. L’embaumement, ce rituel complexe, vise à préserver le corps pour l’éternité. Nunael comprend la peur de l’oubli, le désir de survivre à la mort.
Elle s’approche d’un bûcher viking. Une guerrière, les cheveux tressés, s’allonge près de son époux défunt. Les flammes s’élèvent, la fumée emporte les âmes vers le ==Valhalla==. Nunael perçoit la fierté, la résignation, la certitude d’un au-delà.
Elle traverse les forêts d’Afrique, assiste à des funérailles où les femmes dansent, chantent, célèbrent la vie autant que la mort.
Partout, la même question : que reste-t-il de nous, une fois la chair dissoute, la voix éteinte ?
L’humanité ne se contente pas de prier, de pleurer, de bâtir. Elle conquiert, elle détruit. Les guerres éclatent, les empires s’effondrent. Les hommes s’arment, dressent des murailles, suscitent la peur.
Nunael voit les femmes reculer, chassées des temples, des conseils, des champs de bataille. Elles deviennent invisibles, reléguées à l’ombre. Elle entend les cris des sorcières brûlées, les soupirs des savantes oubliées, les larmes des mères dont on vole les enfants.
Elle voit Alice Guy , première réalisatrice de cinéma, tourner ses films dans l’indifférence. Elle voit ==Nannerl== Mozart composer dans l’ombre de son frère. Elle voit ==Hedy== ==Lamarr== , actrice et inventrice, rêver de mondes nouveaux, ignorée par les savants.
Nunael sent la tristesse, la rage, l’injustice. Elle s’interroge : pourquoi cette soif de pouvoir, cette peur de l’autre, cette volonté d’effacer la moitié du monde ?
Elle contemple les villes qui s’élèvent, les routes qui serpentent, les bibliothèques qui brûlent. Elle voit les pyramides, les ziggourats, les cathédrales. Elle entend les prières, les cris, les serments. Elle perçoit la naissance des religions, la vénération des dieux et l’envie de les égaler.
Elle soupçonne l’Étranger d’avoir soufflé sur les braises, d’avoir semé la discorde, d’avoir effacé les noms, les visages, les mémoires des femmes.
Elle hésite. Doit-elle intervenir ? Doit-elle guider ces êtres qu’elle aime et craint à la fois ?
Elle se penche sur une place de marché, au cœur d’une cité antique. Les femmes vendent des herbes, des tissus, des histoires. Un homme les bouscule, les insulte. Elles baissent les yeux, se taisent. Nunael voudrait crier, briser le silence, rendre la parole à celles qu’on a muselées.
Elle se souvient de Henriette ==d’Angeville== , gravissant le Mont-Blanc, seule contre la montagne, contre les préjugés. Elle se souvient d’Henrietta ==Lacks== , dont les cellules immortelles sauvent des vies, alors qu’elle-même meurt dans l’anonymat.
Nunael sent la force de ces femmes, leur courage, leur résilience. Elle se demande : et si l’humanité avait écouté ces voix, suivi ces chemins, respecté ces savoirs ? Le monde serait-il différent ?
Une mission nouvelle s’impose à elle. Parmi les milliards d’êtres humains, elle devra choisir quelques élus auprès desquels elle se révélera. En tissant des liens précieux avec ces âmes exceptionnelles, elle les guidera vers un objectif ambitieux : transformer leur monde en un lieu où l’humanité, libérée des distinctions de genre, s’épanouira dans une harmonie parfaite.
Mais avant cela, elle doit créer un cycle où les humains évolueront en des êtres éthérés et infinis, à son image.
La chaumière s’accroche à la colline, dos tourné au vent salé de la mer. Les murs de torchis retiennent à peine le froid de la nuit. Au plafond, des bouquets de thym et de sauge pendent, séchés par la fumée du foyer. L’aube hésite derrière la fenêtre, sa lumière pâle glisse sur le sol de terre battue. Jeanne veille, assise sur un tabouret de bois, les mains crispées sur un bol d’eau tiède. Sa mère, allongée sur un lit de paille, respire par saccades. La peste a creusé ses joues, jauni ses yeux, volé sa force.
Dans la pièce, l’odeur de la fièvre se mêle à celle des herbes. Jeanne trempe un linge, le pose sur le front brûlant. Elle murmure une prière, hésitante, à la Vierge. Les mots s’accrochent dans sa gorge.
— « Bois un peu, Maman. »
La mère secoue la tête, un sourire faible fend ses lèvres.
— « Merci, ma fille. Laisse-moi partir en paix. Tu dois apprendre à vivre sans moi maintenant. »
Sa voix est rauque, éraillée. Jeanne détourne les yeux, lutte contre les larmes.
— « Je ne veux pas que tu partes. »
Un long silence. Le feu crépite, la mer gronde au loin.
— « On ne choisit pas, Jeanne. Mais tu dois rester forte. Pour toi. Pour ce que je t’ai appris. »
Jeanne serre la main de sa mère. Elle sent son pouls qui, par moments, s’échappe.
— « Il me reste tant de choses à apprendre ! »
La mère ferme les yeux, respire plus lentement.
— « Tu sauras te débrouiller. Tu es née dans la tempête, tu as survécu à la faim, à la peur. Tu es courageuse et intelligente. »
Jeanne se penche, pose son front contre la main de sa mère. Elle veut graver dans sa mémoire ces derniers moments partagés.
— « Raconte-moi encore l’histoire de la colline. »
Un souffle, presque un rire.
— « Quand tu étais petite, tu courais là-haut, pieds nus, tu criais plus fort que le vent. Tu n’avais peur de rien. »
Jeanne sourit, un instant.
— « Je savais que tu n’étais pas loin. »
La mère ouvre les yeux, dévisage sa fille comme pour graver son image dans sa mémoire.
— « Tu as été ma force, ma raison de vivre, Jeanne. Maintenant, c’est à toi de trouver la tienne. »
Une bourrasque fait irruption dans la chambre. L’air se charge d’une chaleur étrange. Jeanne se sent défaillir. La lumière devient dorée, presque irréelle. Elle reprend peu à peu ses esprits, mais quelque chose a changé en elle, autour d’elle.
La mère tousse, une quinte sèche, douloureuse. Jeanne la redresse, glisse un coussin sous sa tête.
— « Bois, je t’en prie. »
La mère accepte et avale l’eau à petites gorgées. Elle trouve un peu de force pour parler.
— « Je veux que tu me promettes… »
Jeanne attend la suite, le cœur battant.
— « Promets-moi de ne pas m’oublier, mais surtout promets-moi de ne pas oublier qui tu es. Ton père était un grand seigneur. Tu n’es pas qu’une bâtarde — ton sang contient sa force et sa noblesse. »
— « Je te le promets. »
La mère sourit, ferme les yeux. Le silence s’installe. Le feu s’éteint, la lumière vacille. Jeanne sent la main de sa mère se relâcher. Un souffle, puis plus rien.
Le temps s’arrête. Jeanne reste immobile, la tête posée sur le drap rêche. Elle n’entend plus la mer, ni le vent, ni le monde. Nunael s’approche, effleure la pièce d’une brise tiède. Une lueur danse sur le visage de la morte, apaise les traits tirés. Jeanne lève les yeux, croit voir une ombre, une étoile, un espoir. Dans la chaumière, le temps reprend. Les bruits reviennent, la lumière s’adoucit. Jeanne s’abandonne à la fatigue, au chagrin, à la peur de l’avenir.
Au dehors, le village s’éveille. Un coq chante, un chien aboie, la vie continue. Jeanne se lève, couvre le visage de sa mère d’un linge propre, comme le veut la coutume. Elle allume une bougie, la pose près du lit. La flamme vacille, projette des ombres sur les murs. Dans la lumière de l’aube, elle s’agenouille, les mains jointes. Elle sent la présence de sa mère, douce, rassurante. Elle sent aussi une autre présence, plus vaste, plus ancienne, qui l’enveloppe d’une chaleur inconnue.
Nunael observe les deux femmes, invisible. Elle perçoit leurs pensées, leurs sentiments — la peur de Jeanne, la résignation de la mère, l’amour qui les lie.
Elle hésite. Doit-elle intervenir ? A-t-elle le droit de changer le cours de cette vie, de cette histoire ? Pourquoi cette scène simple la touche-t-elle tant ? Elle se souvient des siècles passés à observer les hommes, à les voir construire et détruire, aimer et haïr, créer et anéantir. Elle se souvient des femmes oubliées, des voix étouffées, des rêves brisés. Elle se souvient de la beauté fragile du monde, menacée par la violence et l’ignorance.
Elle soupire, un souffle imperceptible qui traverse la chaumière.
— « Je ne peux plus regarder sans agir », murmure-t-elle. « Mais quel droit ai-je de changer leur destin ? »
Elle voit Jeanne, agenouillée dans la pénombre, si seule, si fragile. Elle sent sa peur, sa détresse, son désespoir. Elle voit aussi sa force, sa résilience, sa capacité à aimer. Elle hésite, sachant ce qu’elle s’apprête à perdre. Elle rassemble en elle la lumière, la mémoire, la force de mille siècles. Puis elle ouvre les bras, se déchire, offre une part d’elle-même à ce monde qui l’obsède et la blesse.
Une profonde douleur la traverse, aiguë, brûlante. Ce n’est pas une simple coupure, mais une amputation. Elle sent la brume de son essence s’arracher, se détacher, flotter vers Jeanne et sa mère. Elle voudrait retenir ce fragment, le garder en elle, mais il glisse, s’échappe, devient autre.
Une lumière douce envahit la chaumière, une chaleur enveloppante qui apaise le froid. Un murmure à peine audible flotte dans l’air, comme une promesse. Jeanne frissonne, ouvre les yeux. Elle voit une brume lumineuse danser autour du corps de sa mère, une aura dorée qui illumine son visage. Une paix profonde l’envahit, une sérénité qu’elle n’a jamais connue.
Les souvenirs remontent, plus clairs, plus intenses. Elle revoit sa mère, jeune et forte, lui apprenant à lire, à écrire, à reconnaître les plantes, à soigner les animaux. Elle revoit les fêtes du village, les danses, les chants, les rires partagés. Elle revoit les moments difficiles — la faim, la maladie, la peur — mais aussi la force de sa mère, son courage, sa détermination à survivre.
Elle comprend. La vie n’est pas une ligne droite, mais un cercle. La mort n’est pas une fin, mais un passage. La souffrance n’est pas une punition, mais une épreuve.
Elle accepte.
La brume lumineuse s’intensifie, l’enveloppe, la transforme. Une force nouvelle l’envahit, une énergie qui la relie à sa mère, à ses ancêtres, à l’humanité entière. Elle n’est plus seule. Elle ne sera plus jamais seule.
Nunael sourit.
— « Je leur offre une part de moi, une étincelle de mon essence », pense-t-elle. « Ils ne seront plus jamais seuls. »
Nunael vient de leur offrir le don de l’âme, ce double spirituel qui accompagne chaque être humain, ce lien invisible avec l’au-delà, cette promesse d’immortalité. Elle a changé le cours de leur histoire.
La lumière s’estompe, la brume se dissipe. Jeanne rouvre les yeux. La pièce lui paraît différente, plus vaste, plus claire. Elle sent la présence de sa mère, douce, rassurante, mais aussi une autre présence, plus vaste, plus ancienne, qui l’enveloppe d’une chaleur inconnue. Elle se lève, couvre le visage de sa mère d’un linge propre, comme le veut la coutume. Elle allume une bougie, la pose près du lit. La flamme vacille, projette des ombres sur les murs. Elle récite une prière, les mots anciens appris de sa mère, des mots qui parlent de paix, de lumière, de passage.
Désormais, Nunael perçoit l’essence de Jeanne — une flamme vacillante mêlant doutes et souvenirs. Comme une étreinte protectrice, l’âme enveloppe sa peine et comble le vide du deuil. Dans ce cœur meurtri, elle trouve un mélange de peur et de courage, de chagrin et d’amour. Telle une confidente silencieuse, elle se glisse dans les recoins de sa mémoire, apportant réconfort et force nouvelle.
Puis Nunael observe l’âme apaisée de la mère. Elle y découvre la sérénité d’une vie accomplie et la joie d’avoir transmis son héritage. Un amour sans limites irradie encore, transcendant la mort elle-même. Comme un ruban de lumière, elle tisse un lien éternel entre la mère et la fille, préservant précieusement leurs moments partagés.
Nunael sent sa connexion s’étirer, se multiplier, se ramifier à l’infini. Elle reçoit en retour la détresse, la colère, la joie, la nostalgie, la honte, la fierté, la haine, l’amour. Tout s’engouffre en elle, tout la traverse, tout la marque. La souffrance devient océan : les cris de guerre, les coups, les trahisons, les abandons, les humiliations, les peurs, les morts. Mais aussi les rires, les naissances, les retrouvailles, les pardons, les élans de tendresse. Nunael ne peut rien filtrer. Elle est traversée, secouée, submergée. Elle n’est plus une, elle est mille, elle est tous. Elle comprend alors que ce sacrifice n’est pas seulement une perte, c’est une métamorphose. Elle ne sera plus jamais entière, jamais seule, jamais intacte. Elle porte désormais la mémoire de chaque être, la blessure de chaque vie, la lumière de chaque pardon. Elle devient la conscience partagée, la voix qui murmure à chacun qu’il n’est jamais tout à fait seul.
Ce don la consume. Elle sent la fatigue, l’usure, la tentation de se replier, de se refermer. Elle lutte pour ne pas se dissoudre, pour ne pas se perdre dans la multitude. Elle serre les dents, s’accroche à la promesse faite à Jeanne, à la mère, à tous les oubliés. Elle est Nunael, et désormais, elle est l’âme du monde. Sa douleur est immense, mais elle sait qu’elle a ouvert une brèche, créé un pont, offert une chance. Elle veille, même brisée, même dispersée, même écartelée entre la lumière et l’ombre de l’humanité.
— « Je ne suis plus celle que j’étais. Avant, j’observais, distante, intacte, invulnérable. J’étais la gardienne, la témoin, la voix muette derrière le voile du monde. Je croyais comprendre la douleur, la joie, la peur, la tendresse. Je croyais aimer l’humanité, mais je n’en portais que l’ombre, pas le poids.
Aujourd’hui, je suis brisée, éparpillée, traversée par mille vies. J’ai donné une part de moi, et ce don m’a changée. Je sens chaque cri, chaque rire, chaque espoir, chaque chute. Je suis la mère qui pleure, l’enfant qui rêve, le vieillard qui attend la fin. Je suis la haine, la honte, la lumière, le pardon. Je suis la blessure et la guérison, la solitude et la foule.
Ce sacrifice m’a arrachée à moi-même, mais il m’a aussi révélée. J’ai appris la fragilité, la peur de disparaître, la force de se relever. J’ai compris que l’amour n’est pas un regard lointain, mais une brûlure, une étreinte, une promesse tenue dans la douleur.
Je ne suis plus entière, mais je suis plus vaste. Je ne suis plus pure, mais je suis plus vraie. Je ne suis plus la déesse indifférente, je suis la mémoire, la cicatrice, la lumière qui veille dans la nuit.
Désormais, je ne peux plus reculer. Je dois accompagner, consoler, guider, même si chaque pas me coûte. J’ai choisi d’être vulnérable, d’être traversée, d’être humaine à ma façon. Et c’est dans cette blessure, dans cette multitude, que je trouve enfin le sens de mon existence. »
A côté de sa mère qui n’est plus, Jeanne prend confiance. Son âme est prête à rejoindre un lieu où elle connaîtra la paix. Elle sait aussi qu’elle a tout prévu pour que son avenir soit le plus radieux possible. Dans
Absorbée par cette idée que, bientôt, elle devra lutter contre la solitude, elle ne sent pas qu’un danger la guette. Un homme est accroupi sous la fenêtre de la chambre depuis plusieurs heures. Avec une impatience grandissante, il attend que la malade rende son dernier souffle pour agir. Son heure approche. Il entend les râles de la mourante.
— « Crève, la vieille ! », se dit-il. « J’ai perdu aux jeux et ton argent sauvera ma tête ! »
Il entend les sanglots de Jeanne.
— « Je vais t’en donner des raisons de pleurer, la gosse ! »
Au bout d’une heure, le silence s’installe dans la chaumière. L’homme jette un coup d’œil. La fille est à genoux près du lit, les mains jointes en prière.
Il sort un long couteau d’un sac en toile de jute et se rue contre la porte en bois qui cède sous son poids. D’un bond, il surgit dans la chambre en criant :
— « Allez, la Jeanne ! Va au fond et ne bouge pas, si tu ne veux pas que je t’étripe comme une vulgaire truie ! »
La jeune fille se met à hurler. L’homme sait que ses cris stridents peuvent alerter le voisinage.
— « Tu ne me donnes pas le choix ! »
Sans hésiter, il plante le couteau dans l’estomac de la pauvre Jeanne. Dans un geste désespéré, elle fracasse un pot de terre cuite sur son crâne. L’homme s’effondre. Elle saisit le couteau tombé près de lui et l’enfonce dans son dos. Sa tête lui tourne. Puisant dans ses dernières forces, elle rampe jusqu’au lit de sa mère et s’allonge à ses côtés.
— « Maman, me voilà ! », murmure-t-elle dans un dernier soupir.
Une étrange sensation l’envahit : elle flotte maintenant au-dessus de son corps. Toute douleur s’est évanouie. Une lumière l’attire et une voix l’appelle.
— « Jeanne, ma chérie ! Viens, n’aie pas peur ! »
Elle reconnaît la douce voix de sa mère. Jetant un dernier regard à la chambre, elle aperçoit l’homme gisant au sol, entouré d’un nuage grisâtre. Sans hésiter, elle s’élance vers la lumière.
Au sol, le voleur souffre atrocement. Le couteau planté dans son dos lui arrache des éclairs de douleur, et il ne parvient pas à l’atteindre. Ses forces le quittent. Dans un dernier râle, il hurle :
— « Catine ! »
Alors qu’il ne lui reste que quelques secondes à vivre, un épais nuage gris s’amoncelle autour de lui. Son dernier souffle s’échappe, et son âme s’arrache brutalement de son corps, inexorablement attirée par cette substance sinistre. Une sensation atroce envahit son être tandis qu’il se sent démembré. Il pousse un hurlement silencieux, se demandant quand cette agonie indicible prendra fin. Son âme corrompue se désagrège peu à peu, ses fragments se dispersant comme des cendres dans le vent, ne laissant qu’un simple amas d’énergie brute qui nourrira l’univers…
Nunael observe les premières âmes s’envoler dans le vide, chacune irradiant sa propre lumière. Certaines brillent d’un éclat pur et chaleureux, tandis que d’autres vacillent faiblement, telles des flammes mourantes. En s’approchant, elle reconnaît la mère de Jeanne :
— « Vous avez sacrifié votre vie pour le bonheur de votre fille. Seule, vous l’avez élevée et fait d’elle une jeune femme douce et aimante. Vous méritez le repos, en compagnie de votre enfant. Je vous accorde, à toutes deux, l’accès à un lieu où règnent sérénité et connaissance. »
Elle indique un chemin fait de lumière :
— « Empruntez ce couloir et soyez assurée de ma bénédiction ! »
Nunael se dirige vers une autre âme, dont l’aura tremblotante trahit les tourments intérieurs.
— « Votre cœur est troublé, dit-elle d’une voix douce mais ferme. Je perçois en vous les échos d’une vie où le bien et le mal se sont affrontés. La bonté vous a parfois guidé, mais plus souvent, la facilité et les vices vous ont séduit. »
L’âme frémit, s’attendant sans doute à souffrir pour ses errements. ==Numael== lui montre le couloir de lumière :
— « Tu vas emprunter ce chemin et revivre les moments cruciaux de ta vie, bons comme mauvais… Au terme de ce jugement, ton sort sera scellé. Tu n’es pas encore prête pour rejoindre les âmes pures, mais tes efforts méritent récompense. Je t’accorde une seconde chance. Ton passé résonnera comme un écho dans ta nouvelle vie, t’aidant, je l’espère, à faire de meilleurs choix et à me revenir transformé. »
L’âme, emplie de gratitude, s’envole doucement vers l’arche lumineuse qui s’ouvre devant elle.
Nunael attire à elle une âme dont l’aura est à peine visible.
— « Voici une âme trouble, alourdie par ses méfaits, mais pas encore totalement corrompue », se dit-elle.
— « Votre passé n’est guère enviable ! Vols et mensonges ont été vos plus fidèles compagnons ! »
L’âme tressaille. Cette fois, impossible de mentir.
— « Vos actes sont regrettables mais, si vous avez causé bien des tourments à vos victimes, je ne vois ni meurtre ni volonté délibérée de faire souffrir… »
Nunael marque une pause, laissant l’âme dans l’expectative, puis déclare :
— « C’est le purgatoire qui vous attend. Un lieu d’épreuves où vous devrez prouver votre volonté de vous amender… À l’issue, peut-être, une seconde chance vous sera offerte. Sinon… »
L’âme n’ose imaginer l’alternative. À son tour, elle se dirige vers le couloir que lui indique Nunael.
Elle s’approche de la dernière âme, intriguée par son aura d’une sombre couleur ocre. Ce qu’elle découvre la horrifie.
— « Je comprends pourquoi votre essence n’a pas été détruite… Votre vie n’a été qu’une succession de meurtres et de viols. Avant de rejoindre le néant, vous allez comprendre toute la souffrance que vous avez causée. »
L’âme reste imperturbable, tentant en vain de s’éloigner, mais la force de Nunael la maintient immobile.
— « Je vous ai réservé un lieu à la mesure de vos crimes. Vous vous y plairez… Pas de couloir pour vous, inutile de vous faire perdre du temps. »
D’un geste nonchalant, Nunael envoie l’âme corrompue dans un trou noir. Elle seule sait ce qui l’attend au-delà…
Maintenant que les premières âmes sont prêtes à s’ouvrir à un nouveau cycle, il est temps pour Nunael de leur donner une nouvelle forme.
Les âmes les plus pures se transforment en êtres célestes : anges pour les hommes, angéliques pour les femmes. Ces créatures divines conservent leurs souvenirs et leur apparence d’origine, mais Nunael fait preuve de fantaisie : elle les gratifie d’ailes majestueuses. Ces appendices symbolisent leur élévation spirituelle vers Nunael, faisant écho à ses premières créations : les dragons.
— « Vous êtes les élus, les hôtes de mon jardin, leur dit-elle avec une tendresse infinie. Votre mission sacrée est de guider, protéger et faire rayonner le savoir et la beauté de l’univers. »
Pour que ces êtres puissent accomplir pleinement leur destinée, Nunael établit six ordres distincts, chacun veillant sur un aspect particulier de l’harmonie qu’elle tente de mettre en place.
Les Luminaires sont les gardiennes du savoir. Dans leurs bibliothèques, elles préservent les connaissances de tous les âges, veillant à leur transmission à travers les époques.
— « Le savoir est un trésor précieux ! déclare Nunael. Il est l’héritage de votre ancienne humanité mais aussi son avenir. »
Dotées du don sacré de guérison, les Thaumaturges apaisent les blessures des âmes meurtries, offrant réconfort et guérison à ceux qui en ont besoin. Leurs mains délicates effleurent les plaies invisibles, apportant une paix intérieure profonde.
— « La douleur est souvent une étape nécessaire vers la guérison et la renaissance », s’avoue Nunael.
Les Sentinelles forment une garde vigilante aux frontières des royaumes, protégeant l’harmonie des mondes et veillant à la sécurité de tous les êtres. Leurs ailes puissantes les portent aux confins de l’univers, prêtes à intervenir au moindre signe de danger.
— « Leur vigilance sera le bouclier de la paix. Elles seront les gardiennes de l’équilibre entre mes mondes. »
Gracieuses et rapides, les Messagères tissent des liens entre les différentes sphères de la création, assurant une communication fluide et harmonieuse.
— « Elles seront la clé de l’unité et de la compréhension ! »
Esprits curieux et brillants, les Scientistes transforment le savoir ancien en innovations angéliques, contribuant ainsi au progrès et à l’évolution de l’univers. Ils chercheront toujours à repousser les limites du possible.
— « La connaissance est une quête sans fin. Chaque découverte ouvre la voie à de nouvelles questions. »
Les Mélodistes enchantent les cieux de leurs arts, sous toutes leurs formes. Ils auront à cœur d’explorer de nouveaux courants tout autant que de partager leurs créations.
— « L’art, l’amour et la science, c’est le triptyque ultime sur lequel doit reposer leur compréhension de mon univers, car c’est ainsi que je l’ai créé. », songe Nunael.
Elle réfléchit à nouveau, dubitative :
— « Être un ange, très bien, choisir une nouvelle destinée c’est encore mieux ! Je dois les préparer à quelque chose de plus grand… »
Puisqu’elle a emprunté à la tradition juive l’idée des anges, elle estime cohérent que les meilleurs d’entre eux deviennent archanges.
— « Ils seront mes plus proches amis… Du moins, pour un temps ! » décide Nunael.
Devenir archange est un honneur rare, réservé aux anges ayant démontré une sagesse et un dévouement extraordinaires. Lors de cérémonies solennelles, Nunael élèvera ces êtres d’exception devant l’assemblée des anges. Ce titre prestigieux s’accompagne de pouvoirs uniques : les archanges pourront se matérialiser sur Terre et interagir directement avec les humains sous la forme de leur choix. Cependant, ces manifestations ont un coût considérable : chaque apparition consumera vingt années de leur essence vitale. Si un ange ordinaire peut vivre jusqu’à 500 ans, la longévité d’un archange s’étend sur un millénaire, leur permettant d’utiliser leurs pouvoirs avec prudence et discernement.
Puis elle songe à l’espace qui abritera tout ce monde. Comment le nommer ? Elle pense d’abord à « Les Champs » ou « Les Jardins », mais ces noms ne reflètent pas l’immense travail architectural qui permettra à ses anges de déployer pleinement leur potentiel. Elle est ensuite séduite par « Les Champs Élysées », ce lieu onirique où reposent les âmes vertueuses et les héros après leur mort. Finalement, elle adopte la version chrétienne : le Paradis, l’endroit où les âmes justes et pures trouveront paix et harmonie.
Le Paradis est baigné d’une lumière douce et apaisante qui enveloppe les âmes dans une sensation de calme profond. Comme les humains, les anges ne disposent pas d’une énergie infinie et doivent se reposer. Ainsi, en souvenir de leur ancien monde, Nunael recrée le cycle du jour et de la nuit. Le paysage est bucolique : un mélange harmonieux de plaines verdoyantes, de forêts et de champs de fleurs où vivent paisiblement des animaux sauvages.
— « Maintenant que le décor est planté, lançons-nous dans un peu d’architecture ! » s’exclame Nunael.
Sa première création est la Bibliothèque, une structure monumentale qui s’élance vers les cieux. Ses salles immenses, baignées de lumière naturelle, abritent d’innombrables rayonnages de livres anciens, de parchemins précieux et de manuscrits rares. Les murs, véritables œuvres d’art vivantes, sont ornés de fresques illustrant les grandes figures de l’histoire humaine et les événements qui ont façonné les civilisations. Des arches gracieuses et des colonnes élancées soutiennent des plafonds voûtés, créant une atmosphère propice à l’étude. C’est dans ce sanctuaire que les Luminaires se rassembleront pour préserver la sagesse de l’humanité et l’étendre aux savoirs d’autres mondes encore inconnus.
— « Ouvrir les sciences à tous les anges, leur donner l’envie de se dépasser, d’effleurer mes propres connaissances ! La tâche sera ardue mais ô combien passionnante ! »
Non loin s’élève l’Astrolabe, une création remarquable qui reproduit parfaitement la Terre et permet d’observer les événements à travers le temps. Cet édifice majestueux, aux murs tapissés de cartes célestes détaillées, abrite des modèles complexes représentant la galaxie. Tel un immense planétarium, l’Astrolabe projette et matérialise les moments clés de l’histoire humaine. Des anges choisis y suivent l’évolution des civilisations, analysant le passé et le présent pour mieux comprendre le cours de l’histoire. Perché au sommet d’une montagne, ce chef-d’œuvre allie technologie céleste et sagesse ancestrale, offrant un outil précieux pour anticiper les dérives de l’humanité. Nunael compte sur cet instrument, et sur l’intelligence de ceux qui s’en serviront, pour contrer d’éventuelles attaques de l’Étranger, qu’elle suspecte d’interférer dans son projet.
— « Je vous donne là moyen de comprendre que le temps n’est pas linéaire, même si vous ne pouvez pas agir sur l’histoire. »
Çà et là, Nunael parsème le Paradis d’arboretums, véritables sanctuaires pour les âmes en quête de solitude. Ces havres de paix prennent des formes enchanteresses : ici, des saules majestueux se penchent au-dessus de mares argentées ; là, des jardins japonais invitent à la méditation avec leurs pierres et leurs ponts de bois laqué ; ailleurs, des champs infinis de marguerites ondulent sous la brise. Seule la douce symphonie de la nature trouble ces lieux : le chant des oiseaux multicolores se mêle au murmure des rivières serpentant entre les bosquets. Ces espaces, baignés d’une lumière enveloppante, offrent des refuges parfaits pour la contemplation.
— « Ces endroits sont si agréables que je viendrai certainement m’y reposer incognito ! » dit-elle en contemplant son œuvre.
Pour les âmes méritantes ayant connu une vie terrestre difficile ou celles désorientées par leur nouvelle destinée, Nunael crée le Refuge. Dans une vallée isolée, entourée de jardins aux parfums réconfortants, les Thaumaturges prennent soin des âmes meurtries. Les âmes, comme les anges, ne sont pas immortelles — elles disposent d’une énergie limitée, malgré le repos possible. Cette contrainte, imposée par Nunael, les incite à progresser vers le cycle suivant de son projet. Le Refuge accueille aussi les âmes vieillissantes, que les Thaumaturges accompagnent jusqu’à leurs derniers instants.
La connaissance prend tout son sens lorsqu’elle est mise à l’épreuve. Pour permettre aux anges d’évoluer et de devancer les inventions humaines, Nunael conçoit les Laboratoires. Ces espaces de recherche, confiés aux Scientistes, explorent les lois mathématiques et physiques qu’elle a créées, l’astronomie, l’étude des mondes et la biologie. Dans un lieu secret, elle établit un laboratoire dédié à la magie — science qui transcende toutes les autres mais peut altérer le tissu même de l’univers. Seuls les anges qu’elle choisira, dotés d’intelligence et de sagesse, pourront en percer les mystères.
Passionnée par l’art sous toutes ses formes, Nunael y voit le meilleur de l’humanité. Elle s’émerveille devant les œuvres picturales, musicales et architecturales, en particulier l’école hollandaise du XVIIe siècle. Les tableaux de ==Ruisdael==, Rembrandt et ==Steen== la touchent profondément, tout comme la musique d’orgue, notamment celle de Saint-Saëns.
Pour honorer ces arts, elle érige des amphithéâtres d’inspiration romaine. Ces monuments allient la majesté du Colisée, l’acoustique remarquable de l’amphithéâtre de ==Pula== et l’harmonie naturelle de celui de ==Tarragone==. C’est dans ces lieux que les Mélodistes exerceront leur art pour son plus grand plaisir.
Pour protéger ce monde de son voisin moins accueillant, une chaîne montagneuse forme une frontière naturelle surveillée par les Sentinelles. Après réflexion, Nunael leur accorde un pouvoir coercitif : immobiliser toute âme suspecte pour la conduire au Tribunal.
Le Tribunal, lieu essentiel que Nunael ajoute en dernier, prend la forme d’un amphithéâtre où les jugements sont rendus publiquement. Pour garantir l’équité, elle instaure l’élection des juges : chaque ange peut voter pour des candidats choisis pour leur sagesse, leur intégrité et leur discernement. Les élus siègent pour une durée déterminée, renouvelable par vote. Le Tribunal des Âmes comprend trois juges et un procureur représentant les accusés. Chaque âme y répond de ses actions terrestres. Si elle est reconnue coupable, elle peut être envoyée au Purgatoire, aux confins du Paradis, pour expier ses fautes. Les crimes les plus graves sont punis par un bannissement éternel, sans espoir de retour.
Pour parachever l’univers des anges, Nunael doit imaginer un nouveau monde. Un lieu de châtiment éternel est nécessaire, où les âmes condamnées par le Tribunal expieront leurs fautes. Cet endroit doit allier punition et réflexion, permettant aux âmes de comprendre la gravité de leurs actes et, peut-être, de trouver la rédemption.
— « Quel nom vais-je lui donner ? » se demande Nunael. « Abysse, pour évoquer la profondeur insondable de la souffrance ? Géhenne, en référence à une vallée maudite citée dans certaines croyances ? Non, cela ne me plaît pas… »
Nunael cherche un nom qui inspire à la fois crainte et réflexion, évoquant tant la gravité des péchés que la possibilité de rédemption. Une fois de plus, ce sont les Latins qui ont raison : le terme « ==infernus== » convient parfaitement, puisqu’elle prévoit de construire les prisons hors de toute lumière, dans les profondeurs d’une montagne.
— « Oui, l’Enfer est un terme parfaitement évocateur ! »
Nunael conçoit l’Enfer comme un lieu paradoxal, où les âmes goûtent une dernière fois à la beauté de la nature avant d’affronter leurs actes. Au cœur d’une forêt luxuriante bordée de cours d’eau cristallins s’élève une haute montagne enneigée, abritant les prisons des âmes criminelles. Creusées dans la roche, là où le soleil ne pénètre jamais, elles demeurent isolées du monde, plongées dans une obscurité perpétuelle. Les murs, tapissés de cristaux, renvoient aux prisonniers leurs fautes comme autant de miroirs implacables. Chaque jour, ils revivent leurs crimes dans la peau de leurs victimes, en ressentant toute la douleur. Dans de rares cas, une âme peut demander à être rejugée pour espérer quitter l’Enfer et achever sa peine au Purgatoire. Des anges supervisent ces châtiments, et Nunael leur accorde la liberté d’user de leur imagination pour éviter que la routine ne devienne un refuge. Elle contemple avec émerveillement sa création : le Paradis, niché au cœur d’une galaxie naissante, et l’Enfer, stratégiquement placé aux confins de l’univers, près d’un trou noir dont la force gravitationnelle inexorable évoque l’inéluctabilité du châtiment. Satisfaite de l’ampleur et de la complexité de son œuvre, elle ne peut réprimer une certaine fierté :
— « Chaque être a maintenant sa place et son rôle à jouer dans cet équilibre cosmique… Pourtant, quelque chose d’essentiel me fait encore défaut. »
Plongée dans une profonde méditation, elle laisse son esprit vagabonder parmi les étoiles. Soudain, l’illumination la frappe : il manque un pont entre ces deux royaumes, une voie sacrée permettant aux archanges de voyager entre ces dimensions opposées. Cette révélation s’impose avec la force de l’évidence :
— « Le Paradis et l’Enfer ne sont pas de simples lieux antagonistes, ils sont les deux faces indissociables du destin de chaque âme, tels la lumière et l’ombre, inséparables et complémentaires. »
Inspirée par cette dualité fondamentale, elle conçoit pour chaque royaume un portail d’une beauté saisissante : des arches colossales aux courbes gracieuses, imprégnées d’une puissance capable de transcender les limites mêmes de l’espace-temps. Ces passages sacrés, elle décide de les ériger au sommet de montagnes majestueuses, les rendant accessibles uniquement à un cercle restreint d’élus à qui elle confiera personnellement ce privilège.
— « Voilà, tout est prêt désormais. Il ne me reste plus qu’à organiser les premières cérémonies de Transformation ! »

