Chapitre 12 - Chants et Révélations
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Chapitre 12 - Chants et Révélations
Hildegarde est maintenant cloîtrée dans le monastère bénédictin depuis cinq longues années. Les murs de pierre qui l’entourent semblent de plus en plus étroits à mesure que les souvenirs de sa famille s’effacent peu à peu, telles des feuilles mortes emportées par le vent. Les visages de ses parents, autrefois si clairs dans son esprit, se brouillent lentement, comme des images floues dans un vieux livre.
Alors que le jour peine à se lever, Hildegarde est brusquement réveillée par le son de la cloche annonçant l’heure des Vigiles, la première prière de la journée. L’esprit encore embué par les rêves nocturnes, elle se lève péniblement de son lit et s’habille rapidement. Elle prend à peine le temps de se rafraîchir et de se coiffer. Après un repas frugal fait de pain noir, de lait et de quelques fruits, elle rejoint les sœurs dans le chœur de l’église, où elles récitent des psaumes et lisent des passages sacrés de la Bible. Son chant résonne dans l’église, emplissant l’espace de sa mélodie envoûtante. Les sœurs sont captivées par la beauté de sa voix, qui semble venir d’un autre monde. Hildegarde, bien que jeune, possède une maîtrise et une puissance vocale qui dépassent de loin celles de ses compagnes. Les regards admiratifs se posent sur elle, les murmures d’étonnement se font entendre. Comment une jeune fille peut-elle posséder un tel don ?
Hildegarde, quant à elle, ne se rend pas compte de l’effet qu’elle produit sur les autres. Elle chante avec une telle intensité, une telle ferveur, que chaque note semble être une prière, une offrande à Dieu.
Après les Vigiles, elle se réfugie dans sa cellule afin de trouver un peu d’intimité et de calme. Elle profite de ce moment pour s’adresser à Nunael. Elle lui confie ses peines et ses joies, ses doutes et ses interrogations. En retour, Nunael lui transmet quelques connaissances sur les plantes, qu’elle consigne sur un manuscrit. Par la suite, elle se joint aux autres moniales pour les Laudes, la seconde prière du matin. En chantant, elle s’efforce de se concentrer sur le sens des textes. Elle apprécie particulièrement les hymnes et les cantiques, qui expriment la louange et la gratitude envers Dieu. Elle se sent ainsi plus proche de lui.
— Les chants et la musique sont les plus beaux hommages que l’on puisse faire au Créateur, a-t-elle une fois confié à la Révérende Mère.
Elle trouve cependant que les textes manquent de profondeur et ne font pas honneur à la nature, aux femmes comme elles, qui ont voué leur vie à Dieu. Elle décide donc de composer ses propres hymnes et cantiques. Elle y exprime sa gratitude envers Dieu pour la beauté de la création et pour la force et la sagesse des femmes qui ont choisi de se consacrer à lui. Elle consacre de longues heures à l’écriture de ces chants, cherchant les mots justes pour exprimer sa foi profonde et sa relation intime avec le divin. Elle puise son inspiration dans la nature qui l’entoure, observant les plantes et les fleurs qui poussent dans le jardin du monastère, écoutant le chant des oiseaux et le murmure du vent.
Le soleil est enfin haut dans le ciel. Les corvées s’enchaînent. Elle doit aider à la cuisine, au jardin, à la buanderie, à la couture. Heureusement, La Mère Supérieure accorde un peu de temps à la lecture, car elle tient à ce que les sœurs soient des femmes cultivées et au fait de leur siècle. Elle parcourt ainsi les œuvres des Pères de l’Église tels que saint Ambroise, saint Jérôme ou encore Saint-Grégoire le Grand. Mais sa préférence va à Saint-Augustin. Sa vision de la liberté, de l’amour et de la foi résonnent avec ses propres sentiments.
“Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose pas en toi.” (Confessions, I, 1) Dans le secret de sa couche, la nuit, ses échanges avec Dieu se terminent inexorablement avec cet extrait qu’elle apprécie particulièrement.