Jeanne et le garçon formidable (Olivier Ducastel et Jacques Martineau, 1998)
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Jeanne et le garçon formidable (Olivier Ducastel et Jacques Martineau, 1998)
"Jeanne et le garçon formidable" est un alliage réussi entre l'héritage de la comédie musicale de Jacques Demy et l'actualité de l'époque, plus précisément l'épopée activiste d'Act Up telle qu'elle est racontée dans "120 battements par minute" de Robin Campillo. Jacques Martineau et Olivier Ducastel militaient chez Act Up et le deuxième avait été également assistant-monteur sur le dernier film de Jacques Demy "Trois places pour le 26". Leur premier long-métrage lui rend donc hommage de plusieurs manières tout en donnant aux chansons un caractère engagé Act Up. Mathieu Demy, fils de Jacques Demy et d'Agnès Varda interprète le rôle principal. Afin qu'il n'endosse pas le rôle de son père (homosexuel et mort du sida ce qui était tenu secret à l'époque mais était connu des protagonistes du film devant et derrière la caméra), il devient hétérosexuel et toxicomane dans le film, celui-ci pour citer Libération "consistant à goupiller le patois d'un genre (homo) dans le dialecte d'un autre (hétéro)" avec dans le rôle de la butineuse polyamoureuse, Virginie Ledoyen. "Jeanne et le garçon formidable" est par ailleurs une comédie musicale, genre tombé en désuétude dont les codes sont extrêmement proches de celles de Jacques Demy. On retrouve les personnages qui se ratent, qui dansent à l'arrière-plan ainsi que le prosaïsme et la légèreté de façade ("S'il te plait, donne-moi une tranche/ Attends je vais te la, je vais te la beurrer/ Je te mets de la confiture/ Ou bien du miel si tu préfères/ Je crois que j'aime autant nature/Passe-moi le sucre, c'est trop amer." etc.) derrière lesquels se dissimule un contexte social grave. Celui des malades du sida mais également celui de l'exclusion des homosexuels de la juridiction touchant la vie de couple (la chanson de François à propos de la mort de son compagnon rappelle qu'avant l'adoption du PACS en 1999 les conjoints n'avaient aucun droit et se retrouvaient parfois dans des situations dramatiques) et enfin les difficultés pour les immigrés et leurs enfants à accéder à la nationalité française, allusion aux lois Pasqua (une des bêtes noires des réalisateurs avec Edith Cresson pour leur rôle contre-productif dans la gestion de l'épidémie de sida). "Jeanne et le garçon formidable" est donc paradoxalement un film engagé sur la peur de l'engagement, le seul garçon pour lequel Jeanne est prête à s'impliquer étant justement celui qui se dérobe avant de disparaître définitivement. C'est aussi un film sur le consumérisme. Outre la chanson interprétée par Valérie Bonneton et Denis Podalydès (tous les acteurs chantent eux-mêmes sauf Virginie Ledoyen qui est doublée par Elise Caron) célébrant les joies du confort domestique de l'American way of life dont on ne sait si c'est du premier ou du second degré, le personnage de Jeanne est une croqueuse d'hommes qui en change comme de chemise et est toujours pressée avec un emploi du temps de ministre puisqu'elle mène de front plusieurs relations à la fois. Le marivaudage amoureux est un thème qui colle à la peau du cinéma de la nouvelle vague, on pense parfois à Eric Rohmer et surtout à Jeanne Moreau et son "tourbillon de la vie" dans "Jules et Jim" de François Truffaut.