Très chers lecteurs,

(A chaque fois que j’écris ces quelques mots, je me prends pour Lady Whistledown dans les Chroniques de Bridgerton, et j’adore !)

Aujourd’hui, c’est la Saint-Valentin, comme vous le savez sans doute, à moins de vivre dans une grotte ou sur une île déserte. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça ne laisse pas grand monde indifférent. Soit on est “pour” sans oser l’avouer véritablement, soit on est "contre" de manière ostentatoire...

Moi, ça dépend des années, je dois bien l’avouer, et c’est lié à mon état émotionnel du moment, forcément.

Mais en réalité, en tant que fille, et mes propos n’engagent que moi, j’ai beau seriner sur tous les tons que c’est une date parmi d'autres, on est quand même touchées par les petites attentions. Ce jour-là, un peu plus que les autres, ce serait mentir que de ne pas le reconnaître, parce qu’il y a conditionnement.

Avec mes yeux d’adulte, je reconnais aisément que c’est une fête terriblement commerciale, sans doute un peu kitsch. Ce jour où on achète une rose vite fait pour calmer bobonne de la malmener le reste de l’année, bref, on y voit ce qu'il y a de plus joli, comme ce qu’il y a de plus cynique ou triste. C’est le jour où les fleuristes sont dévalisés, où les chocolatiers renflouent les caisses mises à mal par l’austère mois de janvier, où le décor urbain se pare de rose, de rouge et de cœurs en papier. Ça dégouline d’amour au propre comme au figuré, mais je crois que l’on a perdu le sens que l’on y mettait avant. Avant d’être grand, d’avoir une carte bleue et d’être tellement dévoré par le temps que l’on oublie souvent le plus important.

De la Saint-Valentin, dont je crois avoir griffonné de nombreuses nuances sur la toile bariolée de mes amours polychromes, celles que je choisirais probablement de garder d’ordinaire seraient le rose poudré : celui de l’enfance et de l’âge où l’on joue à faire comme les grands, celui où on aime en grand.

Le rouge pour la teinte pivoine des joues de mon amoureux d’école qui, bafouillant de timidité, me tendait dans la cour un joli cœur vert parfumé.

Et puis, tout à l’heure, prise dans le tourbillon de ma journée, j’ai tourné au coin d’un magasin pour m’y engouffrer et suis tombée nez à nez avec un ado qui devait, à vue de nez, avoir 12 ou 13 ans peut-être...

Il était planté dans l’entrée, tenant fermement face à lui un bouquet de roses jaunes emballé dans du papier cristal. Du soleil en pétales au cœur de la grisaille bretonnante dans les bras empotés d’un ado comme il y en a plein, mais il semblait émaner de lui une forme de fragilité et de vulnérabilité gauche que je n'aurais sans doute pas vue le reste de l’année, puisque je ne l’aurais jamais regardé. Il était avec des copines qui se moquaient gentiment de lui et lui dispensaient des conseils qui me faisaient froncer du nez.

J’avais envie de rire mais intervenir aurait été déplacé. Si j’avais été sa mère ou sa grande sœur, je lui aurais dit de les mettre tête en bas, ou que le jaune n’est peut-être pas approprié, qu’il y a maintenant du pesticide sur ces fichues roses, comme un cadeau empoisonné, mais qui se soucie du langage des fleurs quand on apprend celui du cœur.

Je ne suis qu’une inconnue, beaucoup plus âgée.

Mais il m’a fait penser à Flo, mon amoureux de CM2, la même mine embarrassée d’un sensible amoureux empêtré dans sa timidité, le même sourire contenu qui flottait sur le côté tout gêné d’exister.

Je me suis dit, toute attendrie, que définitivement ma journée serait jaune comme le bouquet de promesses de ce petit cœur croisé au coin d’une morne rue et que la Saint-Valentin, à mes yeux, se résume à ce sourire-là que je lui souhaite de savoir préserver...

Xoxo,

Juliette

Image réalisée avec Seelab et retravaillée avec Canva - certifiée sans addiction, mais il faut savoir vivre avec son temps, mes braves gens...