Oxygène
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Oxygène
Sur la planète Oreste, au cours de l’hiver…
Les bottes en peau laissaient des traces dans la neige, elle était trop molle, Alba s’enfonçait à chaque foulée. Le chien la suivait lentement.
La nuit était déjà tombée. Les montagnes ne se distinguaient plus dans la brume du soir. Les joues rouges, Alba poussa enfin la porte du chalet, ils étaient rentrés !
La journée avait été pénible, Alba tira la perdrix de sa besace. La chasse était maigre, mais elle avait ramené quelque chose. A croire que les animaux se cachaient sur son passage.
Sa mère, Ainara la félicita, voilà qui participerai à la confection de sa prochaine terrine, les aromates et la perdrix lui donneront un goût exquis.
Alba était épuisée par sa marche du jour, le dénivelé avait été important malgré son entrainement. La vie était rude dans cette montagne et surtout en hiver. Elle comprenait parfaitement la migration des oiseaux, elle aurait voulu être un oiseau et rejoindre des contrées chaudes. Elle accrocha sa carabine et sa lourde veste à la patère de l’entrée.
L’hiver durait encore, il sévirait encore plusieurs semaines, elle espérait tant revoir le printemps et la douceur du soleil d’été. Elle était surtout pressée de pouvoir enfin marcher sur la terre ferme et non plus sur cette neige et cette glace qui s’accumulaient depuis des mois.
La soupe bien chaude l’attendait sur la table, le bol fumant allait la réchauffer. Après avoir posé le reste de ses affaires, elle se laissa tomber sur le rockingchair, elle avait besoin d’une pause.
Snow s’était ébroué et mangeait déjà dans sa gamelle avec appétit.
Son corps semblait petit dans la chaise à bascule, ses cheveux noirs tombaient, ébouriffés, sur ses yeux gris. Ses paupières étaient lourdes, elle avait envie de dormir, la fatigue et la chaleur de la pièce ajoutait à la langueur qui l’envahissait, sa mère lui toucha la jambe doucement :
- « Mange un peu »
Alba se leva péniblement jusqu’au banc, glissa la cuillère entre ses lèvres, la soupe lui apportait l’énergie dont elle manquait. Elle croqua quelques noisettes pour terminer son repas.
Elle monta à l’étage, laissa tomber ses vêtements au sol et enfila sa chemise de nuit. Sa peau claire et douce lui donnait un air fragile. Elle se lava les dents, se brossa les cheveux et se glissa sous son duvet. Quelques minutes plus tard, elle dormait.
Au matin, la lumière filtrait à travers les volets en bois, Alba entendit les bruits dans la cuisine. Elle voulait dormir encore un peu. Elle entrouvrit les yeux, le soleil ?
Le soleil était là ! Enfin de la chaleur pour se réchauffer le cœur et l’esprit ; L’odeur du chocolat chaud montait jusqu’à elle. Voilà une journée qui commençait bien.
*
Wren s’étira en regardant le ciel clair et l’horizon, ses bras étaient longs et musclés. Le paysage était magnifique, il surplombait la vallée. La rivière serpentait dans le fond, les étages de l’altitude se dessinaient en blanc et vert dans le panorama.
Seul sur son sommet, le monde appartenait à Wren et Wren appartenait au monde. Wren était serein, à sa place. Il prit de la neige pour la faire fondre et préparer son petit déjeuner. Ses vivres s’amenuisaient, mais c’est aujourd’hui qu’Alba lui montait des réserves. Voir sa fille lui enchantait le cœur.
Ses observations avançaient bien, il connaissait toutes les espèces de sa région, leur nombre et leur répartition sur le territoire. Cette année, les renards s’étaient reproduit en plus grand nombre, forcément le nombre de lièvres allait chuter au printemps, il ne les prélèverait pas cette année à la chasse.
Sa bouilloire sifflait, encore une quinzaine de jours et il redescendrait à la maison.
*
Alba était prête, son sac à dos chargé, Snow attendait le départ l’air joyeux. Chaque promenade le satisfaisait.
La montée allait être rude, Alba avait prévu trois pauses et des collations pour chacune d’elles facilement accessibles pour ne pas perdre de temps.
Son énergie était décuplée à l’idée de revoir son père, elle serait de retour en fin d’après-midi.
Elle fixa ses skis de randonnées, sa mère l’embrassa en lui souhaitant une belle journée. Elle enfila ses gants. Elle n’était pas inquiète, la météo était au beau fixe.
Alba, d’une foulée souple, commença par longer la rivière à bonne distance de celle-ci puis elle entreprit l’ascension, la côte avait un dénivelé raisonnable, l’effort était mesuré. Elle finit par glisser son bonnet dans sa poche, il lui tenait trop chaud. Ses cheveux étaient maintenant caressés par le vent ce qui lui donnait un sentiment de liberté. Celui-ci était encore frais, cela se voyait à l’air condensé qui formait de la fumée quand elle expirait. Lors de son premier arrêt, sa barre de céréales faite maison fut la bienvenue avec une gorgée d’eau.
Les arbres étaient majestueux, surtout les sapins qui gardaient leurs épines et ne semblaient pas déshabillés comme les feuillus qui semblaient avoir perdu la vie. La neige blanchissait encore ceux des sommets mais, à l’altitude d’Alba, ils avaient déjà retrouvé leur vert foncé. Quelques bruissement d’oiseaux se faisaient entendre, Snow le nez en l’air puis le museau à terre sentait tout, observait tout. Il était un compagnon rassurant. L’odeur de la forêt, un mélange de pins et de mousses, était agréable pour eux.
L’effort était considérable pour Alba, la fatigue de l’ascension, le sac à dos qui semblait avoir augmenté de volume ou était-ce le dénivelé qui s’accentuait pour atteindre le col ? Alba peinait. L’arrivée n’était plus très loin, elle se redressa pour souffler.
- « Bonjour jeune fille ! »
Son père était devant elle, il était venu à sa rencontre pour la soulager du poids du sac sur le dernier kilomètre. Alba sentait son cœur léger, elle était ravie, les bretelles n’allaient plus tirer sur ses épaules.
Ils terminèrent l’ascension ensemble.
Son père était curieux des dernières nouvelles, il devait patienter le temps qu’elle reprenne son souffle pour l’informer.
Ils déjeunèrent dans la cabane chauffée, l’air extérieur était trop frais et poser ses vêtements pour se mettre à l’aise s’avérait être un vrai confort.
Alba riait, ses petites dents blanches se découvraient et rappelait sa jeunesse. Wren était bavard, lui qui avait été seul pendant trois semaines ne s’arrêtait plus de parler.
Vivement qu’il redescende pensait Alba, même pour sa mère ce n’était pas agréable de gérer la maison seule. Elle ne disait rien des séjours dans les montagnes de son mari, elle savait que ses observations étaient utiles pour leur survie, mais la séparation était longue et parfois elle doutait de la nécessité d’autant de semaines d’observations, elle soupçonnait son mari d’apprécier la solitude.
Alba était tranquille maintenant qu’elle avait fait la montée, elle n’avait plus qu’à retirer les peaux qui recouvraient ses skis pour faire une belle et grande descente. Elle maitrisait ses virages et son freinage. Le retour serait facile.
Wren était enchanté des vivres que lui apportait sa fille, en plus, Ainara avait cuisiné pour lui, cela allait lui permettre de varier ses plats, ce serait un ravissement pour ses papilles.
Après le repas, ils s’accordèrent une petite sieste, histoire de recharger leurs batteries. Vingt minutes de repos pour la digestion, c’était parfait !
Puis Wren proposa une séance d’observation à Alba. Celle-ci était ravie, bien que son sens de l’observation fut moins aiguisé que celui de son père. Snow décida de poursuivre la sieste sur sa couverture au coin du feu.
Des chamois, des mouflons, des renards, des cerfs, des lièvres, des gypaètes barbus, des lagopèdes, des accenteurs alpins, des aigles, des tétras lyres… La liste de son père était longue, les espèces nombreuses et diverses. Il était intarissable avec ses connaissances et avait grand plaisir à les transmettre à Alba.
La forêt se portait à merveille, ce qui était capital pour leur survie.
Tout allait pour le mieux.
Il lui parla aussi des espèces nocturnes qu’il avait rencontrées : des chevreuils, des chouettes, des hiboux…
Wren s’inspirait de ses observations pour améliorer leur vie quotidienne, les animaux étaient des sources d’exemples inépuisables. Le renard avec son alimentation variée et son côté opportuniste impressionnait Wren par ses capacités de survie.
La nature était paisible, Alba profitait de l’instant.
Les oiseaux étaient les plus bruyants et les plus faciles à observer pour Alba, Ils tournoyaient, piquaient sur leur proie. Pour les plus grands, ils semblaient inatteignables dans l’immensité du ciel.
Le soleil avait tourné, l’heure de repartir s’annonçait. La séparation était toujours difficile, se quitter pour plusieurs semaines n’était pas naturel. Alba guettait les signes, elle était superstitieuse et craignait l’oiseau de mauvais augure qui pouvait représenter un présage défavorable. L’angoisse sourde de ne pas revoir son père restait présente.
Alba savait que la vie n’était pas toujours aussi paisible, que l’avenir pouvait s’assombrir rapidement. Heureusement, caresser son chien, son fidèle Snow, lui redonnait confiance et balayait son anxiété, elle en avait bien besoin à vivre si souvent isolée.