Saturation

Lorsqu'un groupe d'une cinquantaine de personnes arriva dans l'empire d'Aquarion, des murmures se faisaient entendre autour d'eux. On les regardait de travers, une bonne quarantaine la dernière fois, cinquante maintenant, alors qu'ils avaient perdu un quartier et qu'il avait déjà fallu loger les survivants, tant bien que mal. Ils n'étaient pas les bienvenus, d'autant plus que c'étaient les personnes qui fournissaient l'énergie du quartier effondré.

Magilisk les accueillit un peu froidement lorsqu'il entendit que Bartabas était encore vivant et vit les cinquante nouvelles bouches à nourrir et loger. Lilisk, en revanche, trouvait toute cette nouveauté fascinante et bienheureuse. Elle était visiblement ravie. Les chasseurs marins étaient excédés. La solution de la surface semblait inévitable à moins qu'on ne reconstruise le quartier inondé, mais, sans Tormentisk, c'était délicat et c'était aussi de la faute des humains d'en-haut qu'il n'était plus de ce monde.

Magilisk vit qu'ils étaient heureux, il comprenait leur sentiment. Il aurait été comme eux, à leur place, s'il n'avait pas une cité étroite à gérer.

La meilleure solution était probablement de revenir vivre parmi les humains mais cela était assez stressant. Il fallait tout réinventer et reconstruire à la surface. Les cellules temporelles devraient être désactivées et pourraient leur apporter des ennemis lorsqu'ils comprendraient ce qu'ils y faisaient véritablement. Leur technologie serait convoitée et on enverrait probablement des espions chez eux pour obtenir un maximum d'informations. Commencerait certainement une guerre de puissance, à celui qui aurait le plus d'armes technologiques, le plus rapidement, pour assujettir les autres contrées. Et combien d'autres mauvaises nouvelles et pensées malsaines encore ?

Il était écrasé sous la responsabilité de ses choix à venir. Il pouvait aussi renvoyer tous les protégés de ses émissaires à la surface et installer un ou une des trois amis comme souverain à Mystres. Ou même un couple, ce serait encore mieux. Il faudrait donc que Brissage, Fortevent et Ouragrande dorment accompagnés les nuits prochaines, qu'ils découvrent la sexualité qui semblait leur être pleinement inconnue. Oui, Magilisk se ferait entremetteur pour sauver sa cité.

Il convoqua tous les terriens pour leur expliquer que, n'ayant pas assez de places pour eux, ils seraient tous ramenés à la surface pour s'installer à Mystres et que, de ses émissaires, il leur donnerait un souverain ou une souveraine, ou même un couple, à la tête de leur royaume. Ils comprirent bien la situation et acceptèrent, avec des applaudissements, la solution proposée. Un sentiment de rejet se faisait sentir mais la place manquant réellement ici, il s'estompa aussi vite qu'il était venu. Il avait appuyé exprès sur le couple en regardant ses émissaires qui avaient déjà été étonnés de la proposition de souveraineté mais furent encore plus chamboulés par cette annonce de couple. Avec qui ? Peut-être contre leur gré ? Ils étaient ensemble depuis si longtemps, ils ne se voyaient nullement séparés et, encore moins, avec des compagnes et un compagnon ajoutés ainsi à leur triangle amical, si stable.

Ils furent renvoyés dans leurs chambres respectives et y trouvèrent, en effet, des propositions de célibataires, de la part de Lilisk qui s'était empressée de choisir pour eux, toute excitée de cette mission amoureuse.

Alisk, qui avait suivi le groupe durant leur épopée, n'était pas célibataire et n'était donc pas désigné pour Ouragrande, en revanche, Angelisk avait été placée chez Brissage. Basilisk avait refusé, pourtant disponible. C'était donc des inconnus qui se trouvaient chez Ouragrande et Fortevent.

Brissage était gêné, bien qu'il trouvait Angelisk belle et autonome, tout ce qu'il aimait chez une femme et qui était également présent chez son amie Ouragrande. C'était la première fois qu'il réfléchissait ainsi à son amie et il en fut très perturbé.

Fortevent plaisanta avec la charmante Melifisk toute la soirée et ils rirent sans retenue. Le courant passait très bien entre eux, il découvrait ainsi une affection différente de l'amitié, qu'il avait toujours connu. Ils apprenaient à se connaître, ils tissaient du lien, avec une certaine attirance réciproque. En fait, c'était la meilleure soirée de leur vie. Peu importe ce qui suivrait, ils n'oublieraient certainement jamais ce moment.

Ouragrande, quant à elle, était clairement désirée par le doux Charismatisk, mais elle n'était pas prête du tout pour rencontrer quelqu'un. Elle ne savait pas de quoi lui parler, elle se sentait très mal à l'aise, à vrai dire. Il le sentit très vite et lui demanda si elle préférait qu'il rentre chez lui. Elle fut extrêmement touchée par sa proposition, qu'elle accepta, en lui disant à bientôt et en l'embrassant sur la joue. Il en rougit de plaisir et partit le cœur léger et ravi d'avoir été respectueux envers cette femme si charmante, forte et douce à la fois, vulnérable et fatale, parfaite pour lui.

Le lendemain, Brissage n'avait pas dormi, Ouragrande non plus et Fortevent était plus reposé que jamais, il riait encore avec Melifisk, bras dessus bras dessous, comme les meilleurs amis du monde, ou plutôt comme un couple complice, ensemble depuis des années.

Lilisk et Magilisk en furent très satisfaits et leur dirent qu'ils prendraient leur décision dans trois jours et qu'ils pouvaient partir avec ou sans compagnie, le plus librement du monde durant cette période.

Une fois ce temps écoulé, ils n'étaient plus les mêmes. Ils avaient mûris.

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