Un avenir à écrire
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Un avenir à écrire
11Oct 15
Dernier volet pour tenter de comprendre la situation de l'Afrique telle quelle est aujourd'hui au regard du reste du monde.
Après avoir posé les questions qui me paraissaient les plus pertinentes (article « l'avenir de l’Afrique »), évoqué le poids écrasant de la dette (article « la question de la dette) » et l'ingérence française et américaine post-coloniale (article « le procès d'Hissène Habré et la question de la Françafrique »), il me semble important pour finir de venir questionner les raisons propres à l'Afrique elle-même, sans vouloir pour autant être moraliste.
Il existe en psychologie le concept d'attribution causale que je trouve très intéressant. Il s'agit du fait de rechercher la causalité de ce qui nous arrive soit à l'extérieur de nous, chez les autres, du fait de l'environnement et du contexte ; soit à l'intérieur de nous, en interrogeant nos propres responsabilités. Cela peut être généralisé à des groupes, comme la propension culturelle d'une société à chercher les explications de ce qui lui arrive plutôt à l'extérieur ou à l'intérieur du groupe.
L'Occident fonctionne avant tout selon un principe d'attribution causale interne ; les Occidentaux ont plutôt tendance à s'auto-attribuer la responsabilité de leurs échecs et de leurs succès. Ils ont enterré leur propre Dieu, mais gardent cette culpabilité judéo-chrétienne au fond d'eux. Ils se sentent responsables de tout et du monde entier, pour le meilleur comme pour le pire. C'est la vénération du self-made man à l'américaine et l'explosion de la consommation des antidépresseurs et des suicides pour tous ceux qui n'ont pas réussi, la mission civilisatrice de la colonisation ou l'essor de l'humanitaire, le développement de l'écologie responsable ou du commerce équitable selon le principe du consomm'acteur, leur indignation et leur compassion devant le tsunami, les massacres en Syrie ou le naufrage de milliers d'immigrés sur leurs côtes. Avec cette question récurrente : quelle est notre responsabilité, quel doit être notre rôle à jouer, qu'est ce qu'on peut faire ? Et ce débat permanent, entre la responsabilité d'une politique interventionniste qui viendrait imposer ses vues et le poids de la culpabilité de ne rien faire, d'être un témoin passif et silencieux.
En comparaison, l'Afrique fonctionne plus selon un principe de causalité externe. De l'influence des esprits pour comprendre l'origine des maladies, de la sorcellerie pour expliquer les malheurs qui frappent les individus, de la faute du chef et du gouvernement pour déplorer l'absence de travail et d'infrastructures, de l'esclavagisme et de la colonisation pour expliquer tous les malheurs actuels du continent ; le responsable est bien souvent ailleurs, sans aucune autre forme d'autocritique.
On fait avec ce qui est, on déplore ce qui fait défaut sans rien faire pour y remédier, on s'en remet à Dieu et à la solidarité clanique pour se prémunir des aléas de la vie, mais il est rare que les efforts s'unissent pour tenter de prendre en mains les problèmes, d'améliorer les biens communs, pour tous et de manière durable. Cet état d'esprit, que nous aurions tôt fait de taxer de fataliste, leur permet avant tout de se protéger, d'accepter beaucoup mieux le monde tel qu'il est et les évènements tels qu'ils arrivent, leur confère une capacité de résilience face aux souffrances de la vie qui me surprend toujours, et leur permet de maintenir ce sourire et cette joie de vivre, quoi qu'il advienne, qu'on peut vraiment leur envier.
L'Afrique fonctionne pour nous comme un miroir qui nous confronte à tous nos excès, nos névroses, notre luxure et notre insatisfaction ; Et notre société est pour eux le miroir de leurs frustrations, fascinés par nos richesses, notre confort de vie, notre organisation où tout abonde et où tout semble marcher parfaitement. Cela ne veut pas dire qu'on se comprenne pour autant. Mais cette situation convient très bien à un Occident interventionniste et dominateur, et à une Afrique martyre et en demande de tout.
C'est pourtant bien dans une révolution des mentalités qu'elle pourra prendre les rênes de sa propre destinée, définir et construire ce vers où elle souhaite aller, et trouver la place qui devrait être la sienne dans le concert mondial des Nations. Je suis persuadé qu'il peut y avoir une place pour la créativité, l'esprit d'entreprise et l'innovation ici, mais c'est à eux de savoir aménager cette place pour permettre l'expression de leurs nombreux potentiels, plutôt que de vouloir toujours courir après l'Europe et ses produits. Les Africains ont acquis leur indépendance il y a plus de 50 ans, et c'est maintenant à eux de changer leur rapport au monde pour cesser d'en être les victimes.
Je terminerai par ces quelques mots pleins d'espoir de Tiken Jah Fakoly « Quand l'Afrique va se réveiller, ça va faire mal, mal, mal, mal... » Et je vous laisse écouter la suite...
tikenjah fakoly quand l'afrique va se réveiller live au garance reggae festival 2014
Tiken Jah Fakoly, titre : quand l'afrique va se réveiller . Live au grance reggae festival 2014 . album : Dernier appel . reported by diby from abidjanreggae
début à 1'40
Nota Bene : J'assume pleinement cette interpétation critique au regard de ce que je vois et de ce que j'ai vu, des discussions que je peux avoir avec les locaux comme avec les expatriés africains, et de ce que j'ai pu apprendre et comprendre en psychologie interculturelle. Néanmoins, je perçois les risques potentiels d'un tel discours. D'abord, je ne parle en aucun cas de caractéristiques « biologiques » mais bien de traits culturels. Ensuite, dans le discours sur les cultures, il faut se méfier des généralités et du risque de stigmatisation. Parler de trait culturel revient à évoquer une conception qui prédomine au niveau d'un collectif. Cela ne veut pas dire pour autant qu'elle soit pleinement partagée par tous ses individus ni qu'elle soit fixe dans le temps, et il faut donc ensuite savoir revenir à une dimension individuelle, du rapport qu'entretiennent les individus avec leur propre culture. C'est cela, la psychologie (inter)culturelle.
N.B 2 : En écrivant cet article, je pense souvent à mon ami Gédéon au Congo qui me répétait : le Congo, c'est toi et moi qui devons le construire. C'est un magnifique contre-exemple à ce que je viens d'écrire, et je m'en trouve ravi de voir qu'il ya cette conscience dans la jeunesse africaine ; la résistance récente des burkinabais pour ne pas se faire voler leur révolution démocratique en est un autre. Mais ces exemples attendent de se multiplier, à tous les niveaux de la société, et de s'exprimer par des faits, pour qu'on puisse parler d'une veritable prise de conscience collective et d'une évolution des mentalités.