Nos racines enneigées
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Nos racines enneigées
* Attention spoilers sur Noël ! À ne pas mettre dans toutes les mains !
Tenir éloigné des enfants en bas âge et lecture en présence d’un adulte pour les autres. *
Dans une petite chaumière, une mère borde ses enfants, puis s’installe dans son fauteuil pour leur lire leur histoire du soir.
— Nous sommes déjà en décembre. Il est temps de vous raconter un conte de Noël, commença la mère avec entrain. Dans le froid du Grand Nord, le Père Noël…
— Attends, maman ! On est grands, maintenant ! interrompt le frère. On croit plus au Père Noël.
— Oui, on est grands ! renchérit sa jumelle.
— Du coup, on veut pas fêter Noël.
— Vous ne voulez plus fêter Noël ? s’étonne la mère, confuse.
— Oui ! Le Père Noël, il existe même pas d’abord ! Toute notre vie est qu’un gros mensonge !
— À quoi bon fêter Noël si le Père Noël existe pas ? soupire la sœur.
— Du coup, on veut plus fêter Noël !
— Voilà !
— Je vais devoir fêter Noël toute seule ? s’attriste faussement la mère.
— Oui !
— Du coup, ça sert plus à rien de faire semblant si nous, on y croit plus !
— Et que fera-t-on au réveillon ? Vous voulez passer la soirée dans le noir, le froid et le silence ? Sans bougies, feu de cheminée ni chants ?
Les jumeaux hésitent.
— Eh bien, je suppose que vous êtes aussi trop grands pour mes histoires alors…
— Non ! s’écrient-ils en cœur.
— Attends, maman ! On aime bien tes histoires, nous !
— On les aime beaucoup même !
— Mais je croyais que vous étiez trop grands ?
Les jumeaux se regardent, réfléchissent intensément, se dévisagent encore.
— On veut un conte de grande personne ! s’écrie la sœur.
— Oui, de grande personne ! reprend le frère.
— Très bien, voyons voir ce que j’ai dans ma réserve d’histoires… Ah ! Voilà ! Il y a très longtemps, les Romains célébraient les Saturnales, en l’honneur de Saturne, le dieu en sommeil, celui qui avait appris aux Hommes l’agriculture.
— Quoi ? Mais quel est le rapport ?
— Oui, maman. C’est n’importe quoi, ton histoire !
— Attendez et vous verrez, sourit-elle. Je disais donc que les jours précédents le solstice d’hiver, les Romains inversaient les rôles. Ainsi, leurs serviteurs avaient l’autorité pour la journée. Tout conflit était interdit. Les écoles et les tribunaux fermaient. Le travail cessait et les vacances commençaient. Un marché spécial s’ouvrait. On libérait la statue du dieu de ses chaînes. Les enfants étaient comme des rois en leur maison et étaient gâtés de cadeaux.
— Mais maman, toi aussi, tu reçois des cadeaux à Noël.
— Oui, on t’en offre tous les ans !
— Tout à fait, mes chéris. Les choses ont évolué et maintenant, les adultes ont aussi le droit de recevoir des présents pour nous rappeler que nous avons été des enfants autrefois, pour nous rappeler de nous émerveiller chaque jour devant les petites choses ou la nouveauté comme avant.
— Et ils faisaient quoi d’autre, les Romains ?
— Ils décoraient leur maison avec du gui et du houx, mais aussi du lierre.
— Comme nous ?
— Comme nous ! Nous ne sommes pas si différents, vous voyez. Les Saturnales étaient un moment convivial où les barrières sociales s’effaçaient, voire s’échangeaient, où l’on se rassemblaient tous autour d’un bon repas animé de danses et de spectacles. Les Romains commémoraient ainsi leur Âge d’or où Saturne était le dieu des dieux et avait créé un monde de paix, d’équité et d’abondance. À la fin des Saturnales, on célébrait également la femme de Saturne, Ops, la déesse de l’abondance.
— J’aime beaucoup cette ambiance !
— Moi aussi, mes chéris. Mais rien ne nous empêche de la recréer dans notre maison.
— Maman, cette histoire est trop courte. J’ai pas encore sommeil…
— Oui, on en veut une autre !
— Très bien, très bien ! Voyons voir ce que j’ai d’autre… Ah ! Les Gaulois ! Savez-vous que le solstice d’hiver, le 21 décembre, est la nuit la plus longue de l’année ?
— C’est pas celui de l’été ? demande le frère.
— Ça, c’est le jour le plus long, bêta !
— Soyez gentils, mes enfants. En ce temps, les nuits étaient plus froides et sombres. Pour se réchauffer, les Gaulois se pressaient les uns contre les autres devant la cheminée et y faisaient brûler une énorme bûche de chêne. Avant, ils l’avaient consacrée en versant du vin ou de l’huile d’olive, mais c’était aussi pour la fortifier. Ils la décoraient avec des feuillages et des rubans. Puis, ils l’offraient à leurs dieux dans l’âtre où elle était placée par l’aîné et le benjamin qui symbolisaient ainsi la cohésion familiale et la transmission. C’était tout une procession ! Chez eux, le chêne symbolise l’hospitalité et les Gaulois rendaient ainsi hommage au bois et au feu, les symboles de la renaissance. Autrement dit, la nouvelle année qui se préparait. Ces deux symboles nourrissaient le soleil pour qu’il revienne plus fort après le solstice. Le 15 décembre, on fêtait également Épona, la déesse des chevaux mais aussi de la fertilité, pour que le printemps soit fécond.
— Moi, la bûche, je préfère la manger.
— Moi aussi !
— Mais la bûche qui flambe permet de réchauffer par la chaleur de son feu, mais aussi par celle des autres qui se pressent ensemble devant la cheminée. Le gui et le houx étaient importants chez les Gaulois, car ils leur attribuaient des vertus purificatrices et protectrices. Ils considéraient le gui comme une plante qui guérit tout, ce qu’on appelle une panacée. Elle est aussi réputée pour augmenter la fécondité ; on en mettait dans sa maison en hiver pour que la famille grandisse au printemps. Le houx, lui aussi, suggère l’immortalité, mais également la résistance et la tempérance. Cette plante est un soutien en toute saison, particulièrement en hiver, car lui aussi garde ses feuilles durant cette saison. Le houx était associé au dieu Lug que les Gaulois célébraient lors de la Samain.
— Dis, maman, toi qui sais tout, pourquoi on a un sapin ?
— Et pourquoi on l’habille avec des boules et des guirlandes ?
— Et pourquoi c’est un sapin et pas un chêne comme la bûche ?
— Certaines de ces histoires sont anciennes et d’autres récentes. Je commence par laquelle ?
— L’ancienne ! s’écrient les jumeaux à l’unisson.
— Durant l’Antiquité, c’était l’épicéa qui était mis à l’honneur. Dédié à Artémis, la déesse de la Lune et de la vie sauvage, protectrice des femmes enceintes, l’épicéa devient l’arbre de l’enfantement et on le célébrait de la nuit du 24 au 25 décembre pour la renaissance du Soleil.
— Maman, je comprends plus rien, intervient la sœur. Tu nous dis que le sol… le solice… le solsice… la nuit la plus longue là ! Tu nous dis que c’est le 21, mais maintenant tu nous parles du 24. On est perdus !
— Oui, maman, c’est pas logique !
— Vous avez raison, mes chéris. La fête du Soleil, aussi connue comme la renaissance du dieu solaire Mithra en nouveau-né, est devenue le 25 décembre à partir du calendrier de Jules César.
— Le Jules César ?
— Lui-même ! Avec la conversion d’un calendrier à l’autre, la date du solstice est restée et donc devenue erronée.
— Et pourquoi on fêtait le Soleil durant la nuit la plus longue, maman ?
— C’est une très bonne question ! Dès le lendemain du solstice, les jours commencent à rallonger : le Soleil revient petit à petit auprès de nous. Revenons maintenant à nos arbres ! Les Celtes considéraient aussi l’épicéa comme un arbre de vie et le décoraient avec des fruits, des fleurs et du blé. En effet, selon leur calendrier lunaire, chaque mois est associé à un arbre et décembre est lié à l’épicéa. Puis, le sapin a ensuite eu son heure de gloire. Les conifères représentaient la victoire perpétuelle, et l’espoir qu’elle apporte avec elle, de la vie et de la lumière sur la mort et les ténèbres pour leur capacité à garder leurs aiguilles même en hiver. Ils étaient aussi réputés pour conjurer le mauvais sort. En avoir un dans sa maison était donc une protection durant cette saison, car on pensait que l’esprit de l’arbre veillait sur ses habitants et leur apportait chaleur et bénédictions. Chez les Celtes, le sapin symbolise le lien entre le ciel et la terre, la fluidité essentielle qui relie le haut et le bas, lui donnant une dimension spirituelle. Pour les Gaulois, c’est un arbre magique, dédié à la déesse Druntia qu’ils célébraient et honoraient en tant que protectrice et reine des druides.
— Et les histoires récentes, maman ?
— Un jour, un moine voulut convaincre les druides que le chêne n’était pas un arbre sacré comme ils le croyaient. Pour prouver ses dires, il en fit abattre un qui, en tombant, écrasa tout sur son passage, à l’exception d’un jeune sapin. Le moine et les druides tombèrent alors d’accord pour dire que cet arbre-là était sacré car miraculé.
— Et les décorations ?
— Vous vous rappelez de la couronne qu’on accroche à sa porte ? Elles sont généralement faites avec les baies du houx pour éloigner les sorcières et des branches de conifères pour chasser les mauvais esprits. On lui a donné la forme d'une roue pour représenter le cycle de la renaissance dont je vous parlais tout à l'heure. Elle rappelle également la couronne de lierre du dieu Bacchus que les Romains célébraient le 6 janvier. Ils s’offraient ces couronnes pour se souhaiter une bonne santé. Maintenant, lorsqu’on l’accroche à son entrée, c’est aussi une promesse d’hospitalité. Les Romains décoraient leur maison de vert pendant l’hiver pour représenter la nature, la vie et l’espoir.
— Et pourquoi on célébrait Bacchus ?
— Bacchus, mais aussi Osiris chez les Égyptiens, étaient célébrés à cette période de l’année, car ils étaient tous deux des divinités de la végétation qui mourraient pendant l’hiver, puis ressuscitaient à cette date pour accompagner son cycle.
— Et les décorations des sapins alors ?
— Auparavant, on décorait les sapins avec des friandises chez les riches et avec des fruits chez les pauvres, notamment des pommes. Mais une année, une sécheresse empêcha la tradition de se réaliser. Un souffleur de verre eut l’idée de remplacer les pommes par une décoration à la forme et à la couleur identiques pour éviter que les arbres ne se retrouvent tout nus.
— Des boules de Noël toutes rouges ! s’exclame le frère.
— Exactement !
— Le rouge et le vert de Noël viennent des sapins et des pommes ? demande la sœur.
— Entre autres, ma chérie.
— Et les guirlandes des sapins ? rappelle le frère.
— Cette histoire est plus récente, mais on se dispute encore qui a eu l’idée en premier… Disons qu’un homme se promenait en forêt, ou peut-être était-il perdu, et a été bouleversé par la beauté du ciel étoilé qu’il apercevait entre les arbres.
— Des sapins ?
— Oui, des sapins. Il décida d’accrocher des bougies aux branches de son sapin pour recréer ce paysage spectaculaire. Puis, cette pratique s’est répandue et est devenue une tradition. Les plus pauvres utilisaient des coquilles de noix remplies d’huile. Puis, on a ajouté des guirlandes d’argent pour refléter la lumière des bougies. On les proposa ensuite en cuivre ou en étain pour les moins riches. Bien sûr, on utilise de nos jours des guirlandes électriques. Ça évite que la maison prenne feu !
— Ça, c’est seulement pour la bûche ! rit le frère.
— Il vaut mieux, en effet !
— Et le Père Noël ? Il vient d’où ? Il existe vraiment ? continue le frère, qui ne perd pas le nord.
— Le Père Noël protège les enfants, contre les adultes mais aussi contre eux-mêmes, pour qu’ils gardent leur lumière.
— Je comprends pas…
— Moi non plus…
— Leur bonté, leur imagination, leur émerveillement. Tous ces trésors qu’on risque de perdre en grandissant…
— Mais le Père Noël, il existe ou pas ?
— Oui… et non.
— Maman, ça veut rien dire, ton histoire…
— Disons que le Père Noël est l’esprit de Noël. À travers lui, on souhaite faire plaisir aux autres, on souhaite être meilleur pour être digne des cadeaux qu’on recevra, on souhaite revoir nos proches et passer du temps avec eux. C’est l’occasion de se retrouver tous ensemble avec sa famille et ses amis. Le Père Noël, c’est une excuse et l’occasion de faire le bien autour de soi.
— C’est compliqué…
— Je sais. C’est le principe d’une allégorie que de simplifier des concepts pour les rendre plus accessibles. Voilà pourquoi on a habillé l’esprit de Noël pour qu’il soit plus simple à imaginer. On lui a donné l’image d’un gentil grand-père avec une barbe et un ventre rond.
— Rond et rouge comme une pomme !
— Tout à fait. Même si en grandissant, on se rend compte que le Père Noël n’était qu’une image, il n’en demeure pas moins réel par nos actions.
— Et nous, maman, on vient d’où ?
— Oui, maman. Ils viennent d’où, les lutins, s’ils travaillent pas pour le Père Noël ?
La mère sourit à ses enfants.
— Eh bien, mes chéris, les lutins accompagnent les Hommes depuis la nuit des temps. Ils sont les protecteurs des enfants et des foyers, mais aussi la mémoire de tous les contes qui ont jamais existé.
— Mais maman, la plupart de tes contes étaient des mythes.
— Contes ou mythes, quelle différence ? Et maintenant, vous voulez toujours me laisser passer le réveillon toute seule ?
— Non !
— On fera jamais un Noël séparés !
— Oui, on fera toujours les Noëls tous ensemble pour la nuit des temps !
— On dit jusqu’à la fin des temps, bêta, le corrige sa sœur.
— Bref, ce qu'on veut dire, c’est que jamais on ne fêtera Noël séparément !
— Vous m'en voyez ravie, mes enfants.
Erwann Avalach 9 ore fa
Je ne connaissais pas cette histoire du moine qui fait abattre un chêne... en tout cas, je me retrouve dans mon élément !😊