Chapitre 3
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Chapitre 3
Les signes de l’univers et Henry
La découverte de l'histoire de la vie de mamie m'a secouée bien plus que je ne l'avais imaginée. Le genre de secousse qui te fait remettre en question tout ce que tu pensais savoir sur la vie, sur toi-même, et sur ce que tu appelles "le destin". Si ça existe, en tout cas. Le lendemain matin, j'ai décidé de fuir un peu cette tempête intérieure en me réfugiant dans le seul endroit qui puisse encore me donner l'illusion de savoir où je vais : la librairie d'Henry, nichée au coin de Barrow Street. Cette librairie était un peu comme moi : discrète, légèrement désordonnée mais pleine de potentiel. C'était mon sanctuaire depuis mes années étudiantes, mon refuge lors des moments de doute, et là où j'avais travaillé pendant presque 3 ans avant de tomber dans le pétrin. Enfin, bref.
Henry, ce vieil homme irlandais, semblait tout droit sorti d’un conte celtique. Avec sa barbe blanche et sa manie de toujours avoir une tasse de thé à la main, Henry était bien plus qu’un commerçant pour moi. C’était un druide des temps modernes, un guide spirituel qui distribuait des livres au lieu de sorts.
Une phrase sortie du carton des affaires de mamie s’était gravée dans ma tête comme une ritournelle : “Soyez attentifs à ce qui vous parvient”. Et j’allais comprendre très rapidement ce qu’elle voulait dire.
Vous est-il déjà arrivé de sentir que l’Univers voulait vous parler ? Ce jour-là, il ne me murmurait pas à l'oreille, non, il me hurlait dessus avec un mégaphone.
Le pendentif de triquetra, symbole celtique puissant, autour de mon cou, je suis montée dans la voiture pour aller voir Henry. J’ai allumé la radio, et là, une mélodie folklorique irlandaise a envahi l’habitacle. “Mais bien sûr !” pensais-je avec un sourire. Mais à peine quelques minutes plus tard, une devanture a attiré mon attention : un grand leprechaun vert qui trônait fièrement dans la vitrine d’un magasin. Sunnyside, avec son âme irlandaise, ne manque pas de clins d’œil culturels, mais ce magasin ? Je ne l’avais jamais remarqué avant, malgré mes trajets réguliers sur cette route. Coïncidence ? Probablement. Sauf que je sentais que quelque chose m'échappait et d'une manière qui me faisait tressaillir.
Et puis, comme si l’Univers avait décidé de me coller un post-it géant en pleine figure — littéralement — une rafale de vent a arraché une affiche d’un poteau et l’a plaquée sur mon pare-brise. Freinage brusque, cœur battant, je suis descendue pour la retirer. Une publicité pour un spectacle de danse traditionnelle irlandaise?! Dites-moi que je rêve!
“Ok, Moïse avait ses tables, moi j’ai droit à Riverdance. C’est ça, cher Univers ?”
générée par Microsoft Bing
Quelques feux plus tard, je poussais la porte de la librairie d’Henry. La cloche au tintement familial résonna, me transportant dans le passé. L'odeur des vieux livres, mêlée à celle du thé Earl Grey que Henry préparait chaque matin, était intacte.
— Abby ! Ça fait un bail. Tu viens éclairer mes étagères poussiéreuses avec ton sourire ?
— Plus que ça, lui ai-je répondu en déposant mon manteau. Il m’est arrivé une histoire de dingue !
Henry m’a servi une tasse de thé, hochant la tête avec un mélange de curiosité et de complicité.
Je lui ai tout raconté : le carton, Imbolc, les signes. Il m’écoutait, une lueur malicieuse dans les yeux, avant de me poser la question :
— Qu’est-ce que t’attends pour partir en vacances, alors ?
— Moi ? Vacances ? ai-je demandé désemparée. Tu veux dire qu’il faut que j’aille en Irlande ?
— C’est toi qui l’as dit, pas moi, rétorqua Henry.
Quelque chose dans l’idée m’a frappée. Elle semblait si évidente, et pourtant si loin de ma réalité.
— Je ne peux pas ! Enfin, ce n’est pas le moment. Je vais avoir un autre poste et puis ça coûte cher. Tu sais, j’économise pour reprendre mes études…
— C’est toi qui vois, répondit Henry en me fixant intensément. Bon, moi aussi j’ai une nouvelle : je prends ma retraite !
— Quoi ? Mais... Henry, ta boutique, c'est... c'est toi !
— Elle a besoin de quelqu’un pour lui donner une seconde vie, expliqua-t-il. Et puisque tu pars pas en Irlande, pourquoi ne pas t’en charger ? C’est mieux que ta promotion chez Barnes & Noble, non ?
Je restai sans voix, touchée mais submergée.
— Henry, je... je ne peux pas. Je veux dire, j'adorerais, mais... je n'ai pas les moyens. J’ai déjà du mal à m’offrir un cappuccino sans penser à mes économies pour mon hypothétique MFA.
Je bafouillais, empilant des excuses comme autant de murs pour éviter de contempler cette possibilité.
— Je comprends, répondit-il en haussant légèrement les épaules. Mais laisse-moi te dire un truc, Abby. Tu sais que je t'aime comme ma propre fille et je te soutiens peu importe ce que tu décides. Mais là, j’en ai marre de ton air abattu et de ton indécision permanente. Je veux retrouver mon Abby. Celle qui débattait des heures sur les dernières sorties littéraires, qui découvrait les recoins cachés de Greenwich Village, qui vivait pleinement. Où est-elle passée ?
J’ai senti ma gorge se serrer, les larmes monter. Je n’ai rien répondu. Ses mots avaient visé juste. Cette Abby dont il parlait… elle me manquait aussi.
Pour la première fois de ma vie, je quittais la boutique d’Henry avec un sentiment d’amertume et l’impression de passer à côté de quelque chose d’important.