La vaine quête des causes
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La vaine quête des causes
Octobre 1967, grand amphithéâtre de la Sorbonne. Impressionné par la majesté du lieu et le silence des étudiants, j’écoute le professeur d’épistémologie des sciences nous narrant l’histoire des conceptions de l’univers. il développait la théorie du « big bang » pour nous préparer au prochain cours sur la dialectique entre information et entropie.
Un étudiant lui pose une question : « si le big bang est la cause de la création de l’univers, quelle est la cause du big bang » ? Et le professeur de répondre : « cette question sort du domaine dz la physique pour entrer dans l’ordre de la métaphysique. »
J’avais vingt ans à l’époque et cette réponse suscita un « big bang » en moi. J’avais appris auparavant que tout phénomène émane d’une cause et qu’il convient de la déceler pour le comprendre. L’idée qu’une cause produisait un effet et que « mêmes causes, mêmes effets » s’ébréchait en moi.
Pour les mécanismes simples, la recherche des causes d’une panne se révèle utile. Par exemple, si un moteur s’arrête, la cause « manque de carburant » est pertinente. Et dès que le système intègre de l’humain, du social, de l’économique, la recherche d’une cause initiale est une vaine quête. Quelle est la cause de l’obésité ? quelle est la cause d’une guerre ? Quelle est la cause d’une passion amoureuse ? Quelle est la cause d’une crise économique? Quelle est la cause d’une pandémie ?…
De là à dire qu’il convient d’abandonner les pratiques de diagnostics, c’est un pas que je ne franchis pas. Plus un écosystème est complexe et plus il est mu par une kyrielle de paramètres en lien entre eux, dont de nombreux nous échappent. Acceptons d’en méconnaitre pour continuer à faire avancer nos sciences et technologies.
Le pourquoi du systémicien est une recherche des liens entre les paramètres équilibrant ou déséquilibrant un système. Et cela sans jugements de valeurs sur ces données. En revanche, les acteurs s’accrochant à la recherche d’une cause produisent plus de blâmes que d’explications. En ce contexte pandémique, les causes blâmantes sont pléthoriques : « c’est à cause d’une fuite dans un laboratoire », « c’est à cause de l’inertie des gouvernements », « c’est à cause de la société de consommation » , « c’est à cause de notre productivisme effréné »… Et quand la cause s’impose, elle se mue en unique explication non discutable. Et pendant que la bataille des causes fait rage, nous ne traitons pas le problème qui nous lie.
J’espère que les biologistes et virologues ne se laissent pas entrainer dans ces causes polémiques et qu’ils s’affairent à trouver des vaccins et médicaments idoines.