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Je ne porte pas de cause, pas d'engagement : suis-je égocentrique ?

Je ne porte pas de cause, pas d'engagement : suis-je égocentrique ?

Pubblicato 6 giu 2021 Aggiornato 12 giu 2021 Politica
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Je ne porte pas de cause, pas d'engagement : suis-je égocentrique ?

L'engagement et moi, une grande histoire de mésamour. Face à l'injonction sociale de plus en plus forte qui valorise l'engagement citoyen et le militantisme, quelle place pour ceux qui se contentent de vivre pour eux ?

La personne sans cause, sans engagement est une égocentrique qui s'ignore

Jusqu’à il y a peu, je culpabilisais d’être une de ces personnes qui ne s’investissent dans aucune cause, ne font aucun militantisme, fuient la politique et ne donnent pas de leur temps dans une association. Je me sentais égoïste.

Je voyais autour de moi, dans les medias ou sur les réseaux, des gens touchés par la grâce de l'altruisme. Je n'ai jamais, intrinsèquement, réellement compris ce mot (dans mes tripes, mon coeur). Surtout, j'ai été bien des fois dégoûtée par l'égoïsme crasse de mes camarades bipèdes, raison qui me poussait à les fuir plutôt qu'à leur tendre la main. J'avais peur d'être méchamment poignardée dans le dos. Vous savez ce qu'on raconte sur les bonnes poires...

Plus je grandissais, plus je sentais la culpabilité sourdre. J'avais l'impression qu'il était de bon ton de s’engager, si possible dans de grandes causes qui font consensus, comme l’écologie ou l’humanitaire dans les pays en voie de développement. Ce sont de belles causes, je ne le nie pas. Cependant je ne supporte pas vraiment le contact humain (en général) et j’aime peu fréquenter des inconnus, sortir de chez moi et encore davantage voyager. Je n'étais donc pas prête à m'engager dans une association ou à faire quoi que ce soit de valorisé à ce niveau-là. Parallèlement, j'avais l'impression de devoir trouver des excuses pour me dédouaner. Si je disais ce que je pensais à voix haute, je craignais d'être taxée d'égoïste et huée.  Le misanthrope et le facho ne sont qu'une seule et même personne pour l'humain du XXIe siècle.

J'en suis arrivée au point où j'ai songé que je devais avoir un problème.

Lequel ? Sans doute d'être trop égocentrique.

L'injonction à l'altruisme : faut-il être militant ou engagé pour trouver sa place dans la société ?

Il était évident que j'étais une anomalie. Comment penser autrement quand j'entendais mes camarades de promotion à l'école ou les gens aux cafés, ou les hommes que je rencontrais : ce n'était heureusement pas très fréquent mais lorsque ce sujet tombait sur la table, chacun y allait de ses expériences de bénévolat ou parlait des causes qui lui tenaient à coeur et des manifestations auxquelles il avait assisté dans l'année. De mon côté, je m'enfermais dans le silence, gênée, timide et embarassée par ces envolées humanitaires.

Pour ne rien arranger, je croyais que je n’avais pas vraiment d’opinion très marquée (comme si être apolitique faisait de vous quelqu’un qui ne s’implique pas). 

Il m'a fallu quelques années pour admettre que j'étais sans doute une personne non altruiste. Je ne me sentais pour autant pas égocentrique sans réussir à formuler consciemment pourquoi. J'aurais été incapable d'exposer mes arguments si j'avais été attaquée de front.

Pourtant, j’étais persuadée d'avoir mes propres convictions. La différence, c'est que je n’aimais pas en parler ou les étaler au grand jour : je ne comprenais pas l'intérêt d'exposer mes convictions. J'étais alors très timide (je le suis d'ailleurs restée). Je parle peu en société dans les situations où je ne me sens pas parfaitement à l'aise.

Même si je me suis progressivement calmée, lors des conversations avec des inconnus, et notamment avec de jeunes exaltés, je n'ai jamais réussi à me départir totalement de ma gêne. J'avais alors l'impression d'être l'imposteur au milieu des convives, le vilain petit canard.

Egocentrique ou altruiste ? Faut-il être engagé ou militant pour être valide socialement ?

Les grandes causes et le militantisme vs. les choix du quotidien

Puis, un jour, la maturité venant, j’ai constaté que je n’étais pas une personne qui vit au jour le jour sans se soucier ni des autres, ni de son environnement. J'ai appris à assumer mes choix de vie et à verbaliser davantage mes opinions. J'admettais avec moins de honte que je n'avais jamais fait de bénévolat et que ça ne m'intéressait pas plus que cela, que je n'avais pas vraiment confiance en des inconnus. J'arrivais à prouver que je n'étais pas le prototype de l'égocentrique car :

  • Je mangeais végétalien parce que je crois que c’est mieux pour ma santé, pour la planète et pour les animaux. Il s'agit de mon alimentation depuis de nombreuses années, bien que je sois par période davantage végétarienne, notamment à Noël pour des raisons sociales ;
  • J’étais très impliquée dans mon travail mais surtout je remarquais que beaucoup de choses clochaient. J’étais très sceptique sur le fonctionnement de l’organisation. J’ai d’ailleurs écrit une pièce de théâtre satirique à l’époque pour exprimer mon mécontentement même si je ne pouvais pas le verbaliser auprès de ma hiérarchie ;
  • Je donnais mes vêtements et mes affaires en bon état à Emmaüs ;
  • Je promouvais une forme de culture littéraire marginale et, à mon échelle, produisais des oeuvres lues par d’autres personnes qui semblaient apprécier mon art. J'ai commencé à écrire pour sensibiliser et informer les lecteurs et le grand public ;
  • J’étais engagée en pensée pour aider les personnes neuroatypiques, handicapées et essayais d'éduquer les gens à ce sujet bien avant que cela soit à la mode ;
  • J’étais engagée auprès de la communauté LGBTQA+ que je suivais de loin depuis mon adolescence. Pareil, j’essayais de sensibiliser mes proches si j’entendais de mauvaises choses circuler. Avec tact et sans pression, mais à mon échelle. Aujourd'hui, je tiens un blog de vulgarisation sur les sexualités.

J’ai compris que les grands effets de manche et les beaux récits humanitaires sont ce qu’ils sont : de belles histoires utilisées à des fins communication et marketing. Littéralement : au service de la bonne cause ! Et tant mieux ! Des médecins qui vont sur les champs de bataille, il en faut ! Des reporters de guerre, il en faut ! Des bons samaritains qui distribuent des repas aux SDF, il en faut ! Des jeunes qui ont la patate en service civique, il en faut !

Je n’étais juste pas obligée d’être ces personnes là. Cela ne faisait pas de moi une égocentrique pour autant.

l'altruisme est bien souvent une injonction socialeL'altruisme, une injonction sociale comme les autres ?

Mettre le bien agir et la conscience au centre du quotien : ma slow-life engagée 

Tout ce que j’avais à faire, c’était agir en conscience ; petit à petit, à conscientiser davantage mes choix. J’ai ainsi pu agir de manière bénéfique dans mon entourage très proche, au sein de mon travail et dans mon quartier ou dans ma région.

Chaque jour nous effectuons de manière automatique ou consciente des choix qui influencent, à leur échelle, notre environnement et modifient le cours de la journée d'autres personnes. Parfois, ces choix modifient même le cours de notre vie, c'est dire ! Je suis persuadée que ces actes ont une portée non négligeable et valent autant qu'une semaine de bénévolat. Seul le fond compte (changer le monde, aider, s'investir dans des choses qui ont du sens), pas la forme.

Désormais on parle de minimalisme, de sobriété écologique, de décroissance et, de manière générale, de nos habitudes de consommation. Chaque fois que quelqu'un achète une denrée, il finance une entreprise : chacun possède donc, en germe, un puissant levier d'action dans son portefeuille. Même sans courir au biocoop, faire un détour par le boulanger local ou l'épicerie qui menace de fermer sous la pression de la zone artisanale où se trouve l'hypermarché représente un acte de sens à valoriser. Un engagement, au sens fort du terme.

Je ne suis ni Simone de Beauvoir ni Mère Thérésa mais je ne suis pas une égocentrique finie pour autant.

Désormais, ma consommation quotidienne est au centre de mes attentions.

J'ai petit à petit amélioré mes routines et je continuerai sans doute de me documenter et de faire attention à ce que j'achète tout en agissant au mieux à côté.

L'égocentrique porte désormais un projet professionnel plein de sens et d'engagement

Arrivé à ce point de réflexion, ma relation avec l'engagement et les grandes causes s'était pacifié.

Restait un problème : je n’avais toujours pas de cause identifiée qui me fasse me lever le matin ou m'indigner, poing levé. Si vous aussi vous êtes à ce stade, ce n'est pas grave. Je vous l'affirme désormais : le fruit tombe lorsqu'il est mûr !

Ainsi, sans la chercher, une « cause » m’est tombée dessus : je me suis découverte personne handicapée à l’âge adulte lorsque mon handicap est devenu plus prégnant. Je suis cependant née et ai dû vivre avec mon handicap durant toute ma jeunesse, constamment m'adapter aux autres.

J’en ai sacrément bavé tout au long de mon enfance et de mon adolescence. Je repense à certains épisodes la rage au ventre. J'essaye, petit à petit, de canaliser cette colère pour la transformer en quelque chose de productif. Maudire n'arrange pas le passé. La colère fait partie du deuil, elle aide à se relever. Cependant, il serait dommage de se consumer d'amertume. J'ai progressivement réussi à m'en remettre et à envisager le temps qui me restait plutôt que les années perdues à subir mon handicap.

J'aime mon pays et j'aime l'idée qu'une nouvelle génération de porteurs de projets dynamisent l'économie. J'aimerais qu'une myriade de gens créent de la valeur et puissent vivre de leurs projets tout en apportant quelque chose autour d'eux. Que les régions vivent.

C'est pour cela que j'ai crée sur Panodyssey un espace médiatique destiné aux porteurs de projets. Je désirerais que les TPE, PME et startups francophones puissent améliorer leur visibilité et leur notoriété en ligne. J'essaye de leur y donner régulièrement la parole.

L'erreur de croire que seules les grands causes méritent qu'on s'y attarde : ne négligez pas l'effet papillon

Ce soir, j’ai lu un article où j’ai découvert par hasard une association. Cette dernière sauve des faons grâce à des caméras thermique embarquées sur des drônes. En effet, chaque année, lors du fauchage des prairies en été, nombre de petits animaux et bébés mammifères meurent, tués par les machines agricoles.

Ni une ni deux, j’ai publié un post sur LinkedIn pour présenter l’association. J’ai mis dix minutes à l'écrire : cela ne m'a pas demandé beaucoup d'effort mais mon post va peut-être les aider à gagner en visibilité.

Même si je ne constate aucun résultat concret, je sais que les choses bougent doucement. Je crois en l'effet papillon.

Pour illustrer mon propos, j'ai un exemple concret en tête.

Je suis rédactrice. Ecrire est ma passion mais aussi mon métier. Aussi, j’ai écrit sur l’autisme qui est le handicap que je porte. J'ai publié des articles de vulgarisation mais aussi quelques témoignages.

L'un d'eux, particulièrement, a suscité une étonnante réaction. Je l'ai publié sur mon blog personnel avant de le supprimer au bout d'un mois. Rapidement, j'ai oublié ce billet.

Pourtant, il y a quelques mois, j'ai découvert un mail qui m'a laissée sur le cul. Mon article, pourtant insignifiant, avait aidé quelqu’un. Oui, ce grain de poussière au milieu du désert ! Une personne s'était reconnue et avait entamé un parcours diagnostic. Elle venait d'être officiellement diagnostiquée autiste à l'âge adulte et allait bénéficier d'un soutien qui lui manquait à l'heure actuelle. Son chaleureux mail ne laissait pas planer le doute : pour elle, le déclencheur avait été mon article. Autant dire que je me suis sentie poussée des ailes.

Faites. C’est tout. Il n’y a pas de petits pas ou de grands pas, juste des pas.

Par des actions réalistes et réalisables, vous pouvez avoir une influence positive chaque semaine à votre échelle. Vos actions en inspireront d'autres qui feront ceci qui agiront sur cela qui... Et la chaîne continue !

C'est l'effet papillon (ou l'effet sous-marin, car parfois les idées nous travaillent inconsciemment pendant des mois ou des années) qui démarre.

Vos petits pas accumulés auront peut-être, en sous-marin, aidé des centaines de personnes à termes : partager une information, exprimer un point de vue, rappeler à quelqu’un qu’une blague homophobe n’est pas une blague est déjà quelque chose. Encore faut-il y penser.

Progressivement, vous deviendrez de plus en plus conscient de vos actes positifs (et négatifs) et contribuerez vous-aussi, faux-égocentriques, à changer le monde.

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