

De la nuit à la lumière
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De la nuit à la lumière
À celle qui n’a pas crié.
Il y a eu ce soir-là, suspendu dans le temps. Un moment figé, glacé. Tu n’as pas crié. Tu n’as pas fui. Tu es restée. Comme si ton corps s’était dissous dans l’ombre. Tu t’es effacée pour survivre.
Je t’écris aujourd’hui, non pour comprendre, mais pour t’embrasser.
Tu ne savais pas encore que ce que tu vivais était un adieu. Un adieu brutal à l’innocence, à la légèreté, à une certaine façon d’habiter ton corps. Cette nuit-là, il est parti avec une part de toi. Il a cru tout prendre. Mais il ne savait pas que tu renaîtrais, que l’on peut repousser, même sous la cendre.
Ce soir-là, ton corps est devenu une terre brulée. Un territoire envahi, comme si on avait arraché toutes les frontières. Tu t’es sentie sale, vidée, étrangère à toi-même. Tu as regardé ton reflet d’un regard inconnu. Tu as tenté de rester debout, mais quelque chose en toi s’est brisé.
Et puis, il y a eu le silence. Long. Épais. Complice presque. Le genre de silence qui te colle à la gorge, qui transforme ta voix en poussière. Tu ne savais pas à qui parler. À qui confier cette fracture. Tu avais honte. Honte de ce qu’on t’avait fait. Honte de ne pas avoir hurlé. Honte de t’être figée.
On t’a appris à dire non. Pas à survivre à l’impensable.
Les jours ont passé, pareils, plats, sans relief. Tu as repris le quotidien comme on met un manteau trop lourd sur une peau à vif. Tu as souri, parfois. Tu as répondu “ça va” sans vraiment savoir ce que ces mots voulaient dire. Et pourtant, sous la surface, une voix tremblante essayait de se frayer un chemin.
Une voix à toi.
Elle disait : J’ai mal.
Elle disait : J’existe.
Elle disait : Je veux guérir.
Et c’est là que la renaissance a commencé.
Pas dans le grand fracas. Pas dans un cri de guerre. Pas dans une lumière aveuglante. Mais dans un souffle fragile. Dans cet aveu timide : je mérite mieux que cette peur. Tu as recommencé à marcher dans la rue. À lever les yeux. À habiter ton corps, même timidement. À dire non. À dire stop. À dire : c’est moi qui choisis désormais. Tu as osé parler. Et tu as compris que mettre des mots sur la violence, c’était déjà lui arracher un peu de pouvoir.
Tu as pleuré, beaucoup. Parfois de rage. Parfois de dégoût. Parfois de fatigue. Mais aussi parfois, de soulagement. Tu as appris à recoller les morceaux, sans bruit. Parce que tu étais encore là. Parce que malgré la peur, tu étais vivante. Tu as eu des jours sombres. Tu en auras encore. Mais ils ne te définiront plus.
Et un jour, tu as choisi de te tatouer un papillon. Pas pour oublier. Pas pour faire joli. Mais pour revendiquer, reprendre ta peau. Pour dire : ce corps est à moi. Le papillon, tu l’as choisi parce qu’il sait. Il sait ce que c’est que d’être enfermée. D’être larve. De se recroqueviller dans une chrysalide sans savoir si la lumière reviendra.
Tu es restée longtemps dans l’obscurité. Mais tu n’étais pas morte. Tu étais en transformation. Tu t’es reconstruite. Non pas sur des ruines mais sur la tendresse que tu t’es enfin accordée. Tu as réappris à respirer, à poser la main sur ton cœur sans détourner les yeux. Tu as redonné du poids à tes mots, du sens à ton silence. Tu t’es choisie. Ce fut lent. Parfois ingrat. Mais chaque pas était un retour.
Et aujourd’hui, tu déplies tes ailes fragiles. Tu n’as pas tout reconstruit. Tu avances encore avec des tremblements. Mais tu marches. Tu danses. Tu oses. Tu aimes. Tu n’es pas ce qu’on t’a fait. Tu es ce que tu choisis de devenir. Tu es la preuve vivante qu’on peut renaître même de ses cendres. Tu es la femme qui a appris à ne plus s’excuser d’exister.
Alors je t’écris cette lettre pour te dire :
Tu es vivante. Tu es digne. Tu es belle. Le papillon est là, à ton poignet, à ton dos, à l’endroit exact où tu avais perdu la liberté. Il ne cache pas la douleur. Il la traverse.
Il dit : J’ai souffert. Et je suis encore là.
Et moi, je suis fière de toi. Je suis toi, plus tard.
Je suis celle qui peut marcher dans la lumière sans trembler. Je suis celle qui regarde son reflet et qui se reconnaît. Je suis celle qui n’a plus honte.
Merci d’avoir survécu. Merci d’avoir tenu. Merci de m’avoir rendue possible.
Je t’aime, entière, cabossée, magnifique.
— Celle qui a des ailes.


Alexandre Leforestier 5 ore fa
Un récit puissant, poignant. Et courageux. Un grand bravo pour avoir dit… Très très bien écrit ☀️