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Chapitre 2 - Roi de Pique

Chapitre 2 - Roi de Pique

Pubblicato 13 ago 2024 Aggiornato 13 ago 2024 Paranormal romance
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Chapitre 2 - Roi de Pique

Source Pinterest

“Chaque jour je retiens mon souffle,

Priant pour que rien n'apporte la mort,

Mais un faux mouvement, un petit dérapage,

Et mon royaume viendra s'écraser, se déchirer.”

 

Je me réveille même si mes yeux ne sont pas d’accord avec cette idée. Les rayons du soleil viennent transpercer mes pupilles gris clairs, je suis à la limite de finir aveugle. J’ôte le drap qui me recouvre et quitte mon lit en traînant les pieds. Je ne prends pas la peine de mettre un t-shirt pour descendre à la cuisine, le jogging suffit, et puis je vis seul, donc je fais ce que je veux, n’est-ce pas ?

Je me fais couler un café et allume la télévision. Je n’aurai pas dû.

 

“Le corps d’une fille a été retrouvé au bord du lac de Tuusula ce matin. Selon les premières constatations, elle a été mutilé et égorgé, la police enquête actuellement sur cette affaire”

 

— Toujours garder son calme, dis-je en prenant une grande inspiration, je vais éclater ce fils de pute.

Mon téléphone se met aussitôt à vibrer, je déverrouille mon écran, un message de Teru : 

  “ C’est reparti !”

Sans blague. Apparemment, le réseau est plus important que ce que je pensais. Cela signifie que ce n’était pas cette crevure que j’ai éliminée hier qui est derrière tout ça. 

— Je déteste me tromper…

Je pars m’installer sur mon canapé, tasse de café en main. Je sélectionne l’application “Notes” afin de faire la liste des points communs des victimes retrouvées.

— Entre 18 et 25 ans, brunes, mince, prénom commençant par R, listé-je tout en tapant sur mon clavier, me connaissant de près ou de loin…

Mon cœur rate un battement en m’entendant dire ça. C’est que maintenant que je m’en rends compte ? 

— Putain mais je suis un boulet ! m’énervé-je en jetant mon téléphone. 

Rozenn, Rosalia, Rose, Rachel, toutes rencontrées sur des jeux en ligne et on discutait sur Discord. Toujours avec un compte différent. D’ailleurs faut que je supprime l’ancien et que j’en crée un nouveau…

— Un connard est au courant des personnes que je côtoie ? supposé-je à voix haute. 

Après ça, on s’étonne que je reste célibataire ? Que je ne m’embourbe pas dans une relation amoureuse ? Si elles claquent toutes, je finirai avec le titre de Veuf noir sans passer par la case mariage. 

Je commence à réfléchir sur l’identité de la nouvelle victime, avec qui ai-je discuté dernièrement ? 

J’allume mon ordinateur puis je vais sur Discord. Tout en étant en mode invisible, je regarde les différents salons où je suis inscrit et observe la liste des personnes. 

— Réfléchis Noah…

Je ne peux pas en avoir en discussion privée, je refuse toutes les demandes. Mais par curiosité, je pars regarder. 

— Putain de merde…

Un message en attente. Roma. Je lis attentivement ce qu’elle m’a écrit deux jours avant.

“ Est-ce que tu peux m’aider ? Il y a un gars sur le serveur qui est un peu lourd, il en devient effrayant ! J’ai demandé à tout  le monde mais à part des : je me fais des idées, aucun ne me prend au sérieux ”

— Je vais t’aider en retard ma pauvre… soufflé-je.

Je pars dans les paramètres et supprime mon compte pour en recréer un autre. Note à moi-même, ne plus jamais discuter avec une fille dont le prénom commence par un R !

 

Partie 1

Teru me rejoint dans l’après-midi afin qu’on se penche sur le cas de cette nouvelle victime. Je lui fais part des points communs que j’ai repérés. Durant mon explication, ses yeux s’écarquillent.

— Prépare-toi à une vie d’éternel célibataire, lâche t-il.

— Merci de ton soutien et de ta compassion. C’est vachement le plus important actuellement. Tête de con.

Je le fusille du regard avant de lever les yeux au ciel. 

— Comment s’appelle ta meuf au fait ? demandé-je

— Putain Noah c’est la quinzième fois que fois que tu me le demandes depuis que je suis avec !

— Ça fait combien de temps d’ailleurs ?

— Oh putain, dit-il en se portant ses mains au visage, t’es désespérant.

Il me répète pour la seizième fois, du coup, qu’elle s’appelle Léa et que ça fait déjà cinq mois qu’ils sont ensemble.

— Cinq mois ? m’étonné-je, ah oui, effectivement. 

— D’ailleurs, il serait peut-être temps que tu la rencontres non ? propose t-il.

— Non.

Il arque un sourcil, étonné de ma rapidité de réponse. 

— Son prénom ne commence pas par un “R”, se défend-il.

— Et donc ?

— Tu pourrais la côtoyer !

— Nope. Mon cercle social est très sélectif et surtout restreint, dis-je

— En même temps, je suis le seul, y a pas plus sélectif et restreint.

— Et ça me suffit amplement ! 

Je déteste quand on me fait des réflexions sur comment je gère ma vie et avec qui je décide de la mener. Oui, j’ai peu d’intéractions sociales et donc ? Ça ne m’empêche pas de vivre, de respirer ou d’avancer ! 

Le regard que je lui lance lui fait comprendre que le sujet est clos et qu’on a d’autres chats à fouetter.

— Du coup ! reprenai-je en m’adossant au canapé, faut creuser pour avoir une idée du nombre d’enfoirés derrière tout ça. Si celui d’hier n’a pas suffit à calmer le bordel, alors on continue.

— Ok, mais par où on commence ?

— Bonne question… D’après la dernière victime qui m’a envoyé un message sur discord, l’un d’eux serait sur un serveur qu’on avait en commun. Mais actuellement, je dois réintégrer ce serveur. 

— Encore heureux que je débarque à chaque fois… Je t’envoie le lien !

— Merci !

Aussitôt dit, aussitôt le serveur réintégré. On parcourt la liste des membres, le nom de la dernière victime est hors-ligne.

— Elle ne sera plus jamais présente… 

Dans un salon de discussion, les membres se lâchent sur l’affaire du meurtre. Je chuchote son prénom “Roma”, Teru me regarde tristement. Même si j’évite de le montrer, il sait que cette histoire m’atteint car toute personne de sexe féminin qui entre en contact avec moi, finit par perdre la vie. 

— Elle t’a pas donné le nom de l’utilisateur qui l’a harcelée ? demande Teru.

— Nope ! D’où la complication de la chose. 

Je secoue la manche de ma veste pour en tirer une carte : Le fou. Teru la regarde puis claque la langue sur son palais en zieutant de nouveau la liste des membres. Il tapote des mains quand il trouve un pseudo qui pourrait correspondre. Il me le pointe du doigt : 

— Freakshow666 ! dit-il fièrement.

— Pas bête. Va sur son profil.

Il s'exécute afin d’avoir des infos sur lui. Il est sur discord depuis octobre 2022 et sur le serveur depuis le 15 avril 2023. Une semaine avant la mort de Roma. 

— Ce bâtard a choisi sa cible rapidement dis donc, m’étonné-je. Réseaux sociaux ?

— Yep ! Compte Steam, facebook, insta, Twitch… 

On surfe sur ces  sites et on récolte encore d’autres informations. Né le 18 mars 1995, poisson, célibataire. A part poster des photos de lui avec un masque, y’a pas grand chose d'intéressant. Sa liste des jeux est principalement tournée sur du survival horror. 

— Ce bâtard aime beaucoup tuer dans le gaming, lâché-je.

— On tente d’entrer en contact avec et de jouer avec lui ? suggère Teru. 

— Avec plaisir ! répondé-je en me frottant les mains, ce soir, on se fait une soirée “Dead By Daylight” et on verra qui survivra !

Grâce à ça, je connaîtrais la personnalité de ce Freakshow de mes deux. Un écran à beau nous séparer, je peux très bien détecter le caractère, les habitudes des personnes que je côtoie, tout ça, sans les avoir vues. 

— Ça va être marrant ! dit Teru, je vais chercher mon PC, je reviens !

Maintenant qu’on a une ligne directive, on va pouvoir avancer sur cette histoire. Mon jeu préféré : Détruire.

 

Partie 2 

En attendant que Teru revienne, je fais du café car on va en avoir besoin pour la soirée. Je pose ma boîte à sucettes à côté de mon PC, très important ! Une fois tout en place, Teru débarque et installe son matériel. 

— Tu penses qu’on arrivera à choper son adresse IP ? demande-t-il en allumant son ordinateur.

— S’il est con, oui. Sinon, non. On croise les doigts pour qu’il soit con. 

Une fois tous les deux connectés sur le discord, on propose à ce fameux Freakshow de nous rejoindre sur Dead By Daylight. Il ne se fait pas prier et atterrit dans notre équipe en ligne aussitôt. Et pour la première fois, on entend sa voix dans le vocal.

— J’espère que vous êtes prêts à crever les noobs ! dit-il avec sarcasme.

Il commence bien celui-là. Teru et moi, nous nous lançons un regard puis un sourire vient se dessiner sur nos visages. Je secoue ma manche pour en faire sortir une carte : Trois de pique. 

Teru se frotte les mains car il comprend ce que cela signifie. 

— Ça va piquer, sourié-je.

On débute la partie en ayant pris soin de laisser notre cible être le tueur. Tout en jouant, j’ai lancé un logiciel de détection d’adresse IP afin de le localiser. 

— Vous êtes des brêles ma parole ! rigole Freakshow, vous êtes vraiment des noobs !

— Totalement ! assure Teru.

Je me mords les lèvres pour éviter de rire. Une petite sonnerie se fait entendre dans mon casque, mon logiciel a localisé cet enfoiré. Pendant que je note l’adresse, il en profite pour tuer mon personnage. 

— Putain, j’ai ma connexion qui merde ! menté-je

— C’est con ça ! s’amuse Freakshow, la mienne va super bien ! 

Je fais mine d’une perte de connexion, je quitte subitement le jeu, me déconnecte du vocal et du discord. Teru continue la partie afin que je puisse passer à l’acte suivant. 

Pendant que je bosse tranquillement sur le prochain plan, je m'aperçois,  en levant les yeux vers Teru, celui-ci devient tout pâle. J’arque un sourcil, il attrape rapidement une feuille, un stylo et écrit à toute vitesse avant de me tendre le papier. Je le récupère et le lis aussitôt : 

“Il parle d’une meuf sur le serveur. Son pseudo Blackroses64”. 

Je lâche ma tâche pour me remettre sur le discord en mode invisible. Je parcours les membres du serveur jusqu’à tomber sur le pseudo indiqué. Aucun réseau social en dehors de Twitch. Au moment où je décide de lui envoyer un message, je m’arrête dans mon élan. 

— Si je lui adresse la parole, elle a une chance de mourir, chuchoté-je. 

Le dilemme est devant moi : Soit je lui parle en sachant que cet enfoiré l’a dans le collimateur et j’essaie de la sauver, soit elle meurt. Tout dépend de son prénom. 

Je choisis la première solution en lui envoyant un message privé tout à fait banal : Salut, j’ai vu que tu avais Twitch, tu streames parfois ?

Quelques minutes après, j’ai une réponse : Coucou ! Oui, je vais pas tarder d’ailleurs ! Je t’envoie mon lien si tu veux 

— Parfait, lâché-je.

Elle m’envoie aussitôt le lien et j’atterri sur sa page Twitch qui annonce que son stream va bientôt démarrer. Il est temps de découvrir qui est la prochaine victime !

 

Partie 3

Les yeux rivés sur le live, je découvre le visage de Blackroses64. Une jolie brune, les cheveux bouclés à l’anglaise. Une mine enfantine et la voix qui va avec. Une vraie e-girl en somme avec toute la panoplie vestimentaire. De ce que je vois, elle porte une veste rose pâle avec un casque oreille de chats de même teinte qui clignote de toutes les couleurs. Le chat commence à s’animer quand Teru me tapote l’épaule en enlevant son casque.

— Il s’est barré sur son live !

Je tourne l’écran de mon ordinateur afin de lui montrer que je suis également devant. 

— Ah bah d’accord ! dit-il dépité, je pensais t’apprendre quelque chose. 

— Non, je suis juste entré en contact avec elle et elle m’a filé son lien. 

— Et si son prénom commence par un “R” ? 

— On a intérêt à gérer dans ce cas. 

Je lui transfère le lien afin qu’il se mette aussi sur le live. On repère rapidement cet enfoiré dans le chat. Il lui pose des questions sagement basiques pour le moment, rien d’alarmant. Je relance le logiciel pour localiser cette fille. 

Pendant qu’elle streame son jeu, les personnes du chat discutent voire débattent beaucoup sur ses potentiels attributs féminins en disant que son pull est trop large, qu’il la couvre trop. Teru et moi on passe au-dessus de ça, sinon on va clasher et on est pas là pour ça. Un message nous interpelle aussitôt : 

“Rina, oublie pas que demain soir y a soirée chez moi !”

— Eh merde ! soufflais-je en laissant tomber ma tête sur le rebord de mon bureau. 

— Ah bah là… s’étonne Teru.

La sonnerie de mon logiciel me fait relever la tête, l’adresse de la fille a été localisée. Je l’enregistre aussitôt, je pars sur Google maps afin d’évaluer la distance entre le Freak et elle.  

— Trois heures, dis-je. 

— Est-ce qu’au moins, il l’a localisée lui ? questionne Teru, si ça se trouve, il a rien fait. 

— On va quand même s’en méfier. Sait-on jamais. S’il l’a dans le collimateur, c’est qu’il s’intéresse de près à elle. Donc, on va jouer la carte de la sûreté, sans jeu de mots… 

— Qui est le plus proche de nous ?

— Lui. Il est à une heure. 

— Si c’est un réseau, il y a forcément quelqu’un plus proche d’elle.

— Comment t’explique qu’on les retrouve toutes dans notre ville ? Si y’a un réseau, soit le chef est ici, soit les bras droits sont présents. 

— Pas faux. Jusqu’à maintenant, celles avec qui tu as discuté ont toutes été retrouvées aux alentours de chez toi. Seule Rozenn habitait pas loin. Mais les autres ? demande Teru.

— Pas eu l’occasion de les localiser, figure-toi ! Jusqu’à maintenant, j’avais pas capté qu’elles avaient un lien avec moi !

A force de discuter, on en a oublié le live. On se penche dessus en regardant si on a loupé quelque chose. Mon cœur rate un battement quand ce Freak à la con écrit qu’il sera content de la voir en vrai à cette soirée. 

— Va vraiment falloir s’activer ! dis-je en regardant Teru, faut qu’on fasse trois heures de route, qu’on se tienne devant chez elle et qu’on la suive pour réussir à aller à cette soirée. 

— J’ai pas le permis, se défend t-il

— Moi non plus, avoué-je. 

— Ma copine l’a.

— Oh putain…

— Tu veux avoir une chance de sauver cette meuf ou pas ? commence à s’énerver Teru.

— Qu’on soit clair, elle ne me pose aucune question et je veux rien savoir d’elle! dis-je en fermant le capot de mon ordinateur.

Je le plante en quittant le salon pour rejoindre ma chambre. L’idée de rencontrer sa copine ne me plaît guère, mais si c’est la seule à savoir conduire, j’ai pas trop le choix. Je me débarrasse de mes vêtements et me mets dans mon lit, énervé par la situation qui se présente. 

— Elle est pas casse-couille ! crie Teru d’en bas.

— Content de le savoir ! répondé-je de la même manière. 

Je me mets sur le côté en serrant mon oreiller. Une pensée me traverse l’esprit : 

Vais-je réussir à sauver cette fille ?

 

Partie 4

Le lendemain, avant même d’avoir ma dose de caféine dans le sang, je reçois un message de Teru qui m’indique que sa copine et lui arriveront dans une demie heure. Je saute de mon lit afin de me préparer. J’enfile un baggy noir, un t-shirt à manche courte gris et une veste avec une tête de mort dans le dos. Je chope également mon tour de cou au motif de squelette afin de me couvrir le bas du visage et de ne laisser que mes yeux à découvert. Hors de question que sa meuf voit à quoi je ressemble. 

Je descends en trombe dans la cuisine pour me faire couler un café en espérant réussir à le boire avant qu’ils ne débarquent. Une fois cela fait, je mets mon tour de cou et m’assois tranquillement sur le canapé tout en regardant les informations de 10h.

 

“L’identité de la victime retrouvée hier a été donnée, elle s’appelait Roma, c’était une jeune étudiante de vingt ans qui passait beaucoup de temps sur les jeux vidéos. La police va se pencher sur le réseau qu’elle utilisait le plus afin de voir si son agresseur faisait partie de ses contacts”

 

— J’ai bien fait de supprimer mon compte, lâché-je avant d’éteindre la télévision.

J’entends frapper à la porte, je me lève et pars ouvrir, et, à mon plus grand malheur, je tombe sur la copine de Teru en premier.

— Je suis trop contente de te rencontrer ! dit-elle avec enthousiasme.

Mon silence lui fait comprendre que je m’en fous royalement. 

— Teru m’a expliqué que tu n’étais pas très sociable ! continue t-elle.

Je lance un regard incendié à cette enflure qui se frotte la nuque en souriant bêtement. J’ouvre un peu plus la porte afin qu’ils entrent. J’en profite pour foutre une claque à l’arrière de la tête de Teru.

— J’ai cru comprendre qu’il fallait que je vous dépose quelque part ? Tu n’as pas le permis non plus ? questionne-t-elle.

Je ne lui donne aucune réponse et garde mes yeux fixés dans ceux de Teru. 

— Je vois, dit-elle tristement, tu n’es vraiment pas sociable. Trois heures avec toi en voiture, ça va être très long.

— Il va faire un effort, n’est-ce pas ? me demande Teru.

— Tout à fait, maugrée-je en mettant les mains dans mes poches.

Une fois tous les trois installés dans sa Toyota Mark II, elle démarre le moteur et on se met en route vers Jyväskylä. 

Durant le trajet, elle tente d’entrer en discussion avec moi, mais elle ne fait qu’échouer. A un moment, elle lance un regard à Teru qui se tourne vers moi. 

— Noah, s’il te plaît, fais un effort. 

— J’en fais un, maugrée-je.

— Il reste plus qu’une heure et demie de trajet.

— Ça va, c’est rapide.

Il soupire en se remettant face à la route, Léa me lance un regard empli de tristesse dans le rétroviseur avant de se concentrer sur sa conduite. 

 

On finit enfin par arriver à destination. Elle se gare devant la résidence où habite cette fameuse Rina. Je sors aussitôt de la voiture, j’ai besoin de détendre mes jambes et surtout, de prendre l’air. Je me mets à marcher un peu, Teru et Léa me laissent tranquille, c’est un bon point. Arrivé à une intersection, j’entre en contact physique avec une petite silhouette toute fine aux cheveux noirs. Quand celle-ci relève la tête, elle se confond en excuses. 

— Rina ? dis-je bêtement. 

— Vous me connaissez ? répond-elle surprise.

— Vite fait, par vos lives sur Twitch. 

— Oh ! Vraiment ?! Whaow ! C’est la première fois que ça m’arrive ! 

Tu ne devrais pas être contente. Ce n’est pas forcément une bonne chose. 

— Pourquoi vous vous couvrez le visage, il ne fait pas froid, au contraire, sourit-elle.

— J’ai un putain de bouton plus gros que mon nez, si ça se trouve c’est de l’herpès. 

Elle a un mouvement de recul après cela, je suis satisfait de sa réaction. 

— Désolée, dit-elle, je ne voulais pas vous blesser. 

— Je ne le suis pas. Vous avez une soirée de prévu, je ne vous retiens pas. 

Je commence à faire demi-tour quand sa main vient attraper mon poignet. Un courant électrique me traverse le corps et je reste figé.

— Vous l’avez vu sur mon live d’hier soir n’est-ce pas ?

— Je… Euh… Bien sûr, votre amie l’a dit !

— Je lui en veux ! Qui sait si parmi ceux du chat il n’y avait pas des tarés qui seraient capables de venir jusqu’ici pour ça.

— J’en fais peut-être partie, dis-je en enlevant sa main, mais ce n'est pas le cas. Sur ce, bonne soirée !

Avant qu’elle ne continue la conversation, je pars rejoindre rapidement Teru et sa copine même si je sais qu’elle est derrière moi.

— Vous vivez ici aussi ? demande-t-elle.

— Non, je suis venu visiter avec des amis. 

Putain, pas de questions. Je déteste ça bon sang ! Par chance, elle n’insiste pas et quand elle voit où mes amis et moi sommes garés, elle nous lance un regard surpris. 

— Bonjour ! dit Léa en souriant. 

Rina répond par un signe de tête avant d’entrer dans sa résidence. Teru me regarde d’un air interrogateur.

— Pas ma faute si je les attire comme un aimant, me défendé-je.

— Ah bah niveau égo, ça à l’air d’aller, lâche Léa.

Je la fusille du regard, Teru se met entre nous deux avant de lui dire qu’elle peut rejoindre l’hôtel qu’il a réservé et qu’on rentrera plus tard.

— D’accord, au moins, je sais que je ne dérangerai plus, balance-t-elle avant d’entrer dans sa voiture. 

Une fois que sa voiture disparaît de notre champ de vision, Teru me regarde en souriant tristement.

— Noah, je sais que c’est com…

— Tais-toi. 

Rina se pointe à nouveau devant nous, toute timide. On la regarde étonnés, en se demandant ce qu’il se passe.

— Dis, étant donné que tu es un follower et que tu m’as l’air sympathique, tu veux pas m’accompagner à la soirée ? 

Teru et moi nous tombons des nus. J’ai vraiment le chic pour me mettre dans des situations complètement cocasses. 

— Je sais, tu vas me dire que je ne te connais pas, si ça se trouve, tu m’as menti, mais, pour tout t’avouer, il y a un gars chelou qui risque d’y être…

— Et que veux-tu que je fasse ? Effectivement, tu ne me connais pas. 

— Noah ! lâche Teru en me tapant l’épaule.

— Bon, ok. On va t’accompagner, mais c’est pas mon truc les soirées, je te préviens ! Tu ne me présentes à personne, je n’existe pas, c’est compris ?

— Ça me va ! Merci !

— Quelle heure et où ? 

Elle sort un papier de sa poche avec toutes les indications, je lève la tête vers elle après en avoir pris connaissance.

— T’as calculé ton coup ou bien ?

— Qui ne tente rien n’a rien. Nos parents nous ont appris à ne pas faire confiance aux inconnus surtout ceux des réseaux sociaux, mais je sais pas, tu m’inspires quand même confiance. Ton ami peut venir aussi !

— Bah j’allais pas te laisser le choix en fait. Et, effectivement, écouter ses parents c’est bien aussi. A ce soir.

 

Partie 5

Après qu’elle a de nouveau disparu derrière le portail de sa résidence, Teru et moi, on se regarde, l’air complètement con de ce qu’il vient de se passer. Je sors mon téléphone pour voir l’itinéraire à suivre de chez elle à cette soirée. On a devant nous une demie-heure de marche. Il est bientôt 14h et la soirée n’est pas avant 17h30. On a donc 3h à claquer avant de se mettre en route. 

— Du coup, on va jouer les touristes en attendant ? propose Teru.

— J’aime bien l’idée. 

On décide donc de se diriger vers le centre de la ville afin de découvrir autre chose qu’Helsinki. Historiquement parlant, cette ville a été fondée par Nicolas Ier de Russie en 1837. 

J’évite tout contact avec les passants comme Teru, certains regards se posent sur moi car mon visage est toujours caché. Soudainement, je ressens comme un coup en plein ventre. Je m’arrête, Teru, inquiet me demande si tout va bien.

— Il se réveille. Je crois. dis-je le souffle coupé. 

— Tu déconnes… 

— Ai-je l’air de rigoler ? 

Je reprends mes esprits ainsi que ma route sans un mot. On décide de s’installer dans un bar afin de boire un coup. Je secoue automatiquement mon bras et une carte sort de ma manche. Je la regarde, mon cœur rate un battement : Le Joker. Je déteste cette carte. Elle signifie tout et rien. Soit elle prend la place d’une autre carte, soit on n’y prête pas attention. 

Teru la regarde, inquiet. Jusqu’à aujourd’hui, cette carte n’est jamais sortie. Pourquoi maintenant ? 

—J’ai l’impression que cette soirée va nous réserver des surprises, dis-je en balançant la carte sur la table. 

— Personne ne peut rien contre nous. Que veux-tu qu’il nous arrive ?

— Une personne peut faire quelque chose contre nous. C’est moi.

Je hais m’entendre dire ça. Mais c’est la vérité. Je suis un élément destructeur, Teru le sait. Si le Joker est de sortie, y a une raison, mais pour savoir laquelle, je vais devoir attendre ce soir.

On continue notre périple à travers la ville jusqu’à ce que ce soit l’heure d’aller à la soirée. Après trente minutes de marche, on arrive enfin à destination. Rina ne tarde pas à nous repérer et vient tout de suite à notre rencontre. 

— Vous êtes arrivés ! Le trajet s’est bien passé ? demande-t-elle

— Oui, oui. Va profiter de ta soirée, je t’ai dit de nous ignorer, répondé-je en regardant autour de moi. 

— Ah oui, c’est vrai ! Si jamais vous voyez le gars louche, vous pouvez me faire signe ? 

— Il ressemble à quoi ? questionne Teru. 

— J’ai pas de photo… Juste son pseudo.

— FreakShow666, lâché-je.

— Comment…

— Laisse tomber, file. 

Elle n’en rajoute pas et s’éloigne de nous. On part se poser dans un coin, à l’écart des autres personnes. Je passe la soirée à observer attentivement jusqu’à ce que je vois Rina se faire accoster par un homme costaud. Son regard en dit long : C’est lui. Je soupire en voyant Teru sur son portable et lui demande ce qu’il fout.

— Léa ne répond pas, ça m’inquiète. 

— Elle doit forcément dormir vu l’heure ! Ramène-toi, il est là. 

— Ce n’est que 22h ! 

— Putain Teru, on est venu pour une chose, la fille, donc l’autre c’est pas ma priorité.

— L’autre c’est ma meuf ! s’énerve-t-il.

Je claque ma langue avant de me mordre les lèvres. Il me bouscule avant de quitter la pièce. 

— Putain de bordel de merde ! lâché-je en me pinçant le nez. 

Je décide tout de même de poursuivre ma mission, je pars me mettre dos tourné, à côté de Rina. J’écoute leur discussion : 

— Alors t’as réfléchis à ma proposition ? demande Freak.

— Je te l’ai déjà dit, c’est non ! Pourquoi tu insistes ?! se défend Rina.

— Tu as tort tu sais. Je n’ai jamais aimé qu’on me refuse quoi que ce soit !

— Va falloir t’y faire car ça restera non !

Au moment où je vois le bras de Freak se rapprocher dangereusement de Rina, je l’intercepte et serre la prise. Son poignet se brise instantanément et il se met à crier de douleur. Rina, étonnée, se met derrière moi. 

— Enfoiré ! hurle Freak.

Sa voix met un silence dans la salle et tous les regards sont tournés vers nous. Je garde mon calme en me concentrant sur ma cible. Il décide tout de même de tenter une attaque mais je le mets rapidement à terre d’un crochet du pied. Je saisis le col de sa chemise et le fusille du regard. 

— Toi et moi, on va aller discuter dehors.

Il ne se fait pas prier, il se relève de suite et quitte la salle, je le rejoins à mon tour en lançant un dernier regard à Rina qui me sourit timidement. Je lis un “merci” sur ses lèvres.

Freak et moi on se retrouve à une cinquantaine de mètres de la maison, face à face. 

— T’es qui toi ? lâche-t-il en se tenant le poignet, tu vas me le payer !

— J’ai souvent entendu ça, mais bizarrement, j’ai rien payé du tout. 

Je sens mon téléphone vibrer à ce moment, je me doute que c’est Teru, mais ce n’est pas le bon moment donc j’ignore mon portable. 

— Qu’est-ce qui y a, elle te plaît aussi cette pute ? demande-t-il en esquissant un sourire. 

— Non, c’est ce que tu lui as dit qui ne m’a pas plu. Je finirai par croire, au vu de ton comportement de crevard, si c’est pas toi qui commet tous ces meurtres… 

— T’es taré mon pauvre ! rigole-t-il, juste parce que je parlais avec cette gonzesse ? 

— Je sais pas, son prénom commence par “R”, elle est brune…

Mon visage montre un signe de satisfaction quand je le vois tiqué à cela. 

— Et quoi, tu t’appelles Noah ? demande-t-il.

Mon cœur rate un battement en entendant ça. Ainsi donc, cela a vraiment un rapport avec moi ?

— Pourquoi ? demandé-je en gardant mon calme. 

— T’as cru que j’allais te le dire ? 

Je secoue mon bras afin de faire glisser une carte puis je la regarde : 10 d’épées. Alors là, ça va vraiment piquer. 

— Dis-moi, tu joues aux jeux de cartes ? demandé-je en faisant jongler la carte entre mes doigts. 

— J’ai que ça à foutre ! 

— Tu devrais. C’est vachement amusant !

Je me mets à claquer des doigts. Son poignet brisé est désormais séparé de son corps. Il se met à hurler de douleur en se mettant à genoux. 

— Tais-toi, on va t’entendre ! 

Je mime un mouvement de zip sur mes lèvres et les siennes disparaissent. Il est dans un état de panique avancé, je me régale de le voir comme ça. 

— Bien, alors, fais-tu partie de ce réseau ? demandé-je en m’agenouillant face à lui.

Il secoue violemment la tête pour me dire non. Je claque une deuxième fois des doigts et cette fois-ci c’est son bras qui se détache de son corps. Il ferme les yeux en gesticulant dans tous les sens. 

— Je ne te crois pas, dis-je, c’est quoi l’histoire avec ce Noah là ? 

J’attends de voir s’il est disposé à me répondre mais ce n’est pas le cas. Je réitère donc mon geste et son deuxième bras se détache brutalement. Le sang gicle de partout jusqu’à atteindre mon visage. Je passe ma langue sur mes lèvres pour goûter à ce liquide chaud. Je m’en délecte. Cela faisait tellement longtemps… 

— Tu es décidé à garder le silence ? Alors je vais respecter ton choix, mais je te préviens, ça va faire mal. 

Je me redresse pour me placer au-dessus de lui. Je m’amuse à claquer huit fois de plus mes doigts tout en mimant un geste de chef d'orchestre. Les membres restants de son corps se détachent, ses yeux sont arrachés, sa langue coupée. Son tronc finit par s’étaler au sol. 

— Au moins, j’ai la confirmation que ça me concerne directement. 

Mon téléphone sonne de nouveau, je réponds rapidement et mon souffle se coupe quand j’entends ce que me dis Teru : 

“Léa est morte”

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