Radio France et moi : "Dernier parking avant la plage"
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Radio France et moi : "Dernier parking avant la plage"
A l’été 2002, j’étais en vacances chez mes parents, après une année d’hypokhâgne catastrophique. Le moral n’était guère joyeux et la perspective de la rentrée, à l’université, ne m’enthousiasmait guère. C’était mon premier échec – je ne me doutais pas alors que ma vie en serait jalonnée d’autant ensuite, cela m’aurait appris à relativiser un peu.
Nous étions alors dans un appartement de famille, à la plage, à côté de Palavas-les-Flots. Contrairement aux touristes, nous ne nous y rendions jamais avant 17h car le soleil brûlait tout et il était très inconfortable de rester dans cette fournaise. Cela nous laissait l’après-midi pour effectuer une courte sieste, jouer aux cartes, écouter la radio. Et justement, cet été-là, sur France Inter, Sophie Loubière animait une émission estivale intitulée « Dernier parking avant la plage ». Le principe de cette émission consistait en la lecture de courts extraits de roman, des extraits souvent rigolos, intercalés avec des chansons sur le thème des textes. C’était comme des cartes postales lues à l’antenne. Sophie Loubière avait une belle voix, les textes sonnaient malicieusement à nos oreilles et j’avais pris un réel plaisir à l’écouter du fond de mon ennui légèrement déprimant de jeune adulte désemparé par la dure loi de la scolarité française.
Puis, je ne me souviens plus à quel moment l’annonce a été faite, Sophie Loubière fit un appel à textes : la dernière semaine de l’émission, elle lirait un texte d’un auditeur par jour, au milieu des textes qu’elle avait déjà sélectionnés. Pour cela, rien de plus simple, il fallait lui envoyer par la Poste, avant telle date et puis, on verrait bien. Il y eut alors un déclic dans mon crâne de vacancier lascif. Je devais tenter ma chance. Ce n’était évidemment pas un concours, il n’y avait pas de récompense, mais être lu par Sophie Loubière devenait pour moi une nécessité absolue, la preuve ultime que je n’étais pas aussi nul que mes professeurs de prépa l’avaient supposé et une opportunité de devenir peut-être un jour un écrivain - objectif adolescent non digéré jusqu’à présent.
Je ressortis quelques textes de circonstances, les trouvais tous nuls, et me décidai à en écrire un spécialement pour l’émission. Cela me prit deux jours. J’étais tremblant d’espoir lorsque j’ai envoyé ma lettre à Radio France. Il ne me restait plus qu’à attendre.
Lorsque vint la dernière semaine, j’étais particulièrement assidu à l’heure de Dernier parking avant la plage. Le premier jour, rien. Le deuxième jour, rien. Le troisième jour, rien, pas plus que le quatrième. Je perdis foi en mon talent et pour le cinquième jour je me retrouvais avec mes parents chez mon oncle et ma tante, loin de la radio, et de toute façon, je n’y croyais plus. Nous étions fin août, la rentrée approchait, j’oubliais cette émission, et me focalisais sur la meilleure manière de rater une année universitaire.
En septembre 2002, les plus anciens d’entre vous se souviendront des terribles inondations qui ont paralysé le Gard, la région d’Aramon, d’Alès, de Sommière, causant des dégâts matériels importants (le lycée d’Alès a dû reporter sa rentrée de trois semaines, la ligne de chemin de fer reliant Alès à Nîmes a été interrompue pendant plusieurs mois faute de pont…) et hélas aussi des pertes humaines dans plusieurs villages. Il va sans dire que la Poste ne circulait plus également. Aussi, j’avais complètement oublié Dernier parking avant la plage lorsque je reçus début octobre une lettre de Radio France contenant un CD et un petit mot de la productrice de l’émission : mon texte avait été lu le dernier jour, choisi au dernier moment par Sophie Loubière, et j’en recevais une copie sur CD-rom. Le délai d’acheminement du courrier avait seulement pris cinq semaines…
J’étais fou de joie et en même temps hyper anxieux. Mon texte avait été choisi, il avait plu à Sophie Loubière et elle l’avait lu à l’antenne ! C’était inespéré. Certes, ce n’était qu’un succès mineur, je n’avais pas gagné le prix Goncourt, mais mon ego contrarié trouvait dans cette reconnaissance la certitude qu’un jour je serai écrivain. C’était il y a plus de vingt ans et je suis devenu beaucoup de choses mais pas écrivain pour autant. Les certitudes sont bien souvent erronées dans mon cas.
J’ai mis du temps avant de glisser le CD-rom dans la chaîne hi-fi. Je voulais être parfaitement seul et disponible pour l’écouter convenablement. Je ne sais pas pourquoi j’étais incroyablement stressé. Puis j’ai entendu mon texte, lu par Sophie Loubière. Là. J’en avais la preuve matérielle. Comme j’étais heureux. Je crois l’avoir écouté une dizaine de fois cette année-là. Puis j’ai rangé le CD. Aujourd’hui, après douze déménagements, j’avoue ne plus trop savoir où il est mais ça n’a pas d’importance. J’avais 19 ans et j’avais été lu à la radio par une femme que j’admirais.
Quelques années plus tard, peut-être en 2004, au salon du livre de Paris, j’ai croisé Sophie Loubière qui dédicaçait son livre… « Dernier parking avant la plage ». Evidemment, je l’ai acheté, sans oser rien lui dire de ma participation à son émission. Son livre est vraiment chouette d’ailleurs, pour celles et ceux qui ne l’auraient pas lu. Rien à voir avec son émission : il s’agit d’un polar, bien écrit et plein de suspense, parfait pour l’été !
Stéphane Hoegel 1 anno fa
Je garde moi aussi un excellent souvenir de cette émission radio un peu décalée, complètement à part, délicieusement estivale... Et bravo (avec 21 ans de retard) pour le texte sélectionné et lu par Sophie Loubière (quelle voix !)
Gracchus Tessel 1 anno fa
Ha ha, je ne suis pas le seul à aimer la voix de Sophie Loubière, je vois! Merci pour ce commentaire!