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A la Moldue - Chapitre 25 : Miroir aux alouettes

A la Moldue - Chapitre 25 : Miroir aux alouettes

Pubblicato 7 dic 2020 Aggiornato 7 dic 2020 Cultura
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A la Moldue - Chapitre 25 : Miroir aux alouettes

 « Le Chicaneur, Édition spéciale du 21 mars 2016,

DOLORÈS OMBRAGE ARRÊTÉE, ENQUÊTE OUVERTE À POUDLARD »

 

« Le Chicaneur, Édition spéciale du 26 mars 2016,

PLUMES MALÉFIQUES RETROUVÉES, DOLORÈS OMBRAGE ACCUSÉE DE MAGIE NOIRE »

 

« Le Chicaneur, Édition spéciale du 20 avril 2016,

PREUVES ACCABLANTES DANS LE DOSSIER OMBRAGE : DES DÉTRAQUEURS SOUS ORDRES ? »

 

« Le Chicaneur, Édition spéciale du 2 mai 2016,

PROCÈS OMBRAGE : PAS DE DATE DE PREMIÈRE AUDIENCE AVANT L’ÉTÉ ! »

 

« Le Chicaneur, Édition spéciale du 12 mai 2016,

PROCÈS OMBRAGE : HARRY POTTER NE SE CONSTITUE PAS PARTIE CIVILE »

Dans la chambre de Jane Smith, les unes de journaux s’entassaient. Les papiers raturés, les articles retoqués, les monceaux de notes et autres lettres de sorciers voulant parler à Loïs Lane, emplissaient la pièce jusqu’à faire oublier qu’un jour le sol fut visible. Effondrée sur son canapé, en débardeur et boxer en lin, la jeune femme ronflait avec plaisir, tandis que son index droit trempait négligemment dans son encrier. Ses cheveux étaient emmêlés tout autour de sa tête, sa bouche ouverte laissait couler un mince filet de bave, et son ventre à moitié recouvert par le tissu, l’autre moitié par le parchemin en cours d’écriture, se soulevait à un rythme régulier.

Stoppé net dans sa lancée, Severus Snape hésitait maintenant depuis plus de dix minutes quant à l’attitude à adopter. L’homme prenait un malin plaisir à regarder l’index plonger et replonger dans l’encre, tout en n’osant s’avouer être relativement touché par cette scène. Jane dormait peu ces derniers temps, en témoignait l’étalement de son travail. Contrairement à ce que l’opinion publique s’imaginait, le Directeur de Poudlard ne s’était absolument pas pressé de la rétablir dans ses fonctions de Professeur d’Étude des Moldus, la jugeant pour l’heure plus utile à son ouvrage de sape journalistique. Et l’enchaînement des actualités contraignait donc Jane à de longues nuits blanches, et à un travail acharné, dont le résultat ne pouvait être que ce renoncement presque comique sur le canapé.

Fronçant les narines devant l’odeur de tabac froid qui semblait s’être imprégnée durablement dans cette pièce, Severus s’approcha doucement pour s’accroupir à la hauteur de l’habitante des lieux. Il la détailla un instant, esquissant un rictus moqueur devant la décontraction totale qu’elle avait, et ce doigt qui continuait toujours de se colorer dans l’encrier, puis prit une grande inspiration dans le but de réveiller « tout ça ».

Mais il se ravisa, lorsqu’un léger gémissement animal lui parvint. Non pas Jane, mais Merlin qui venait de se retourner dans son sommeil. Calé derrière l’un des genoux de sa propriétaire, le félin soupirait d’aise, heureux de voir que sa Maîtresse avait enfin compris que dormir était l’activité clef de toute vie.

Sans doute cela fut l’excuse parfaite pour être exceptionnellement délicat.

Snape retira le papier qui couvrait le ventre de la jeune femme, avant d’abaisser pudiquement son t-shirt, il dégagea également son index, rebouchant l’encrier au passage. Puis, il repoussa les mèches collées à son front, dans un geste semblable à une caresse, ce qui provoqua chez elle un marmonnement incompréhensible. Severus ne put retenir un sourire, et il recula d’un pas pour l’observer, presque avec tendresse. Enfin, il inspira profondément :

« SMITH ! »

Félin et humain firent un bond, beuglant dans leur langue respective, avant de lancer un regard unanimement meurtrier. En retour, Severus Snape leur souriait satisfait.

« Mon Dieu mais je vais vous…

— Stop ! J’ai du café. » L’arrêta immédiatement Severus, qui commençait à bien la connaître.

Jane se tut immédiatement lorsqu’il lui mit sous le nez une tasse fumante d’un café si noir qu’on avait dû secouer fermement la cafetière pour qu’il daigne tomber dans le récipient. Tandis qu’elle buvait, et que Merlin montrait avec humeur son dos à l’homme en noir qui l’avait réveillé, Severus murmura presque pour lui-même :

« Je me demande bien de quoi vous alliez me menacer…

— Hmm…

— Cela semble vraiment terrible.

— ‘Voulez quoi ? Mais il est quelle heure, au juste ?

— Midi passé. L’équipe encadrante va avoir besoin de vous pour les BUSES. »

Jane releva les yeux de sa tasse, fronçant les sourcils, attendant qu’il lui explique précisément sa pensée.

« Les BUSES, Jane… Les Brevets de…

— Je sais ce que c’est, je vous demande ce vous voulez dire par « vous avez besoin de moi ».

— Pas moi, l’équipe… Bon. Les BUSES vont commencer au 6 juin, et il va falloir des surveillants supplémentaires. Rusard fera partie des encadrants, alors pourquoi pas vous ?

— Oui, pourquoi pas moi, en effet… Ce n’est pas comme si j’étais déjà surchargée et que… Pourquoi Albus ne m’a-t-il pas directement annoncé la nouvelle ?

— Il est déjà occupé à plein temps avec l’enquête au sujet d’Ombrage, et… Le reste. Et avant que vous ne demandiez : il est bon que les élèves vous revoient peu à peu comme une figure d’autorité… Si tant est qu’un jour ils l’aient fait.

— C’était le cas, Severus… On me comparait à vous. »

Ce rappel ne déclencha qu’un reniflement dédaigneux de la part du susnommé qui n’aimait pas avoir de la concurrence sur ce terrain.

« Peu importe. Vous êtes réquisitionnée du 6 juin au 17.

— DEUX SEMAINES ?! Mais, mais…

Potentiellement, nous attendons l’organisation définitive de Minerva qui doit annoncer le système de rotation.

— Mais pourquoi me le demander ? Sérieusement, Severus, je n’ai vraiment plus de temps…

— Vous croyez que j’en ai peut-être ? J’enseigne, j’espionne, je surveille, et je sers de réveil.

— Si vous enseignez de la même manière que vous réveillez les gens, aussi…

— Nous sommes en sous-effectif, Jane. Il nous manque un Professeur de Défense Contre les Forces du Mal, et bien que Trelawney ait repris ses activités, on a besoin de monde, surtout après toutes ces polémiques. »

Jane se leva pour aller se chercher une cigarette, et l’alluma sans même se préoccuper de son invité. Invité qui oublia qu’il ne supportait pas la fumée. Oubli imputable à un petit boxer en lin. Jane tira quelques bouffées en buvant son café, avant d’enfin demander :

« Mais pourquoi n’a-t-il pas repris quelqu’un ?

— Il m’assure que personne ne s’est présenté au poste, par peur de la situation actuelle. Mais il est très sibyllin au sujet de cette matière, répondit Severus après un instant.

— Certes, je sais bien que ce n’est pas trop le moment de jouer avec le Ministère qui a très mal digéré cette histoire, mais…

— Smith, je ne sais pas, j’ai autre chose à faire, et il serait temps de vous habiller, il me semble ! »

Jane sursauta devant ce brusque changement d’humeur, avant de comprendre qu’elle était presque indécente. Surtout au regard des critères sorciers. Que dire donc de ceux de Severus Snape ? Elle se releva en vitesse et attrapa sa robe de chambre qui pendait sur le secrétaire, avant de se retourner prête à présenter ses excuses. Mais l’homme en noir était parti.

séparateur A la Moldue fanfiction Harry Potter

Jane Smith était loin d’être la seule à arborer des cernes violets et disgracieux. La nuque rompue sur leur copie, l’ensemble des cinquièmes années, dormait à moitié sur l’épreuve écrite de Sortilèges. Et Harry Potter ne faisait certainement pas exception. Harassé par des nuits passées à visiter inlassablement le même couloir sans parvenir à franchir la porte, le jeune homme se sentait au bord d’un immense précipice dangereux.

Car il savait qu’il n’avait pas à rêver de cela, à le souhaiter, et encore moins à laisser faire. Et, malgré les cours d’Occlumancie avec son Professeur de Potions, Harry continuait d’avoir ces visions. Et s’il se sentait incroyablement coupable de désirer ardemment découvrir ce que Voldemort cherchait tant à lui cacher, au fond de lui, il ne pouvait s’empêcher de sentir la honte l’étreindre : ces rêves étaient la preuve que Snape avait raison, son esprit était trop faible.

Harry pesta, et Smith lui glissa un « chut » discret, couvert par le deuxième de l’examinateur, sec et tranchant. Il secoua la tête en guise d’excuse, et retourna à son devoir, où les questions dansaient sans qu’il ne puisse réellement les lire. Il y répondait d’ailleurs très machinalement, incapable de se concentrer.

Avait-il fait une erreur en refusant de témoigner dans le procès d’Ombrage ? Après tout, il était sa principale victime et…Harry fronça les narines de dégoût. Il n’était pas une victime. Il n’était pas faible. Et il savait discipliner son esprit. À commencer par sa concentration. À commencer par ses examens !

Alors qu’il trempait inutilement sa plume dans l’encrier dans un geste machinal, il ne se rendit pas totalement compte que le bruit de pas de l’examinateur s’estompait peu à peu, passant d’un simple mouvement à ses côtés à un battement régulier, martelé avec précision sur une surface dure.

Tap Tap Tap

Ce bruit le détendait, alors qu’il avait la curieuse impression d’être sur le point de tuer quelqu’un. Pas simplement de le torturer. De le tuer. Avec quel sortilège au juste ? Avec le genre qui lui ferait probablement rater son examen, il en était sûr, mais qui lui ferait beaucoup de bien sur le moment.

Tap Tap Tap

Harry sourit d’un sourire malsain. Il perdait patience et le Mangemort en face de lui ne s’en rendait manifestement pas assez compte. Rockwood était à ses pieds, les épaules contractées d’appréhension, n’osant le regarder. Tout en lui annonçant très simplement qu’ils ne savaient toujours pas comment s’emparer de la Chose. Alors qu’il s’éternisait en détails inintéressants, Harry accéléra le rythme que ses doigts battaient sur les accoudoirs de son fauteuil, faisant s’arrêter net son fidèle, qui dégluti.

« Maître… commença-t-il, Nous ne sommes certains de rien.

— …

— Et… Enfin, les informations données par Lucius Malefoy ne sont pas complètes, Maître. »

Tap Tap Tap

Le Mangemort jeta un regard inquiet à son supérieur. Lorsque Lord Voldemort se taisait, c’était rarement bon signe.

« M…Maître ? se risqua-t-il

— Endoloris. »

L’ensemble des serviteurs n’attendit pas les premiers hurlements de douleur pour rentrer instinctivement la tête dans les épaules. Tandis que Rockwood se tordait au sol, sa voix résonnant dans tout le salon des Jedusor, Voldemort demanda en criant par-dessus les suppliques :

« L’un de vous a-t-il l’intention de m’être utile ? »

Les masques se tournèrent les uns vers les autres dans un mouvement désespéré et abruti. Il était évident qu’aucun d’entre eux n’avait la moindre amorce de plan. Lucius s’avança pourtant d’un pas, son masque fuselé à la perfection s’inclinant rapidement, et on put l’entendre clairement se racler la gorge, avant de bredouiller quelque chose.

« Je ne t’entends pas, Lucius. Ton ami Rockwood hurle beaucoup trop fort. » S’amusa le Mage Noir en maintenant pourtant le sortilège de Doloris.

Cela déclencha un nouveau frisson d’horreur que beaucoup eurent du mal à réprimer. Pourtant, Malefoy ne renonça pas, et haussa d’un ton :

« Je disais qu’il y a peut-être un moyen de s’en emparer.

— Je t’écoute, acquiesça Voldemort en cessant immédiatement le sortilège.

— Il suffirait simplement d’utiliser… 

— Pssst, Potter réveillez-vous ! » Murmura une voix lointaine.

Harry eut l’impression de tomber lourdement sur sa chaise, et il sursauta dans un réflexe violent qui surprit Jane. Elle recula, le regardant d’un air tout à la fois choqué et réprobateur. Dans la Grande Salle, beaucoup d’élèves avaient cessé de gratter les parchemins, et la grande horloge magique enchantée spécialement pour l’occasion leur annonçait que l’épreuve serait bientôt terminée.

Reprenant peu à peu ses esprits, le Gryffondor ne put s’empêcher de jeter un regard mauvais à Smith qui l’avait empêché de connaître le plan de Lucius Malefoy. Il fut bien tenté de se rendormir immédiatement dès qu’elle aurait eu le dos tourné, mais la page quasi blanche qu’affichait sa table le dissuada. Sans dire qu’il avait grand espoir de décrocher ses BUSES ou même que cela soit son principal objectif à ce moment précis, Harry ne voulait pourtant pas rater totalement ses examens. Il reprit la plume, et tenta de se reconcentrer… En vain.

« Posez vos plumes, fermez vos encriers, et mettez vos mains en évidence. » Tonna le surveillant principal, envoyé du Ministère.

Un geste général et quelques soupirs d’angoisse froissèrent le silence. Harry haussa les épaules : tant pis, il aurait peut-être la moyenne. Attendant impatiemment d’être libéré de l’épreuve, le jeune homme ne se rendit pas tout à fait compte que sa jambe tremblotait d’agacement. Quand l’examinateur accrédité lui enleva son parchemin en feignant de ne pas regarder le célèbre Harry Potter, celui-ci se leva rapidement, s’emparant de son sac qu’il n’avait même pas daigné fermer.

« Hey ! Harry, attends ! lui cria Ron en le faisant s’arrêter à contrecœur.

— J’ai pas l’temps, là… Je…

— Pas le temps de quoi ? On a quinze minutes de pause avant le déjeuner, on est tranquille !

— Justement, je veux vérifier à la bibliothèque une réponse que j’ai marquée, je ne suis pas sûr que… répliqua le brun soudainement inspiré.

— C’est plutôt l’genre d’Hermione, ça… D’ailleurs où est-elle ? À la bibliothèque, tu crois ? Attends, on y va, on va voir. »

Harry manqua d’aller envoyer proprement son meilleur ami sur les roses, mais il n’avait rien pour se justifier. Il était pressé de quoi, au juste ? D’aller faire une sieste, à dire vrai… Pour savoir la suite. Et il était suffisamment conscient de la bêtise de sa pensée pour se contenter de soupirer et d’emboîter le pas au roux docilement. Même si l’envie ne le quitta pas de la journée, Harry ne tenta pas le diable, et alla se coucher le soir tout à fait normalement.

Malgré le probable échec de ses BUSES, il était d’une humeur extrêmement bonne. Il sentait une pleine satisfaction de lui-même, une vraie confiance en lui, doublée de l’impression d’avoir bientôt ce qu’il désirait depuis longtemps. Abaissant son regard vers le sol, Harry ne put s’empêcher de sourire triomphalement à son hôte : prostré dans ce qui semblait être sa tenue de chambre, les cheveux en bataille et la respiration sifflante, Sirius Black tremblait légèrement suite aux différents sorts lancés.

« Je le répète une dernière fois : donne-la-moi ! »

En guise de réponse, Black lui offrit une sorte de rire qui ressembla plus à un jappement animal qu’à un esclaffement. Sa voix était légèrement déformée, mais peut-être était-ce dû à son état physique ?

« Tu peux me tuer, finit-il par répondre. Je ne compte pas trahir l’Ordre, ni Harry.

— Oh… Mais tu mourras, Black. Crois-moi, ta cousine n’attend que cela. Mais avant, tu vas me la donner, tu vas la prendre pour moi. »

Sirius ne répondit pas, et Harry grimaça de rage avant de lever sa baguette pour lancer un nouveau Doloris. Le hurlement de son parrain s’éleva dans cette étrange cathédrale qui lui était inconnue. « Mais comment étaient-ils arrivés jusqu’ici ? » S’interrogea le Gryffondor mentalement. Le souvenir d’un ascenseur et d’un long couloir lui revenait en tête. Ah oui, le Département des Mystères. Quatrième porte à droite la salle des…

 « J’ai tout mon temps, Black… Personne ne t’entendra hurler ici. » Susurra Harry en levant sa baguette pour arrêter le sort un court instant.

Sirius tremblait à présent de tout son corps, ses épais cheveux s’emmêlaient devant son visage en sueur.

« Je ne suis pas Queudver, moi, finit par cracher le Maraudeur d’une voix brisée.

— En effet. À l’aube, ton vieil ami sera encore en vie. »

Harry se réveilla brutalement en sueur, dans son lit rouge et or. Pendant une fraction de seconde, cela le rassura, jusqu’à ce qu’il panique en se remémorant « son rêve ». L’air lui manqua, et il repoussa ses couvertures pour se précipiter en trombe sur le lit de Ron, avant de s’arrêter net.

Le garçon reprit sa respiration, lentement, et pivota sur lui-même pour retourner à son lit. Mais, au lieu de se recoucher, il chercha sous son matelas le miroir. Il devait être deux heures du matin, peut-être ? Mais Harry s’en moquait : il espérait justement réveiller son parrain.

« Sirius, Sirius ! » Chuchota-t-il avec empressement.

Personne ne lui répondit, et l’estomac de Harry se contracta douloureusement, lui envoyant des frissons dans tous les membres. L’air lui manqua, et il sentit le chagrin lui picoter les yeux et le nez, lorsqu’un gémissement lui répondit :

« Mmmmh ? Harry ? Qu’est-ce qui se passe ?! »

Malgré le sommeil, la voix de Sirius se perdit dans des accents d’inquiétude, alors même que son filleul se détendit immédiatement en l’entendant. Il soupira, et se laissa retomber sur le lit, la tête tournant de bonheur.

« J’ai cru que… J’ai rêvé que…

— Attends, attends. Reprends ta respiration, là. Tu as rêvé de quoi ?

— De toi et de Voldemort. Il t’avait capturé et emmené… Au Ministère, au Département des Mystères, je sais plus où… Et il voulait… Enfin il voulait le truc qu’il veut quoi. »

Dans le miroir, Harry put clairement voir le visage de Sirius, et il esquissa un sourire malgré ce que ses révélations impliquaient. De son côté, son parrain fit une moue, en réfléchissant.

« Bon. Tu vas aller voir Snape, d’accord ? Tu dois lui raconter ce que tu as vu, avec précision. Je veux que tu n’omettes rien Harry, c’est bien compris ?

— Attends, mais pourquoi ne pas aller voir Dumbledore directement ?

— Parce qu’il n’est pas ton Maître Occlumens. Va voir Snape, l’Ordre avisera ensuite.

— Sirius attends, qu’est-ce que… ? »

Le miroir redevint gris. Harry sentit une bouffée de colère l’envahir avant de se reprendre immédiatement et de se souvenir de ce que venait de lui ordonner son parrain. Il enfila une robe de chambre et ses chaussons, attrapa sa carte du Maraudeur, maudit une nouvelle fois Snape pour sa cape, puis quitta la salle commune de Gryffondor.

Arrivé devant le bureau de son Professeur de Potions, Harry frappa deux fois de suite, sans pour autant obtenir de réponse. Malgré le caractère impossible de son Professeur, il lui paraissait impensable que l’homme n’ouvre à personne au vu de ses occupations dans l’Ordre et… « Peut-être est-il en réunion avec Voldemort ? » Se demanda Harry vaguement. Mais il en doutait, en pleines BUSES, Voldemort ne serait pas assez fou pour prendre le risque que Snape soit absent, et donc éveille des soupçons.

Il allait se diriger dans le bureau du Directeur de Poudlard, quand une folle idée lui vint en tête. Trop folle pour être réaliste, même selon ses critères, et pourtant… Il bifurqua à droite, passa un ou deux couloirs, et s’arrêta devant la porte incriminée. Il perdait trop de temps ! Prenant son courage à deux mains, il toqua.

« Harry ?! Mais que faites-vous ici à une heure pareille ? lui demanda une Jane éberluée encore en robe cintrée.

— Heu… Je… JechercheleProfesseurSnape. » Bredouilla-t-il en se rendant compte de ce qu’il venait de sous-entendre.

Jane ouvrit la bouche et écarquilla les yeux. Dans son dos, Harry entendit distinctement le bruit de quelqu’un s’étouffant avec un liquide et crachotant, ce qui renforça son inquiétude et son choc.

« Vous êtes définitivement suicidaire, Harry Potter. » Gronda une voix glaciale derrière la jeune femme qui frissonna d’appréhension en même temps que son étudiant.

Elle s’effaça pour le laisser entrer, et Harry regretta presque immédiatement que son instinct lui avait soufflé la bonne porte. Dans le salon de Smith, près du feu, se tenait Severus Snape, manifestement en train de boire un verre et de disputer une partie d’échecs – qu’il gagnait. Harry se dit l’espace d’un instant que cette information était à garder en tête pour y réfléchir plus tard, lorsque Snape interrompit le fil de ses pensées avec brutalité :

« Qu’est-ce que vous me voulez, Potter ?! »

La question ne portait même pas sur le fait que Harry ait pensé qu’il le trouverait dans les appartements de la Moldue. Et tout le monde releva silencieusement ce fait, ce qui – étrangement – ne fit que rendre l’ambiance de la pièce plus glaciale et incertaine, encore. Mais Harry secoua la tête, reprenant contenance.

« Je suis désolé. Je crois que c’est grave, mais je ne peux en parler devant elle… »

Jane et Snape haussèrent le même sourcil, en même temps. Elle, parce qu’elle se sentait insultée, et lui parce qu’il était surpris de l’intelligence soudaine de son élève. L’espion jeta un regard à la Moldue, avant de prendre sa décision :

« Non, vous pouvez. Elle fait partie de l’Ordre. »

Après sa longue explication, durant laquelle ni Smith ni Snape n’avait bronché, Harry s’arrêta, guettant la réaction de son Professeur de Potions qui le regardait avec une gravité qu’il lui accordait rarement. Plus rare encore, l’homme en noir n’avait fait aucune remarque sarcastique lorsque le brun avait évoqué l’ordre de Sirius. Ce n’est qu’en se levant qu’il déclara sans même les regarder tous deux :

« Jane, vous savez quoi faire. Potter, vous avez bien fait. »

Lorsqu’il ferma la porte, la pièce redevint plus silencieuse qu’à l’instant d’avant, et Jane perdit patience au bout de vingt bonnes minutes et alla se lever leur servir à boire. Harry, sonné quelque peu par ce manque de réponses, hésita avant de demander d’une voix timide :

« Vous faites partie de l’Ordre depuis combien de temps, en fait ?

— Depuis le retour de l’Autre, répondit-elle en choisissant de mentir.

— Ah. Je savais pas.

— Il y a beaucoup de choses que vous ignorez, Harry.

— Oui… Je sais. Mais je veux dire que vous n’en aviez pas l’air.

— Les apparences sont trompeuses. »

Ils se regardèrent un instant, avant que le plus jeune ne détourne les yeux en rougissant et bredouillant.

« Désolé d’avoir gâché votre soirée… »

Jane se mordit la joue, comprenant ce qu’il voulait dire.

« Les apparences sont vraiment trompeuses.

— C’était un rêve, vous croyez ? changea soudainement Harry de sujet.

— Je ne sais pas, j’en doute. Au vu de la réaction de Sev-Du Professeur Snape, je dirais que non. Mais c’est lui le spécialiste.

— Il est allé où ?

— Je l’ignore. Prévenir Dumbledore, je suppose ?

— Pourquoi il ne l’a pas fait depuis votre cheminée ?

— Parce qu’on ne sait pas si le Ministère ne les surveille pas encore.

— Ah. Mais pourquoi... 

— Vous posez vos questions à la mauvaise personne, Potter. » Coupa Snape qui avait fini par revenir, accompagné.

Le Maître des Potions s’écarta de l’embrasure pour laissez-passer Dumbledore, qui traversa la pièce d’un pas vif et inquiet.

« Harry, baisse les yeux s’il te plaît, je ne veux pas qu’Il nous voie. Nous avons peu de temps. »

Cette demande incongrue les inquiéta tous, à l’exception de l’espion, mais le Gryffondor s’exécuta immédiatement, sans protester.

« Ce que tu as vu ce soir n’était pas un rêve. C’était une vision, mais pas une vraie, comme tu as pu le comprendre en parlant à Sirius. C’était d’ailleurs un excellent réflexe que tu as eu Harry, bravo !

— Bravo me semble même en dessous de l’exploit pour Monsieur Potter, ponctua Severus.

— Mais c’est bien Voldemort qui t’a envoyé cette vision. C’est également pour cela que je veux que tu gardes les yeux baissés. Vous partagez un lien tous les deux. Dans les deux sens.

— Cela n’a rien à voir avec la Legilimancie, alors ?

— Non. Les aptitudes naturelles du Seigneur des Ténèbres ne font qu’accentuer cela, et lui permettent simplement de faire ce qu’il vous a fait ce soir, répondit Snape.

— Et j’évite d’être trop proche de toi depuis le début de cette année, car je redoutais qu’il soit tenté de t’utiliser contre moi…

— Que pourrait-il faire ? Il ne peut que tenter de mettre des pensées dans ma tête, et…

— Ça n’est pas assez à vos yeux, Potter ?

— Nous ignorons à quel point il peut te manipuler Harry, coupa court Dumbledore. Ce n’est pas un risque que je souhaitais prendre.

— Que comptait-il faire au juste ? Me faire peur à propos de Sirius ?

— Et qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas eu confirmation que Black était en vie, Potter ? » Lui répondit Snape sans prendre de gants.

Le feu crépita, et Jane en profita pour aller s’allumer une cigarette scrutant avec appréhension la scène. Harry réfléchissait à la question, le vieux Directeur de Poudlard semblait triste, et Severus restait impassible. Mais pour Jane qui commençait à reconnaître certains masques, Severus était contrarié et stressé.

« Je… Je crois que j’aurais prévenu quelqu’un… commença doucement Harry d’une voix lointaine.

— Vraiment ?

— C’est ce qu’il a fait au final, Severus… intervint Jane pour la première fois, les sourcils froncés.

— Non. Il a raison… Quand Sirius a mis du temps… J’ai envisagé l’espace d’un instant de… »

Harry baissa les yeux, se rendant compte d’à quel point il pouvait réagir sans réfléchir, et il rougit à la pensée du danger qu’il aurait couru inutilement.

« Il est fort probable que Voldemort t’ait incité à réagir comme ça, tu sais, commenta avec douceur Dumbledore. Et il est parfaitement possible qu’il s’attende à ce que tu ailles au Ministère. » Termina-t-il en rajustant ses lunettes sur son nez dans un geste nerveux.

Snape pinça des lèvres, et Jane entrouvrit la bouche en commençant à comprendre ce qui se tramait depuis quelques mois entre eux. Elle tenta de s’abstenir d’intervenir, mais elle écarta cette possibilité d’un claquement de langue furieux :

« Dites-lui ce que vous voulez. Mais pour une fois, soyez franc et direct, Albus ! »

Étrangement, Snape ne broncha pas devant la façon avec laquelle elle interpellait leur supérieur. Jane comprit donc qu’il n’était pas plus enthousiaste que lui devant cette idée dangereuse et plutôt amorale. Albus se redressa, dans une posture grave et ferme, et le vieil homme s’effaça immédiatement pour laisser place à un Général prêt à donner des ordres. Malgré le fait qu’il gardait les yeux baissés, Harry Potter eut le réflexe de se camper sur ses pieds, tel un soldat au garde-à-vous.

Cela aurait pu être comique, si ce n’était pas exactement ce qui se passait.

« Voldemort veut s’emparer d’une chose au Département des Mystères. Et seuls toi, ou lui pouvez y accéder. Souhaitant à tout prix éviter de se dévoiler en prenant d’assaut la place, il cherche à t’y attirer.

— …

— L’endroit que tu as vu, le lieu précis où Sirius aurait été retenu captif, est l’allée où se trouve cette chose. Il a passé l’année à chercher un moyen de s’en emparer sans révéler son retour, jusqu’à ce qu’il apprenne le lien qui vous unit.

— Nous manquons de temps, Monsieur le Directeur, cela fait déjà plus d’une heure.

— Je sais Severus, répondit Dumbledore d’une voix pressée. Harry, tu n’es pas obligé d’accepter, mais…

— Vous voulez que j’y aille, c’est ça ? Vous croyez que si je prends cette chose, il tentera de me la voler ? Sous les yeux du Ministère ?

— Qui finira par être prévenu une fois Voldemort arrivé sur les lieux, acquiesça Dumbledore.

— Je vais servir d’appât, en gros.

— Oui.

— Et vous vous attendiez à en arriver-là depuis le début des cours avec Snape ?

— … Oui. »

Jane tira une longue bouffée sur sa cigarette par pur réflexe, et regarda avec inquiétude le garçon, qui venait de voir une décennie entière s’ajouter à ses traits. Mais Harry ne pipa mot, et s’approcha de l’âtre, laissant les flammes danser devant ses yeux pendant qu’il réfléchissait.

« Qu’est-ce qui est gardé au Ministère ? » Demanda-t-il rudement.

Les deux sorciers plus âgés échangèrent un bref regard, avant de poser une question muette à la jeune femme, surprise de se voir intégrée à la décision. Pour Jane, la réponse était évidente et aurait dû être amenée depuis des mois, elle hocha donc la tête sans hésitation.

« Une prophétie, finit par répondre le Mage Blanc. Qui concerne et lie Voldemort à toi. Annonçant la venue au monde d’un garçon qui le détruira.

— … C’est tout ? se retourna Harry, choqué.

— C’est ce qui a tué vos parents, gronda Snape à brûle-pourpoint.

— Severus… Non. Voldemort a eu la prophétie, mais pas en entier. Et il croit que c’est le fait qu’il lui manque la fin qui l’empêche de te vaincre.

— Que dit précisément cette prophétie, au juste ?

— Les mots sont enfermés dedans, au Ministère. » Rétorqua le vieil homme sans même ciller devant ce qu’il était en train de faire.

Jane alla protester quand Harry lui coupa l’herbe sous le pied.

« Je vois… Que cela soit vous, ou lui, vous jouez avec ma curiosité pour que j’aille le découvrir par moi-même…

— Harry, si vous ne voulez pas… commença Jane.

— Si, il le faut. C’est l’occasion ou jamais de tendre un piège à Voldemort. »

Jane était obligée de courir tant Severus avançait à grandes enjambées. Loin devant eux, Harry, escorté d’Albus, se dirigeait droit en direction des grilles de Poudlard. Haletante, et anxieuse, la Moldue peinait à retrouver son souffle tandis qu’elle essayer d’interpeller le Maître des Potions.

« Severus, c’est de la folie pure, vous ne pouvez pas le laisser y aller seul.

— Il n’ira pas seul, Miss Smith, lui rétorqua-t-il par-dessus son épaule. Puisqu’un membre de l’Ordre va le transplaner près de l’entrée du Ministère.

— Peu importe ! Vous savez exactement ce que je veux dire, si jamais le plan échouait et que…

— Rassurez-vous, le Seigneur des Ténèbres sera au rendez-vous. Je m’en assurerai. »

Jane stoppa net et il s’arrêta dans un même geste avant de se retourner.

« Vous avez peur ?

— …Vous plaisantez ? S’il se faisait tuer ? Hein ? Si vous étiez découvert, ou que… Je sais pas moi… ! »

— Vous vous sentez impuissante ? » Lui demanda l’homme en noir après l’avoir rejoint tout à fait.

Snape lui faisait face, la dépassant d’une bonne tête. Sa silhouette sombre et impressionnante se découpait dans la lumière de la lune, projetant une grande ombre sur la jeune femme. Elle le regarda un instant, ne distinguant pas réellement son visage dans le noir, imaginant plus ou moins simplement ses yeux la fixer sans émotion. Il avait l’air d’un mort, et il avait l’air tout à fait capable de la répandre autour de lui… Elle hocha la tête dans un « oui » qui resta à jamais coincé dans sa gorge.

« Vous l’êtes. »

Loin de cet échange, Harry et Dumbledore atteignirent le portail où les attendait un énorme chien noir. Harry hoqueta de surprise devant Sirius, qui reprit forme humaine.

« Qu’est-ce que tu fais ici ? bredouilla-t-il.

— C’est moi qui vais t’amener.

— Mais, mais… Si on te découvre ?

— Snape est là pour ça, répliqua l’Animagus tandis que le Maître des Potions les rejoignait.

— Le Polynectar ne durera qu’une heure, tâche de ne pas te faire immédiatement repérer par les enchantements, Black.

— T’en fais pas, j’ai encore d’excellents réflexes.

— Prends ça, également, lui ordonna Snape en lui tendant un paquet. Si ça ne marche pas, vous en aurez besoin.

— Qu’est-ce que… 

— Laisse Sirius, je t’expliquerai plus tard, promit Harry en découvrant sa cape d’invisibilité soigneusement pliée.

— Vous avez peu de temps, je pense. Nous avons pris du retard, et Il viendra très vite vous chercher.

— À quoi doit-on s’attendre ? demanda Harry qui faisait de son mieux pour que sa voix ne déraille pas.

— Malefoy, Bellatrix… peut-être d’autres, je ne sais pas. On n’a plus le temps. »

Snape poussa rudement le bras de Sirius pour lui ordonner de boire. Le Maraudeur s’exécuta, et se transforma peu à peu sous leurs yeux en un étudiant inconnu de septième année grassouillet, au visage parsemé de boutons d’acné. Ni Harry ni Sirius n’eurent le temps de s’émouvoir de ce choix, car Dumbledore leva sa baguette en guise de signal et ouvrit les portes de Poudlard d’un seul geste. Harry agrippa le bras de Sirius, et ils disparurent dans un « pop » sonore.

Ils atterrirent brutalement sur les pavés de Londres dans une petite ruelle déserte, entre deux poubelles puantes. La pluie qui tombait en abondance les trempa immédiatement. Sirius s’empressa de passer devant Harry pour le mener à la cabine téléphonique. Son parrain s’empara du combiné et la magie opéra, faisant glisser la cabine comme un ascenseur rapide.

Lorsqu’elle s’immobilisa, avant même que ses portes ne s’ouvrent, une voix métallique résonna :

« Nom, destination et raison de votre présence ici.

— Heu…

— Harry Potter et Étudiant Boutonneux, Département des Mystères... Récupération de Prophétie.

— Mais enfin Si…

— Chuut. »

Il y eut le bruit d’un moulinage et d’une impression poinçonnée sur une pièce, et enfin, tous deux purent prendre leur badge. Un badge « Harry Potter, Département des Mystères, Rendez-vous avec le Destin » et un badge « Sirius Black sous Polynectar, Département des Mystères, Accompagnement de Destinée ». Harry hoqueta en voyant celui de Sirius, qui une fois qu’il s’empara du sien, vit le charme de la potion disparaître.

« Hmm, Snape devait s’en douter, c’est pour cela qu’il nous a donné la cape, d’ailleurs pourquoi est-ce qu’il…

— Mets-la et avançons. »

Se rappelant à leur mission, Sirius obtempéra en silence, et ce fut Harry qui ouvrit la marche, baguette levée. Il était déjà venu dans le grand hall du Ministère pour son audience disciplinaire, et se dirigea directement vers les ascenseurs, ne relevant même pas la tête devant les immenses tentures dévoilant un Cornélius Fudge dans une posture de Chef de Guerre incontestable. Harry annonça directement l’étage visé, et il fut surpris de voir que l’ascenseur l’y menait sans broncher. Pour un « Département des Mystères », il n’était pas bien gardé.

« C’est parce que tu as une raison d’y aller. » Lui expliqua Sirius qui comprit le froncement de sourcils de son filleul.

Après une descente en piqué plutôt angoissante, la structure s’arrêta devant un immense couloir plongé dans les ténèbres. Harry avança doucement, hésitant sur le moment. Il avait déjà fait ce trajet en songes, il savait exactement comment était fait ce couloir. Il accentua donc son sortilège de Lumos, car la lumière dans cet étrange endroit paraissait être absorbée par les murs noirs, et il se dirigea vers la porte qu’il recherchait.

À mesure que ses pas le rapprochaient de la poignée, le garçon sentit une peur l’étreindre. Non pas celle d’avoir à risquer sa vie ou à croiser très probablement Voldemort en chemin, mais de découvrir la teneur véritable de cette prophétie. À quel point était-elle importante… ? Et quel rôle devait-il réellement jouer dedans ? Il était devant la porte, et sa main s’avança machinalement en direction de la poignée. Harry hésita, puis l’actionna. Sirius passa à sa suite, prenant bien soin de garder sa cape en place.

La salle était plus impressionnante que dans sa vision. Il s’agissait d’une immense cathédrale habitée par des rayons de bibliothèque. En lieu et place des livres, des petites sphères de tailles différentes produisaient une lueur bleutée qui baignait la pièce d’une ambiance mystérieuse. Harry se mordit la lèvre, et avisa une des étagères pour vérifier le numéro de l’allée, puis se mit en marche.

« 36… 38… 40… Ah ! 42. »

Il s’arrêta à l’entrée de l’allée, et se sentit mal à l’aise. Dans sa vision, c’était à ce carrefour qu’il torturait Sirius. « Que Voldemort le torturait ! » Se corrigea-t-il mentalement. Harry chassa d’un mouvement de baguette cette pensée, dans un geste irréfléchi, et la lueur de l’extrémité de celle-ci éclaira une petite plaque gravée : « Harry Potter / Tom Elvis Jedusor a.k.a Voldemort ». Le Gryffondor sentit une chape de plomb lui tomber sur l’estomac. Elle existait bel et bien, elle était devant lui, et ce simple fait lui donna le vertige.

Immobile et silencieux, toujours camouflé sous la Cape d’Invisibilité, Sirius le laissa y aller à son rythme. Harry resta une minute ou deux à observer la plaque sans rien dire. La boule de cristal n’était pas grande, peut-être de la taille d’une balle de tennis. Elle ne brillait pas beaucoup, et avait un socle plutôt simple. En comparaison avec d’autres prophéties plus grosses et à l’armature ouvragée, celle qu’il avait devant lui ne payait vraiment pas de mine. Cela le vexa quelque part.

S’humectant les lèvres, il se décida à avancer une main tremblante, et s’empara de la sphère qui pulsa doucement dans sa main. Harry la porta à ses yeux, mais il ne se produisit absolument rien, en dehors d’un battement léger, comme celui d’un cœur. Peut-être fallait-il… ?

« Il y a une formule pour révéler le contenu d’une prophétie. » Annonça une voix grave à l’accent londonien impeccable.

Harry tressaillit, choqué de ne pas avoir entendu l’intrusion, et se retourna pour faire face à son interlocuteur.

« Tout doux, Potter, calma Lucius Malefoy la baguette pourtant pointée dans sa direction.

— Qu’est-ce que vous faites ici ? Où est Sirius ? se rappela soudainement Harry de jouer la comédie.

— Tu parles de la petite vision que tu as eue… ? Allons, Potter ! Severus semblait pourtant être un meilleur professeur... Ce n’était rien de plus qu’une illusion. En revanche, ce que tu tiens dans ta main est bien réel, et si tu souhaites l’ouvrir, tu vas avoir besoin de la formule.

— J’aurais cru que le petit bébé Potter serait venu avec son copain le roux et sa Sang-de-Bourbe. À moins qu’ils ne veuillent plus de lui… ! » Piailla une voix féminine qu’Harry ne connaissait pas.

À ses côtés, il sentit Sirius s’agiter brusquement, et lorsque le garçon redressa sa baguette, la lumière dévoila le visage moqueur de Bellatrix Lestrange. Le souvenir de ce qui était arrivé aux parents de Neville lui revint en tête, mais avant même qu’il ne puisse réagir, son parrain rejeta brusquement la cape, et hurla « EXPULSO ! ». Bellatrix et Malefoy choqués par la présence du Maraudeur n’eurent pas l’occasion d’esquiver, et furent projetés loin en arrière. Les deux premières rangées de bibliothèques qui bordaient Harry et Sirius basculèrent également.

 « Vite Harry, sortons ! » Lui ordonna son parrain, tandis que par un jeu de dominos, les étagères tombèrent les unes sur les autres, dans un fracas assourdissant de bris et de lumières d’évaporation de prophéties.

« RATTRAPEZ-LES ! ILS NE DOIVENT PAS S’ÉCHAPPER ! LE TRAITRE EST À MOI ! » Hurla la voix nasillarde de Bellatrix.

Sirius continuait de pousser Harry vers la sortie, courant à moitié retourné pour lancer des sortilèges dans leur dos. La main fermée avec conviction sur la petite sphère, le garçon obtempéra en se concentrant sur la porte qui lui semblait trop loin. Des bourrasques tourbillonnaient autour d’eux, et Harry eut l’impression d’apercevoir un visage à l’intérieur. Alors même qu’il tournait la tête pour mieux regarder, un trait de lumière bleue le frôla et alla dissoudre les ombres et le visage.

« NE T’ARRÊTE PAS, À LA PORTE, VITE !! » Lui hurla Sirius après avoir jeté le sort sur le Mangemort.

Harry se jeta sur la poignée et la tourna d’un geste brusque, faisant pivoter la porte qui les avala goulument tous deux. Ils tombèrent presque à la renverse dans le grand couloir enténébré. Devant eux se trouvaient deux silhouettes encapuchonnées qui les menaçaient de leur baguette. D’un seul et même geste, Harry et Sirius se postèrent côte à côte, et redressèrent leur arme.

« À trois… murmura Sirius.

— Trois ! EXPELLIARMUS ! »

Tous deux lancèrent avec tellement de force le sortilège que les baguettes des Mangemorts allèrent s’écraser contre un mur, et que les corps tombèrent à la renverse. Sirius ne chercha pas à vérifier si leurs assaillants étaient sonnés et les enjamba en prenant la tête de la fuite en direction de l’ascenseur. L’Animagus donna un bref coup de baguette en direction de la cage qui s’ouvrit et s’y engouffra.

« Harry ! BAISSE-TOI ! »

Le garçon eut à peine le temps de faire une roulade avant qu’un trait de lumière verte frôlât ses cheveux dans un ronronnement furieux, avant de filer droit vers Sirius qui l’esquiva à la dernière seconde.

« IMBÉCILES ! POTTER EST AU SEIGNEUR DES TÉNÈBRES, NE LE TUEZ PAS ! hurla Bellatrix.

— Ne brisez pas la prophétie ! » Cria à son tour Lucius d’une voix tendue.

Courant presque à quatre pattes, les mollets en feu, Harry se jeta et se laissa glisser vers l’ascenseur, que son parrain activa d’un geste. Deux autres sorts se fracassèrent sans succès sur les portes, et la cabine s’éleva enfin. Ils purent entendre les jurons des Mangemorts, et Harry jeta un bref regard à Sirius qui paraissait soucieux.

« Reste sur tes gardes, on aura probablement un comité d’accueil.

— Qu’est-ce qu’on fait ? On attend des renforts ?

— Non, je ne sais pas combien de temps ils... On fonce à la sortie, peu importe ce qui se passe, je dois te mettre à l’abri.

— Mais Sirius, et le plan ?

— J’emmerde Dumbledore et sa guerre ! trancha-t-il d’un air rageur. Il est hors de question que je te… »

Le bruit d’une explosion au-dessus d’eux l’interrompit, et il attrapa son filleul dans un geste protecteur instinctif. D’autres explosions, coups et cris résonnaient dans le circuit des ascenseurs, comme une bataille féroce se déroulant dans le hall. Ils finirent par arriver sensiblement à la hauteur du rez-de-chaussée, et de nombreuses lumières éclairèrent un instant le regard furieux et inquiet du Maraudeur. De toute évidence, les renforts des deux côtés étaient arrivés, et ils s’affrontaient avec acharnement.

« Pôle secrétariat ! ordonna Sirius à la machine en paniquant.

— Destination invalide.

— PÔLE SECRÉTARIAT, EXÉCUTION !

— Opération impossible, flux magiques en transition. Destination hall du Ministère.

— Saleté d’ascenseur de…

— Bonne chance, visiteurs. » Claironna la machine de sa voix métallique avant d’ouvrir en grand la grille de la cabine qui les vomit sans ménagement.

La scène était surréaliste. Jamais Harry n’avait vu une telle chose, pas même lors de cette nuit au cimetière. Dans le grand hall du Ministère de la Magie, plus d’une vingtaine de baguettes s’affrontait à coups de sorts d’une violence inouïe. Qu’ils soient criés ou non, les maléfices jaillissaient des baguettes pour tenter de faire le plus de dégâts à l’adversaire. Harry ne parvenait pas à distinguer qui lançait quoi à qui. Les fuseaux verts zébraient l’air dans les deux sens. Peu importe le camp, on cherchait à tuer l’autre. Et ce fait, brutal, choqua profondément le jeune homme qui ne reconnut pas immédiatement des membres de l’Ordre en train de jeter des Impardonnables, sans se soucier du fait que l’autorisation de la Première Guerre n’était plus en vigueur.

Cela ne semblait d’ailleurs pas important, car chaque vie était en jeu, et Harry comprit soudainement pourquoi son parrain ne cherchait pas à jouer les héros, et tentait de l’extraire de la zone de combat. Sirius continua de le pousser, passant derrière Rémus qui se battait contre un Mangemort masqué qu’Harry était certain d’avoir déjà vu l’année précédente. Lorsqu’il vit un éclair argent au niveau de sa main gauche, il comprit. Et il ne fut pas le seul. Sirius s’arrêta net dans sa course en voyant cela.

« Sale rat… »

Face à lui, le Mangemort esquissa un geste qui effaça son masque, dévoilant la trogne de Peter Pettigrow qui leur souriait méchamment. Comme porté par le nombre de Mangemorts présents, Queudver semblait plus courageux qu’il ne l’avait jamais été, et continuait de jeter des maléfices en direction de ses anciens amis. Harry leva sa propre baguette, prêt à se battre, lorsque Sirius le repoussa, l’excluant de ce combat.

« Sirius, Rémus, ne…

— Retourne à la cabine. » Lui ordonnèrent-ils d’une même voix.

Alors qu’il allait protester, Harry sentit la prophétie pulser plus fortement dans sa main. Il tressaillit, se souvenant de leur objectif, et tenta de se frayer un chemin jusqu’à la cabine téléphonique. Il manqua de se prendre un Avada Kedavra lancé par on ne sait qui, il se cogna à un des membres de l’Ordre (Tonks ?) occupé à se dépêtrer d’un sortilège d’encordage lancé par un masque à l’air triste. Harry s’excusa par réflexe, mais sa voix fut entièrement couverte par le bruit des combats, et des diverses statues, vitraux et autres objets qui explosaient autour de lui. Dans sa course, il glissa sur une flaque d’eau provoquée par les fuites de l’immense fontaine aux races magiques, et tomba sur le flanc, avant de rouler sur lui-même deux ou trois tours en se brisant probablement le poignet dans sa chute.

Le bruit cristallin, presque moqueur, d’un globe en verre qui roule sur la pierre lui parvint aux oreilles. L’Attrapeur poussa son bras droit et tendit son poignet meurtri dans un crack sonore pour tenter de récupérer la prophétie, mais en vain. Elle roula guillerette dans la direction opposée, le chant de sa course parfaitement distinct malgré la cacophonie ambiante, jusqu’à sauter dans une paume qui referma de longs doigts dessus, comme un rapace sur sa proie. Harry déglutit péniblement.

« Lord Voldemort obtient toujours ce qu’il désire, Harry Potter. »

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