Stéréotypies : laissez les autistes s'exprimer !
Su Panodyssey puoi leggere fino a 30 pubblicazioni al mese senza effettuare il login. Divertiti 28 articles da scoprire questo mese.
Per avere accesso illimitato ai contenuti, accedi o crea un account cliccando qui sotto: è gratis!
Accedi
Stéréotypies : laissez les autistes s'exprimer !
Vous ne le savez peut-être pas mais vous partagez un point commun avec les personnes autistes.
Comme elles, vous avez des stéréotypies. Si, vous savez, ces petits mouvements répétitifs que vous faites parfois sans le savoir lorsque vous ressentez de l’agacement, de la colère ou de l’ennui. Ces grincements de mâchoire, ces mordillements d’ongles ou de stylo, ces secousses du pied. Tout le monde a des stéréotypies mais les autistes en ont davantage que la moyenne, elles durent plus longtemps et sont parfois moins discrètes. Pourtant, dans le fond, rien ne différentie les mouvements de balancier d’une personne autiste, ou ses vocalises, de vous qui faites les cents pas sur le trottoir pour attendre le bus.
Les stéréotypies ne sont pas juste des tics envahissants. Elles remplissent des fonctions spécifiques.
Qu’est-ce qu’une stéréotypie ?
« Une stéréotypie est un ensemble d’attitudes, de gestes, d'actes ou de paroles sans signification apparente reproduits inlassablement au point parfois d’entrainer des lésions. »[1] Les stéréotypies ne sont pas des TOC dans la mesure où la personne n’a pas de compulsions ou de pensées obsessives, elle peut arrêter son geste si elle le désire. Dans la symptomatologie de l’autisme, le DSM-IV inclut les stéréotypies dans « les comportements répétitifs et intérêts restreints ».
Les stéréotypies sont de plusieurs sortes :
- Motrices quand il s’agit de mouvements, comme se balancer, tourner sur soi-même, frapper son poing dans sa paume, se peler la peau des lèvres, etc. Ce sont généralement celles auxquelles on pense immédiatement quand on parle d’autisme.
- Vocales. Il peut s’agir de vocalises, de sons inarticulés ou d’une tendance à répéter des syllabes particulières voire des phrases une fois entendues (c’est ce qu’on appelle l’écholalie).
- D’attitude, quand un comportement est reproduit d’une façon particulière. Par exemple, certains autistes marchent sur la pointe des pieds.
Pour vous initier aux stéréotypies de manière plus ludique, je vous partage une vidéo d’Agony Autie, youtubeuse autiste britannique, qui explique très bien, dans un langage simple, ce qu’est une stéréotypie et pourquoi elles sont si importantes pour les personnes autistes. Contrairement à la définition de passeport santé, les stéréotypies sont utiles, agréables et essentielles pour les personnes autistes.
Les sensibilités autistiques à l’origine des stéréotypies
Les personnes autistes ont un fonctionnement cérébral qui diffère des neurotypiques. En effet, elles vivent et perçoivent différemment leur environnement : selon les individus, certains peuvent avoir certains sens surdéveloppés, être hypersensibles, tandis que d’autres peuvent avoir des sens sous-développés, être hyposensibles. Cette variabilité selon les individus est difficile à expliquer et à comprendre pour quelqu’un de neurotypique.
Dans l’imaginaire collectif, les autistes ne supportent pas la lumière ou les environnements bruyants. Cette croyance, partiellement vraie, découle des perceptions sensorielles particulières des personnes autistes, et notamment des hypersensibilités. Les stéréotypies naissent en partie de ces sensorialités divergentes. Les stéréotypies permettent alors de palier à des problèmes d’hyper et d’hyposensobilité.
La stéréotypie pour s’autostimuler
En cas d’hyposensibilité tactile ou vestibulaire, si la personne ne ressent pas son corps dans l’espace et ignore la frontière entre son environnement extérieur et son intériorité, les stéréotypies lui permettent de régler ce problème. En effet, le geste implique les muscles et oblige le cerveau à se concentrer sur la partie du corps en action, lui permettant en même temps de se localiser dans l’espace.
De ce fait, les stéréotypies sont parfois appelées autostimulations en français ou stims en anglais (du verbe stimming). Par ce terme, elles expriment cette réalité, lorsque les stéréotypies permettent de stimuler ses propres sens. La personne autiste appréciera cette sensation ainsi que le côté rythmique de la stéréotypie, raison pour laquelle il reproduira le geste à de nombreuses reprises.
Un moyen de gérer l’environnement
Comme l’a justement expliqué Agony Autie, les stéréotypies permettent de se recentrer sur soi, de se concentrer. Agony Autie parle d’input et d’output, soit d’informations entrantes et sortantes.
L’autiste convertit ce qui lui parvient de manière anarchique via ses sens en gestes. Au milieu du chaos de perceptions et d’informations à traiter, les stéréotypies se détachent. Elles forment un point fixe, rassurant, sur lequel se raccrocher. C’est un mécanisme de survie afin de gérer l’environnement et les hyper sensorialités.
Lorsque je suis dans la rue et que le bruit ou la présence d’inconnus proches de moi m’indispose, je me mets à stimmer. J’agite alors mon poignet et ma main devant moi de haut en bas sans bouger le bras (ce mouvement, très commun chez les autistes, se nomme flapping). La tension dans l’avant-bras et le poids de ma main sur l’articulation du poignet m’apaise. Il m’arrive souvent de regarder le sol pendant que je marche ou d’observer le mouvement de balancier de mon poignet pour me concentrer. J’en tire un sentiment de détente et même, j’ose le dire, de bonheur.
Les émotions par le corps
Plus mon environnement m'angoisse, plus mon flapping ou mes stéréotypies gagnent en intensité. La rapidité avec laquelle je balance mon poignet devant ma poitrine est liée à mon degré de stress, ce qui permet de jauger de mon état. Dès que le bruit s'éteint, ou que la rue se vide, mon flapping ralentit puis disparait tout à fait.
Les hyper et hyposensibilités provoquent des émotions. Ces dernières sont souvent négatives : anxiété, angoisse, gêne, peur. La tension interne ressentie a besoin de s’exprimer par le corps et l’apaisement que procurent les stéréotypies aide à gérer ces émotions. C’est un mécanisme de régulation inné, sain, utile.
Les stéréotypies sont le véhicule de nos émotions. Les négatives comme les positives. Il est parfois difficile pour une personne autiste de comprendre ses émotions. Il les ressent différemment, par le corps, et a besoin de les exprimer.
Toujours pour prendre mon exemple, je fais du flapping très rapide lorsque je suis heureuse. J’ai également parfois des moments d’euphorie : je pousse de petits cris pendant quelques secondes ou sautille sur place pour dépenser l’excédent d'énergie que je ressens. Je frotte très vite mes mains les unes contre les autres : j'aime autant le bruit que le frottement de cette stéréotypie.
Les stéréotypies dangereuses
Il y a une réalité que je ne peux cependant pas taire : il y a un cas où les stéréotypies sont problématiques, c’est lorsqu’elles deviennent dangereuses.
En cas d’émotion négative, de stress et de fatigue intense, une personne autiste peut perdre pied, ne plus parvenir à gérer à la fois ses émotions et l’environnement. Elle entre en crise (nous en reparlerons dans un prochain article) et ressent alors une douleur psychique difficilement soutenable. Elle se recroqueville dans un coin, devient mutique. D’autres personnes, au contraire, explosent. Elles crient, pleurent et parfois, malheureusement, deviennent agressives envers elles-mêmes et envers les autres. C'est là qu'interviennent les stéréotypies dangereuses.
La personne autiste est dépassée, et elle tente, via des stéréotypies inadaptées, de se réguler. À titre personnel, il ne m’est jamais arrivé de faire du mal à autrui mais il m’est par contre arrivé de me sentir mal au point de ressentir une envie lancinante de me griffer la peau, de m’arracher les peaux des ongles ou, pire, de me taper la tête contre les murs. C’est aussi ça, la réalité de l’autisme.
Ne jamais empêcher les personnes autistes de stimmer !
Les stéréotypies sont vitales pour une personne autiste : l’empêcher d’avoir recours à l’autostimulation s’apparente à une forme de torture mentale. Le besoin demeurera mais l’individu trouvera un autre moyen d’exprimer ses émotions et de relâcher la pression.
Malheureusement, bien souvent, ces substituts sont pires et affectent la santé mentale des personnes autistes. C’est le cas des addictions ou TOC qui peuvent survenir suite à l’arrêt forcé des stéréotypies. J’ai moi-même arrêté mes stéréotypies quand j’ai commencé à aller à l’école. L’anxiété durant l’adolescence était forte et m’a poussée à avoir des comportements problématiques notamment des troubles alimentaires (hyperphagie).
Seules les stéréotypies dangereuses ou douloureuses doivent être contrôlées. On peut alors tenter d’avoir recours à de petits objets ou substituer une stéréotypie par une autre. En cas d’échec, ne pas hésiter à prendre contact avec un psychologue ou psychiatre formé aux thérapies cognitives et comportementales.
99% du temps, les stéréotypies ne sont pas un problème. Le regard de l'autre, lui, plein d'interrogation, de gêne voire de dégoût, l'est. Alors par pitié, arrêtez de vouloir contrôler notre corps, de nous obliger à avoir l’air « visiblement » moins autiste.
En guise d’au revoir, une compilation vidéo de mes principales stéréotypies avec les mains.
Bibliographie
https://comprendrelautisme.com/le-projet-chatounets-les-stereotypies/
https://www.passeportsante.net/fr/Maux/Problemes/Fiche.aspx?doc=stereotypie
[1] Définition de la fiche passeport-santé : https://www.passeportsante.net/fr/Maux/Problemes/Fiche.aspx?doc=stereotypie