

Interview Louis Lefevre - Fondateur de LTDLN đ
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Interview Louis Lefevre - Fondateur de LTDLN đ
Louis Lefevre est le fondateur et CEO de l'entreprise La TĂȘte Dans Les Nuages [LTDLN] spĂ©cialisĂ©e dans le rĂ©emploi de matĂ©riaux usagĂ©s comme les toiles de montgolfiĂšres. J'ai eu l'occasion de l'interviewer lors d'un stage ouvrier au sein de son atelier de production en juillet 2023.
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Interview Louis Lefevre - Juillet 2023
DâoĂč vous est venue lâidĂ©e de fabriquer des poufs avec des matĂ©riaux entiĂšrement issus du rĂ©emploi ?
Jâai toujours cru en la philosophie de la seconde chance pour les matĂ©riaux destinĂ©s Ă ĂȘtre jetĂ©s.
Ma formation dâingĂ©nieur Ă lâISA Lille Ă©tait tournĂ©e vers ces enjeux de rĂ©emploi et dâĂ©conomie circulaire. Ensuite, jâai rĂ©alisĂ© mon stage de fin dâĂ©tudes dans une entreprise luttant contre le gaspillage alimentaire, PhĂ©nix. JâĂ©tais alors ingĂ©nieur stagiaire en gestion des dĂ©chets et je me suis aperçu que 90% des emballages polystyrĂšne de la grande distribution nâĂ©taient pas recyclĂ©s.
Puis, en mâinspirant de concepts qui se rapprochent du nĂŽtre aujourdâhui comme 727 Sailbags ou Vausselia ; des entreprises bretonnes spĂ©cialisĂ©es dans le rĂ©emploi de voiles de bateaux ; jâai pensĂ© Ă dâautres matĂ©riaux qui mĂ©riteraient une seconde vie.
Les toiles de montgolfiĂšres, par exemple, finissent par ĂȘtre jetĂ©es au bout 650 heures de vol. De mĂȘme les bĂąches publicitaires Ă©phĂ©mĂšres finissent par ĂȘtre incinĂ©rĂ©es. Pour upcycler tous ces matĂ©riaux, lâidĂ©e du pouf sâest alors imposĂ©e.
Comment ĂȘtes-vous parvenu concrĂštement Ă entreprendre pour fonder La TĂȘte Dans Les Nuages et donner vie Ă votre idĂ©e ?
Lâentreprenariat nâĂ©tait pas dans mes plans au dĂ©part.
Durant mon stage chez PhĂ©nix, jâavais pour mission de trouver des solutions pour recycler des caisses de poisson en polystyrĂšne. Jâai proposĂ© de les broyer afin de remplir des poufs pour une marque qui existait dĂ©jĂ . PhĂ©nix mâa soutenu dans cette dĂ©marche. Seulement, nous nâarrivions pas Ă retirer lâodeur de poisson qui Ă©manait des billes de polystyrĂšne. Jâai passĂ© lâessentiel de mon stage Ă essayer de trouver des solutions techniques pour rĂ©soudre ce problĂšme. Mais lâodeur retirĂ©e Ă la surface du matĂ©riau finissait toujours par revenir Ă cause des milliers de micro billes dâair qui composent le polystyrĂšne.
De ce fait, le projet nâintĂ©ressait plus mon ancienne entreprise PhĂ©nix. Jâai donc continuĂ© seul, dans la ferme de mes parents, en commençant par collecter les emballages polystyrĂšne du Conforama de CompiĂšgne. AprĂšs avoir rĂ©cupĂ©rĂ© des toiles de montgolfiĂšre usagĂ©es, jâai commencĂ© Ă tester les produits et lâaventure Ă©tait lancĂ©e !
Aux dĂ©buts de La TĂȘte Dans Les Nuages, quels obstacles avez-vous dĂ» surmonter pour pĂ©renniser lâentreprise et entrer sur un marchĂ© dont vous ne connaissiez pas toutes les caractĂ©ristiques ?
Aux tout dĂ©buts le plus dĂ©licat a Ă©tĂ© de dĂ©cider Ă quel moment le produit Ă©tait prĂȘt Ă ĂȘtre lancĂ©. Il est toujours difficile de savoir si le produit quâon dĂ©veloppe va ĂȘtre assez solide et rĂ©pondre aux attentes des clients. Donc je dirais quâil sâagissait essentiellement de difficultĂ©s techniques au dĂ©part. Par exemple, pour la housse des poufs, je me suis rendu compte que la toile de montgolfiĂšre Ă©tait trop fine et se perçait trop facilement. Jâai donc dĂ» trouver et rajouter dâautres matĂ©riaux comme des bĂąches publicitaires ou des toiles de barnum usagĂ©es.
Et pour pĂ©renniser lâactivitĂ©, le plus difficile Ă©tait dâorganiser la production avec des matiĂšres issues du rĂ©emploi. Lâenjeu Ă©tait de trouver des partenaires qui puissent fournir ces matiĂšres rĂ©guliĂšrement et de mĂȘme nature. Cette difficultĂ© a perdurĂ© dans le temps et aujourdâhui on commence enfin Ă avoir des partenariats solides et durables.
Vous commencez à avoir quelques années de recul sur la création de votre entreprise. En se basant sur votre expérience, avez-vous des conseils pour ceux qui voudraient entreprendre comme vous ?
Le meilleur conseil que je pourrais donner, câest de se lancer ! Il ne faut pas hĂ©siter Ă mettre en application ses idĂ©es le plus vite possible pour pouvoir les tester. Cela permet de voir ce qui fonctionne et qui reste Ă amĂ©liorer.
Ăa mâa beaucoup aidĂ© de faire tester mes produits Ă un maximum de personnes en organisant des prĂ©ventes. Il ne faut pas forcĂ©ment faire attention Ă tous les dĂ©tails au dĂ©but. Lâimportant câest de ne pas perdre de temps et de confirmer ou dâinfirmer rapidement les hypothĂšses quâon a sur les produits. MĂȘme avec un prototype pas entiĂšrement finalisĂ© ; avoir des retours aide Ă savoir quelle direction prendre.
Câest aussi dans cette phase de test quâon fait dĂ©couvrir son idĂ©e. Et le conseil que jâaurais lĂ -dessus, câest de ne pas avoir peur de sâassocier avec des gens qui aiment le concept. Je nâaurais jamais persĂ©vĂ©rĂ© dans le projet si jâĂ©tais restĂ© seul sans partager mes essais sur les poufs. Depuis que lâatelier est installĂ©, on est toute une Ă©quipe avec plein de compĂ©tences complĂ©mentaires ce qui permet de donner un Ă©lan pour continuer le projet.
Justement, pourquoi avoir installĂ© votre atelier sur LâĂle-Saint-Denis ? Y a-t-il des raisons particuliĂšres liĂ©es Ă la production ou bien Ă la distribution de vos produits ?
Oui tout Ă fait. Notre atelier de production est situĂ© Ă 200 mĂštres de lâatelier dâinsertion Mode estime. Au dĂ©part Mode Estime sâoccupait de toute la couture de nos produits. CâĂ©tait important pour nous de travailler avec des chantiers dâinsertion parce quâon donnait ainsi une seconde chance Ă des personnes exclues de lâunivers professionnel. Et ça faisant sens avec le concept de la sociĂ©tĂ© que jâai créé qui est de donner une seconde vie Ă des matĂ©riaux dĂ©jĂ utilisĂ©s et destinĂ©s Ă lâincinĂ©ration. Aujourdâhui on a 2 couturiers dans notre atelier mais on continue de faire appel Ă Mode Estime en fonction de notre volume dâactivitĂ©.
Cela fait maintenant plusieurs annĂ©es que vous avez installĂ© votre atelier et vous dirigez toujours La TĂȘte Dans Les Nuages. Quelles sont vos tĂąches quotidiennes en tant que chef dâentreprise ?
Dans mon travail, au quotidien, je passe beaucoup plus de temps sur la gestion dâĂ©quipe et la communication quâauparavant. Il y a 7 ans jâĂ©tais plus tournĂ© sur lâaspect production, je faisais un peu tout moi-mĂȘme. DĂ©sormais, avec lâĂ©quipe qui sâagrandit, jâessaie de rĂ©partir les compĂ©tences au mieux pour faciliter la production et la vente de nos produits. Je mâoccupe de toute la partie recrutement. Je dois aussi chercher des partenaires pour nous fournir des matĂ©riaux issus du rĂ©emploi. Et je continue Ă imaginer de nouveaux produits quâon pourrait fabriquer Ă partir de ces matiĂšres lĂ avec les ingĂ©nieurs en innovation-conception. Enfin, je prends Ă©galement du temps pour tenir des stands dans divers festivals et faire la promotion de nos produits.
Arrivez-vous Ă tenir les conditions Ă©co-responsables fixĂ©es au dĂ©part tout en associant le dĂ©veloppement Ă©conomique de lâentreprise ?
Oui, câest deux objectifs constituent lâessence de notre activitĂ©. On nâimagine pas demain fabriquer des poufs avec des matĂ©riaux non surcyclĂ©s. Ăa nâaurait pas de sens par rapport aux engagements de la marque Ă sa crĂ©ation.
Lâenjeu pour nous est de se faire une place sur un marchĂ© oĂč les produits ne sont majoritairement pas fabriquĂ©s selon la logique du rĂ©emploi. Et oui, aujourdâhui, en tenant nos conditions de base, on arrive Ă prendre des parts de marchĂ© sur des concurrents comme Fatboy par exemple.
Nous produisons actuellement 5-6 poufs par jour en moyenne contre 250 en moyenne pour Fatboy sur lâannĂ©e. Mais nous avons tous les gisements de matiĂšres issues du rĂ©emploi pour augmenter notre production.
Comment pourriez-vous aller encore plus loin dans la gestion des dĂ©chets Ă lâatelier ? Avez-vous envisagĂ© des solutions pour revaloriser les dĂ©chets que vous produisez comme par exemple les chutes de toiles de montgolfiĂšre ?
Il est vrai que nous sommes encore loin dâĂȘtre irrĂ©prochables sur la gestion des dĂ©chets mĂȘme si câest une de nos prioritĂ©s. Avant nous jetions toutes les chutes de toiles de montgolfiĂšre. Maintenant, on arrive Ă les valoriser en partie grĂące au dĂ©veloppement de notre nouveau produit : les bobs. Pour les chutes de draps de palace, câest une question dâorganisation, mais on a des pistes pour les envoyer en filiĂšre de recyclage. On aura toujours une marge de progression pour valoriser entiĂšrement les matĂ©riaux quâon rĂ©cupĂšre. Notre objectif est de la rĂ©duire au maximum.
Pour conclure cette interview, selon vous, Ă quoi ressemblera La TĂȘte Dans Les Nuages dans 10 ans ?
On a une feuille de route sur 10 ans. Et mĂȘme sur 20 ans !
Lâobjectif premier est dâarriver Ă prendre au moins 20 / 30 % de parts de marchĂ© sur le marchĂ© français du pouf gĂ©ant. Pour ça on projette de sâagrandir en rachetant lâatelier qui jouxte le nĂŽtre. Je sais aussi quâil va nous falloir automatiser la production pour atteindre cet objectif. Pour lâinstant quasiment tout est fait main mais on teste actuellement la dĂ©coupe laser pour les bobs. A lâavenir on aimerait sâen servir pour toutes les dĂ©coupes nĂ©cessaires Ă la fabrication de nos produits.
Nous avons Ă©galement pour projet de dĂ©velopper toute une gamme de mobilier pour la maison dans le textile notamment. AprĂšs les poufs, les bobs et les voiles dâombrage on peut imaginer de nombreux autres produits avec les matĂ©riaux dont on dispose. Ăa peut ĂȘtre des rideaux, des sacs de linge et aussi des canapĂ©s bientĂŽt grĂące Ă notre partenariat avec le mobilier national.
En tous cas, jâai Ă cĆur de montrer que lâĂ©conomie circulaire peut avoir une rĂ©elle place dans lâindustrie. LâidĂ©al serait que cette logique de production devienne une Ă©vidence tant pour les entreprises que pour les consommateurs dĂšs que câest possible.
Interview réalisée à l'atelier de production LTDLN sur l'Ile-Saint-Denis, mi-juillet 2023.
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Complément d'information
L'année suivant cette interview, LTDLN a connu de fortes difficultés financiÚres. Le contexte inflationniste a finalement entraßné une baisse des commandes de particuliers. Par ailleurs, la liquidation judiciaire de la marque Habitat [récent partenaire de LTDLN sur un modÚle de pouf] a accentué les difficultés.
DĂ©but 2024, LTDLN est placĂ©e en redressement judiciaire. Les Jeux Olympiques de Paris redonnent tout de mĂȘme de l'espoir Ă Louis Lefevre en commandant des "poufs Berlingots" pour amĂ©nager certaines fan zones.
Avant la décision du tribunal de commerce, Louis Lefevre prépare donc une vidéo pour relancer les commandes de particuliers. Devenue virale, la vidéo, pensée comme un appel au secours, sauve LTDLN qui continue son activité suite à la décision rendue par le tribunal en mars 2025.
DĂ©sormais LTDLN sĂ©curise son modĂšle Ă©conomique en alliant le B2B au B2C. Les poufs de La TĂȘte Dans Les Nuages feront entre autres partie du catalogue de mobilier UGAP [Union des groupements d'achats publics] sur les quatre prochaines annĂ©es, permettant aux mairies, Ă©coles ou bibliothĂšques publiques de commander ces poufs.

