

Une complication à l'affaire
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Une complication à l'affaire
Nichée au bout d’un sentier sinueux et bordé de châtaigniers centenaires, la vieille maison de maître se dressait fièrement au cœur d’un hameau solitaire en plein cœur de l’Ardèche. Ses volets aux teintes délavées oscillaient doucement au gré du vent, comme pour saluer les fantômes d’un passé noble. La bâtisse, de pierre blonde, portait les cicatrices d’un siècle de pluie et de soleil, mais avait néanmoins conservé son élégance
Le jardin, mi-sauvage, mi-domestiqué, descendait en terrasses vers une petite fontaine recouverte de lierre, où jadis les villageois venaient puiser l’eau à l’aube. Le silence n’était brisé que par le chant des merles que le soleil couchant excitait de plus belle.
Un perron moussu menait à une porte droite et rigide, comme l’avait été tout au long de sa carrière le propriétaire actuel de la maison, le colonel de gendarmerie à la retraite Gaspard Delmas, ancien élève de Saint-Cyr, passé par la légion étrangère avant d’intégrer la Gendarmerie Nationale et d’être nommé à ce grade en 2001. Il avait été affecté en Ardèche pour ses talents à concilier rigueur militaire et compréhension des territoires complexes. Pensez, il avait été en mission à Mayotte, au Liban et en Guyane pendant son service actif.
En frappant à l’huis, l’adjudant-chef Jean Rouvière, qui avait servi sous les ordres du colonel durant plus de dix ans, se dit qu’il se serait bien passé de cette visite. Pas de chance. Une histoire pareille, à moins de trois mois de la retraite !
Clément Veyrenc, un jeune gendarme adjoint volontaire récemment titularisé, l’accompagnait dans sa démarche. C’était le fils de Marcel Veyrenc, maire de la ville voisine depuis quatre mandats, figure locale respectée et redoutée… Le jeune homme semblait dans une colère noire que seule la rigueur due à sa formation l’empêchait de laisser éclater.
La porte s’ouvrit, laissant apparaître le visage de Claire Delmas, l’épouse du colonel. C’était une ancienne professeure de lettres classiques qui avait suivi son mari à travers ses affectations en changeant de poste au gré de ses mutations.
Le couple avait en outre élevé leur petit-fils unique, Elias Delmas, après la mort accidentelle de sa mère dans un accident de voiture. Son père, photographe indépendant, avait préféré disparaître peu après la tragédie, laissant Elias chez une famille d’accueil détestable dans un premier temps, avant que le couple Delmas rentre de Mayotte et demande donc sa garde.
— Adjudant Rouvière ! Quel plaisir de vous revoir, s’exclama la maîtresse de maison. Et ne serait-ce pas là notre petit Clément, qui vous accompagne ? Comme l’uniforme te va bien tout de même ! Dommage que mon mari soit à la pêche et qu’Elias soit parti vadrouiller je ne sais où, ils auraient été contents de te voir !
— Justement, répondit l’adjudant avant que son jeune collègue ne réponde de travers, c’est précisément à propos d’Elias que nous venons vous trouver…
— Qu'a t-il fait encore, ce chenapan ? Ne me dites pas qu’il s’est garé sur une place handicapée !
— Non, je vous rassure, il ne s’agit pas de cela. Comment dire ?
La jeune recrue se racla la gorge, prêt à passer outre les consignes de prudence de son supérieur.
— Voilà, reprit Jean Rouvière, votre petit-fils a été pris la main dans le sac, si j’ose dire, dans le lit de Madame la maire, enfin l’épouse du maire, la belle-mère de notre Clément, quoi… expliqua-t-il en désignant son jeune collègue.
La dame en question, Lucile Veyrenc, était la seconde épouse de Marcel Veyrenc. Elle avait trente ans de moins que son mari. Un jour, elle était arrivée pour organiser une exposition de peinture dans la commune. A cette occasion elle avait rencontré le maire déjà veuf depuis quelques années et, six mois après, ils étaient mariés.
— Elias avec Madame Veyrenc ! s’étonna Claire Delmas. Voyons adjudant, êtes-vous bien sûr de vos conclusions ? Ne pourrait-il avoir un quelconque malentendu dans cette affaire ?
— Non, Madame Delmas ! s’exclama enfin le jeune Clément. Vu la position scabreuse dans laquelle ils étaient tous les deux, nus par-dessus le marché, je vous assure qu'il n’y a aucun malentendu !
— Cela est regrettable, adjudant-chef, continua Claire. Que voulez-vous, c’est la jeunesse. Croyez bien que nous le sermonnerons quand il rentrera. D’ailleurs où est-il donc ?
— Il est en garde à vue, Madame la colonelle, avoua l’adjudant Rouvière.
— Comment cela, en garde à vue ? On ne met pas les gens en prison pour une petite passade, tout de même !
— C’est que, voyez-vous, nous déplorons une complication à l'affaire…
— Une complication ? Racontez-moi vite cela, je vous en prie.
— Eh bien voilà. Le majordome qui les a surpris en train de… Enfin, vous me comprenez, a perdu la tête au point de vouloir frapper votre petit-fils avec le plumeau qu’il avait en main. Ce dernier a vu rouge et a voulu se défendre semble-t-il, il s’est alors emparé d’un tison en fonte accroché à la cheminée.
— Elias a été traumatisé par une femme acariâtre dans sa famille d’accueil, qui faisait une fixation sur le ménage et le menaçait avec un balai. Il ne faut pas lui en vouloir ! Tout cela s’est bien terminé, j’espère ?
— Hélas, ils se sont battus. Le majordome a reçu un coup sur la tête qui l’a étendu raide mort. Mais, d’après ce que vous me dites, je crois possible d’invoquer la légitime défense.
Le jeune Clément manqua de s'étrangler et dit :
— La légitime défense ! Comme vous y allez mon adjudant ! Et si ce n'était que cela… mais écoutez la suite madame Delmas !
— En effet, reprit l’adjudant. C’est que voyez-vous, nous déplorons une deuxième complication à l'affaire…
— Une deuxième complication ? Racontez-moi vite cela, je vous en prie…
— Eh bien voilà. Votre petit-fils, pris de panique, est sorti dans le couloir, toujours aussi nu, et il s’est retrouvé devant l’escalier face à une chambrière, qui n’avait plus que quelques marches à monter pour arriver sur le palier. Son regard s'est retrouvé pile à hauteur des attributs de votre petit-fils. Elle s’est mise à hurler en se cachant les yeux au moment où il a entamé hâtivement sa descente.
— Elias a été traumatisé par une sœur hystérique dans sa famille d’accueil qui lui criait sans arrêt dessus et le rendait fou. Il ne faut pas lui en vouloir ! Tout cela s’est bien terminé, j’espère ?
— Hélas, la chambrière a perdu l’équilibre puis est tombée à la renverse dans les escaliers. La pauvre s’est brisé le cou dans sa chute. Si, au moins, elle n'avait pas fermé les yeux, elle aurait pu se rattraper à la rampe. C'est un malheureux concours de circonstances dont votre petit-fils n’est pas totalement responsable !
Le jeune Clément manqua de s'asphyxier et dit :
— Un concours de circonstances ! Comme vous y allez mon adjudant ! Et si ce n'était que cela… mais écoutez la suite, madame Delmas !
— En effet, reprit l’adjudant. C’est que voyez-vous, nous déplorons une troisième complication à l'affaire…
— Une troisième complication ? Racontez-moi vite cela, je vous en prie…
— Eh bien voilà. Votre petit-fils a surgi dans la cuisine où un commis désossait un jambon avec un grand couteau. Le commis a voulu l’arrêter à son tour.
— Elias a été traumatisé par un frère violent dans sa famille d’accueil qui menaçait de lui couper son zizi avec un couteau à pain. Il ne faut pas lui en vouloir ! Tout cela s’est bien terminé, j’espère ?
— Hélas, dans l’altercation, le commis s’est taillé la veine fémorale avec son couteau et il s’est vidé de son sang. Je penche personnellement pour un accident du travail.
Le jeune Clément manqua de suffoquer et dit :
— Un accident du travail ! Comme vous y allez mon adjudant ! Et si ce n'était que cela… mais écoutez la suite, madame Delmas !
— En effet, reprit l’adjudant. C’est que voyez-vous, nous déplorons une quatrième complication à l'affaire…
— Une quatrième complication ? Racontez-moi vite cela, je vous en prie…
— Eh bien voilà. Votre petit-fils est sorti dans la cour au moment où Monsieur le Maire rentrait d’une partie de chasse avec son fusil. Par la fenêtre, sa femme se mit à crier “Attention, mon amour, il est armé !” Monsieur le Maire a sans doute cru que l’avertissement lui était destiné, cruelle méprise, je ne vois pas comment son rival nu comme un ver aurait pu cacher une arme sur lui mais dans l’affolement général, il a dirigé son arme sur votre petit-fils qui a voulu le désarmer.
— Elias a été traumatisé par un père alcoolique dans sa famille d’accueil qui sortait son fusil pour un rien ! Tout cela s’est bien terminé, j’espère ?
— Hélas, dans l’altercation, le coup est parti tout seul. J’ai demandé une expertise balistique pour savoir si Monsieur le Maire ne se serait pas tué tout seul.
Le jeune Clément s’effondra en pleurant. Claire Delmas, touchée par sa détresse, se tourna de nouveau vers l’adjudant Rivière et dit d’une voix douce :
— Pauvre garçon, il devrait se rapprocher de mon petit-fils, lui aussi a perdu un parent dans sa jeunesse, je suis certaine qu’il saura trouver les mots de soutien...


Jackie H 12 minuti fa
Ben vi, y a quelques petites complications à l'affaire, oh rien de bien grave, juste quelques morts, c'est tout 🤣🤣🤣🤣🤣🤣
Laissez Clément se rapprocher de votre petit-fils Madame Delmas, pas de problème, justice sera faite en moins de deux et sans faire de vagues 🤣🤣🤣 voilà ce qui s'appelle de la clairvoyance 🤣🤣🤣🤣🤣🤣🤣🤣🤣
Daniel Muriot 3 ore fa
J'en ai des larmes qui me coule des yeux à force de rire. Bravo !
Erwann Avalach 2 ore fa
Je préfère traiter les thèmes dramatiques par l'humour décalé en général, c'est moins déprimant 😊
Aline Gendre 4 ore fa
Ah, les petites complications de la vie ...😏
Erwann Avalach 4 ore fa
surtout quand elles s'enchaînent...