Les Limbes du Peintre - Chapitre 7
Su Panodyssey puoi leggere fino a 10 pubblicazioni al mese senza effettuare il login. Divertiti 9 articles da scoprire questo mese.
Per avere accesso illimitato ai contenuti, accedi o crea un account cliccando qui sotto: è gratis!
Accedi
Les Limbes du Peintre - Chapitre 7
Le vernissage est un véritable succès. Les invités sont amplement admiratifs devant mes œuvres. Plusieurs d'entre eux viennent me féliciter.
Certaines femmes me complimentent, mais leur discours dévie vers un tout autre sujet.
En fait, tout ceci ne me passionne guère, dans d'autres circonstances j'aurais saisie toutes les occasions offertes mais je ne m'intéresse qu'à une seule personne.
Depuis le début de la soirée je n'ai cessé d'épier Elena du regard, l'observant, si magnifique dans sa robe couleur rouge, moulante, ajustée au corps.
Elle se déplace parmi la foule, presque irréelle. Je ne vois que sa beauté envoûtante qui la distingue de toutes ces autres femmes présentes dans cette salle. Une chimère que je risque de perdre à tout jamais si je ferme les yeux ou détourne mon regard, une illusion qui s'envolerait aux premières lueurs de l'aube, un mirage qui risque de s'évaporer à tout instant.
Tous ces gens alentour ne sont plus que des ombres. Toute cette cérémonie n'a plus aucune importance. Il n'y a qu'elle.
Mon corps tremble. Il me faut la saisir avant qu'elle ne disparaisse. Si je la perds, je me perds. Elle est le fruit de mon désir, la beauté que j'ai toujours recherchée, celle qui me faut posséder.
Elena s'avance vers moi dans un mouvement fantasmagorique. Ses yeux de perle m'entraînent dans les profondeurs de leur océan d'émeraude.
Tous les invités ne sont plus que des spectres se déplaçant au ralenti. Je ne les vois plus. Je ne les entends plus. Les décors sont flous, les sons ne me parviennent plus. Il n'y a qu'elle dans sa robe rouge moulante et ses cheveux dorés, qui submergent mon esprit et ma vue.
Je la caresse et l'embrasse du regard. Je désire disparaître dans les jardins parfumés de son corps jusqu'à l'extase.
— Vous passez une bonne soirée, Arnaud ?
Sa voix chaude et sensuelle me ramène au milieu de tous ces convives. Le mélange de leurs conversations bourdonne de nouveau dans mes oreilles.
— Je suis pleinement satisfait.
— Les invités sont entièrement comblés. Vos œuvres plaisent. Nous allons entrer dans nos frais, dit-elle sur un ton complaisant.
Un serveur s'approche de nous. Elle s'empare de deux coupes de champagne.
— Nous devons fêter cela. Ne croyez-vous pas ? ses mots sont emplis de ferveur.
Elle me tend l'une des deux coupes et porte un toast avant de tremper ses lèvres rouges dans le liquide pétillant qu'elle absorbe avec sensualité.
Ses yeux ardents ne me quittent pas.
— Je ne pense pas que vous vous ennuyiez, Arnaud.
— Que voulez-vous dire ?
— Toutes ces femmes, je les connais. Je sais de quoi elles sont capables. Ne me dites pas qu'aucune n'est venue vous aborder et que vous êtes resté insensible.
Elle imbibe de nouveau ses lèvres.
— Si tel était le cas, seriez-vous jalouse ? dis-je avec un petit brin de moquerie.
— Jalouse ! elle se met à rire. Vous oubliez une chose, j'obtins toujours ce que je désire.
— Je n'en doute pas un seul instant.
Un vieil homme bedonnant, âgé environ d'une cinquantaine d'années, se joint à nous afin de me féliciter. Il commence à me questionner sur ma créativité. Je reste courtois mais n'ai aucunement l'envie de lancer un dialogue avec lui.
— C'est un beau petit poulain que vous avez là ma chère. Où êtes-vous donc allée le dénicher ?
Je perçois un léger sourire au coin des lèvres de la jeune femme.
— Je ne veux pas vous paraître impolie Norbert, mais dans cette salle, il n'y a que les toiles qui sont à vendre.
Le gros pervers reste perplexe.
— Je vous prie de m'excuser et me retire. Je vous laisse à vos occupations.
Elle sourit, ses yeux me sondent.
— Suivez-moi.
En chemin Elena dépose son verre de champagne vide sur un plateau tenu par un serveur et, discrètement, m'entraîne dans une pièce éloignée.
*******
Nous pénétrons dans une petite salle obscure.
Je distingue très nettement le bureau de chêne, le fauteuil de maître de cuir noir, la bibliothèque vitrée sur ma droite, le bar sur ma gauche. Une forte odeur de bois imbibe ce lieu, reflet d'une grande réussite sociale, qu'elle éclaire d'un vert fumé et se dirige vers le bar.
— Un whisky pur sans glace, Arnaud ?
— Absolument.
Elle me tend le verre et s'assoit sur le bureau, jambes croisées, dans une position de lady. Nous savourons tous deux nos boissons dans un silence fiévreux l'espace d'un court instant.
— Qui êtes-vous donc, Arnaud ? Ce peintre face à moi ou le prédateur de vos œuvres ?
Elena s'approche, m'enlève le verre des mains et le dépose sur le bar.
— Je connais ce tourment qui aiguise votre âme.
Tout contre moi, je sens son parfum m'enivrer. Sa douce main caresse mon visage avec délicatesse de peur de me briser.
Je me maîtrise, mais pour combien de temps ?
— Ce physique androgyne et cette jeunesse éternelle, vous êtes de ces êtres, Arnaud, issus des ténèbres auxquels on aimerait se donner afin de percer votre mystère.
Je succombe au doux contact de ses lèvres sucrées. Elle se dégage lentement et me regarde profondément dans les yeux.
Dans le silence de la pièce, elle laisse glisser sa robe le long de son corps de porcelaine, d'une beauté mythologique gréco-romaine.
— Es-tu prêt à me donner ce que j'attends ?
— Je le suis.
Elena me tend sa main. Je la saisie. Elle m'attire contre son corps nu, chaud, sa peau si tendre. Je caresse langoureusement de mes doigts sa poitrine qu'elle m'offre pleinement. Elle laisse échapper des légers soupirs avant de se ressaisir, de se dégager de mon étreinte et de se diriger vers le bureau.
Elle joue, me pousse jusqu'à mes limites, me chauffe, me rejette, ne me donne ce que je réclame que par bribes de plaisir.
Les miettes ne me suffisent plus. Je ne peux contenir d'avantage cette frénésie sexuelle qui me rend fou.
Je me précipite sur elle, la plaque contre le bureau, défait mon pantalon et la prend de force. Mais au lieu de me repousser, Elena resserre ses jambes autour de ma taille, entoure mon torse de ses bras, colle ma poitrine contre ses seins bien fermes, se donne entièrement à ma démence.
— Libère-toi, me souffle-t-elle au travers de ses soupirs.
J'ai tellement désiré cette femme jusqu'à l'obsession, tellement attendu cet instant, que j'en suis dévoré jusque dans la souffrance. Je n'arrive pas à atteindre le paroxysme de ma satisfaction. J'éprouve un manque dont j'ignore la source et que j'ai bien du mal à combler.
Dans un geste de violence non maîtrisé, je lui mors un coin de la lèvre. Un faible cri de douleur s'échappe parmi ses gémissements. Une lichette de sang s'écoule de sa bouche.
Je devrais m'excuser mais la vue de son regard, mélange de satisfaction et de perversité, m'insuffle de continuer.
Je passe donc ma langue sur sa blessure et me délecte de ce nectar chaud, savoureux. Un torrent de délices intensifie mes pulsions vampiriques, libère la bête que je suis.
Je descends le long de son magnifique cou de porcelaine, une veine tambourine sous sa fine peau. Son appel pénètre en moi jusqu'au cœur de mon esprit. Je ne peux résister, envoûté par ses cris.
Dans un excès de fureur incontrôlé, je plaque ma main sur la bouche d'Elena, tourne son visage et plante mes dents dans la chair fraîche et tendre qui recouvre cette veine gonflée à bloc.
Les gémissements de plaisir cèdent leur place à des cris d'agonie. Ses jambes autour de mes reins, ses bras autour de mon torse, relâchent leur emprise comme de simples pantins désarticulés.
Le fluide chaud, mielleux, s'infiltre dans ma bouche, dans mon corps, un profond sentiment de volupté m'envahit soudainement jusque dans mes entrailles, exacerbant cette passion qui me brûle. Je ne suis plus que l'esclave de cette extase émanant des profondeurs de mon être.
Enfin rassasié, je me relève, crache le morceau de chair et libère toute cette jouissance enfouie au travers d'un puissant cri.
Je plonge mon regard au cœur de ses pupilles, jadis brûlantes de désir, désormais vides et inertes. J'y vois mon reflet, un être sanguinaire, à la peau livide, aux lèvres et menton souillés de sang.
Je caresse tendrement le visage d'Elena défiguré par l'agonie et la peur. Je promène mes doigts en un geste sensuel, sur ses lèvres chaudes et sucrées au contact froid et sec.
— Elena.
Je descends lentement le long de son somptueux cou, laissant des traînées rougeâtres. Le mouvement adagio de ma main dessine les courbes de ce magnifique corps, me rapproche de ces lambeaux de chair.
Ses cheveux d'or, fins et soyeux, baignent dans ce fluide savoureux, glissent entre mes doigts, au touché rugueux tels des brins de paille collés les uns aux autres.
Toute la douceur de sa peau satinée n'est plus.
Je me penche vers ce visage inanimé et embrasse une dernière fois ses lèvres imbibées de sang.
Brutalement, je m'écroule à terre, hurlant de douleur, mon cœur déchiqueté, mes poumons sur le point d'exploser et mes entrailles déchirées. Cette souffrance soudaine m'est insoutenable. Mon corps est broyé, lacéré, mon torse va s'écarteler.
Je ne peux plus respirer, je m'écroule heurtant mon visage contre le sol. Le sang d'Elena, encore chaud dans ma bouche, se répand sur le parquet.
Mon corps meurt, je meurs dans l'obscurité de ma solitude. J'entends les rires, les sons étouffés des invités, la musique festive, derrière cette porte face à moi, mais aucun ne viendra, aucun ne verra ma main tendu avant de tomber comme une marionnette laissée à l'abandon.
À la lisière des ténèbres solitaires et silencieuses, ma poitrine se soulève sauvagement, j'expulse avec agonie mon dernier souffle.