Et si... La sexologie était mieux remboursée ?
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Et si... La sexologie était mieux remboursée ?
« Et si… » est un format à mi-chemin entre l’article de vulgarisation et d’opinion. Celui-ci invite le lecteur à s’interroger sur une thématique et ébauche des pistes de réflexion pour l’avenir.
Aujourd’hui, consulter un sexologue est rarement remboursé par l’Assurance Maladie et par la complémentaire santé. Pourtant, chaque année, on estime que 500.000 français se rendent chez un sexologue ou sexothérapeute, un chiffre en constante augmentation. Quels seraient les bienfaits d’une généralisation de la couverture santé en sexologie ?
Qu’est-ce que la sexologie ?
La sexologie est une discipline qui s’intéresse à la sexualité humaine. Contrairement aux idées reçues, la sexologie ne concerne pas uniquement la sexualité mais aussi l’intimité, les relations amoureuses et la perception de son propre corps. Il s’agit ainsi d’une discipline à la jonction entre la médecine, la sociologie et la psychologie.
Il ne faut jamais hésiter à consulter un médecin pour écarter une éventuelle pathologie. Cependant, les dysfonctions sexuelles les plus courantes comme la frigité, l’éjaculation précoce, le vaginisme ou l’anorgasmie ont rarement des causes organiques : la plupart du temps, ces problèmes découlent d’un blocage psychologique. C’est là que le sexologue intervient.
Le sexologue est un professionnel du secteur paramédical. Son rôle est de répondre à toutes les questions de ses patients concernant leur vie sexuelle et intime. Le sexologue accompagne aussi bien les personnes seules que les couples à trouver (ou retrouver) le chemin d’une sexualité épanouie. Pour ce faire, le sexologue soutient ses patients, les conseille activement mais aussi propose des lectures et exercices pratiques à réaliser seul chez soi.
Le sexologue peut officier sous divers noms : il est tantôt conseiller sexuel, tantôt sexothérapeute ou encore conseiller conjugal.
Le remboursement intégral de la sexologie : une fiction à l’heure actuelle
En France, la profession de sexologue n’est pas règlementée. N’importe qui peut donc ouvrir son cabinet car il n’y a pas de diplôme obligatoire.
Dans les faits, la plupart des sexologues actifs possèdent une formation initiale en médecine ou en psychologie. Ils passent ensuite une formation complémentaire en deux ou trois ans assortie d’un stage pratique avant de s’établir.
L’Assurance Maladie opère la distinction entre les médecins spécialisés en sexologie et les psychologues et autres praticiens paramédicaux. En effet, seules les consultations réalisées auprès d’un médecin sexologue conventionné donnent le droit à un remboursement. Le taux est alors le même que pour une consultation standard (c’est-à-dire 70% dans le cas d’un médecin conventionné en secteur 1). La complémentaire santé prend ensuite le relais pour les 30% restants.
Malheureusement, à l’heure actuelle, l’Assurance Maladie ne rembourse pas la consultation lorsque le praticien est un psychologue. Le patient n’a alors d’autre choix que de s’en remettre à sa complémentaire santé. Tout dépend ensuite des clauses de son contrat. Certaines mutuelles remboursent ainsi un certain nombre de séances par an, d’autres un montant unique par séance.
La prise de conscience des bienfaits des médecines douces sur la santé et le bien-être
Si l’Assurance Maladie restreint la sexologie au domaine purement médical, les mutuelles, quant à elles, s’intéressent de plus en plus à la santé sexuelle et procréative dans son ensemble. Ainsi un certain nombre de mutuelles[1] (mais pas toutes) remboursent tout ou en partie le recours à des praticiens sexologues non médecins. Ces prestations sont alors généralement comprises dans un forfait « médecines douces ».
Ce terme regroupe en réalité des spécialités très différentes comme l’ostéopathie, la chiropraxie, l’acupuncture, l’hypnose ou la psychologie. Les spécialités remboursées dépendent des mutuelles : il n’y a pas de liste figée des spécialités relevant des « médecines douces ». Aussi c’est à l’assuré de vérifier en amont s’il est remboursé par sa complémentaire avant de prendre rendez-vous avec le sexothérapeute de son choix.
Les français commencent petit à petit à prendre conscience que leur sexualité est aussi un élément santé. Il est en effet prouvé scientifiquement qu’avoir une sexualité épanouie contribue à la santé mentale et physique. Comment ? En réduisant le stress et les risques cardio-vasculaires tout en favorisant le sommeil et la santé de l’appareil reproducteur. À ce titre, les psychologues sexologues ont leur rôle à jouer dans la santé sexuelle.
La santé n’est alors plus seulement synonyme d’un état à un instant donné. On considère la prévention, et notamment l’éducation aux bonnes habitudes de vie, comme essentielles pour conserver la santé sur le long-terme. De plus, on accorde davantage de poids à la santé mentale.
Vers une vision systémique de la santé sexuelle
Le remboursement inégal de la sexologie par la l’Assurance Maladie met en avant l’opposition qui subsiste entre le sexe, vu sous un angle médical et procréatif, et la sexualité. La procréation est une affaire de société tandis que l’intimité, la sexualité et le plaisir sexuel demeurent liés à l’individu. Cela explique sans doute le fait que les traitements oraux prescrits en cas de troubles de l’érection ne soient pas remboursés par l’Assurance Maladie.[2] Après tout, l’absence d’érection en elle-même n’a pas de répercussion négative sur la santé. Cette conception fait fi des problèmes qu’une telle situation engendre sur les hommes et sur leur couple. De toute manière, ceux qui peuvent se le permettre achèteront leur viagra.
Le niveau de remboursement actuel de la sexologie prive donc une partie de la population d’une prestation de santé essentielle alors que les médecins et psychologues sexothérapeutes accompagnent leurs patients sur des problématiques sexuelles importantes et complémentaires. Même s’ils sont très compétents, les médecins ne sont pas toujours aptes à conseiller leurs patients et à pouvoir évoquer avec eux des problématiques comme l’amour, le consentement, les fantasmes, le fétichisme, l’adultère ou la sexualité LGBT.
Dans mon monde, il n’y a pas d’un côté la psychologie et de l’autre la médecine : le médecin de famille devrait pouvoir jouer son rôle de conseiller et orienter ses patients vers les spécialistes en sexologie adaptés à leurs besoins.
Un problème d’érection s’installe avec l’âge ? Allez d’abord voir un urologue sexologue en première intention pour dépister un éventuel cancer de la prostate, le cancer le plus fréquent chez les hommes.
Des questions sur la sexualité du couple après l’accouchement ? Pourquoi ne pas consulter une sage-femme sexologue ?
Des problèmes à accepter son orientation sexuelle ou ses fantasmes ? Une visite chez une psychologue sexothérapeute pourrait être envisagée.
Conclusion : un monde où la sexualité serait un sujet santé
Ainsi, j’en suis persuadée, les sexologues ont leur rôle à jouer dans la prévention sexuelle et dans le bien-être des individus. À une époque où on commence à comprendre l’importance de la santé mentale, cette dernière passe aussi par une sexualité plaisante, et cette dernière se construit dès le jeune âge. L’école transmet les savoirs sexuels minimum mais laisse des zones d’ombres. Les adolescents qui ne bénéficient pas d’une ouverture familiale suffisante les comblent grâce à leurs pairs et à la pornographie au risque de confondre fiction et réalité.
Je rêve personnellement d’un monde où tous les adolescents ou jeunes adultes recevraient un bon pour une heure d’éducation sexuelle avec un sexologue pour aborder les sujets du plaisir féminin, des orgasmes, du consentement actif, du couple, des fantasmes, de la gestion de la frustration.
Ne croyez-vous pas que si davantage de gens avaient accès à une sexualité de meilleure qualité, les prisons seraient moins pleines ?
Copyright image : © Pixabay
[1] Le terme « mutuelle » est à prendre dans l’acceptation commune et pas uniquement dans son sens juridique : Organisme qui fait souscrire des contrats d’assurance santé.
[2] Un médicament à s’injecter dans le sexe, l’Edex, et une crème, sont les deux seuls exceptions à la règle. Voir ici :
https://www.doctissimo.fr/html/sexualite/mag_2001/mag0511/se_3959_remboursement_edex.htm [visité le 07/04/2021]