“Gagner son pain honnêtement”: Adage d’une société durable ?
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“Gagner son pain honnêtement”: Adage d’une société durable ?
"Tout est une seule et unique chose ".
Je résumerai par cette phrase de l’Alchimiste, la philosophie de l’économie bouddhiste qui m’a intrigué dans le chapitre 4 de Small and Beautiful d’Ernst Schumacher : le père des low-techs
Penser le système comme un grand tout a été le germe de la pensée écologique et de la méta-économie à l’origine des technologies appropriées.
L’homme s’est longtemps vu comme le maillon d’une communauté biotique, quel que soit sa culture. Approche bien différente du paradigme induit par la croissance industrielle.
Cette préoccupation de l’empreinte écologique a sans doute toujours été présente de façon intuitive.
Le souci d’une bonne cohabitation entre la nature et l’activité humaine à toutes les époques :
Le cosmos pour les grecs
Le grand véhicule (Mahayana) pour les bouddhistes
Ce chapitre a eu un écho particulier pour moi car il interroge le double lien entre le sens du travail, la finitude des ressources qui donneront naissance aux technologies appropriées. Les low-techs et l’économie bouddhiste sont aussi une manière de clore le sempiternel débat philosophique « Nature vs Culture ».
L’économie bouddhiste peut-elle soigner nos maux en cette période troublée ?
Petit point de définition des notions :
L’économie bouddhiste ou « la voie du milieu » a 3 principes directeurs :
- la nature humaine est bonne et altruiste (le contraire donc de l’idée selon laquelle chacun poursuit son propre bien)
- les humains sont interconnectés entre eux
- ils sont connectés à la nature (et ils ne dominent pas la nature)
La finalité est que chacun puisse exercer un travail juste lui assurer une vie convenable.
Elle est une économie des besoins en opposition à l’économie capitaliste qui vise à satisfaire nos désirs.
Cette opposition structurante a des conséquences sur notre relation au travail et notre modèle de société.
I) La nature humaine et sens du travail
a) Présupposés philosophiques & économiques
Simplicité et non-violence sont les dominantes l’économie bouddhiste.
Or, 1 rapport à la domination de la nature s’opère en occident. Il en résulte une forme de violence ; tout ce dont use l’homme est issu de l’activité humaine sur la forme mais des prélèvements successifs à la nature.
L’homme se nourrit de matière vivante
Ex : Le Moyen Age est marqué par une grande période de déforestation
A la Renaissance : Cristallisation du débat sur la surexploitation de la nature dans une opposition : Montaigne contre Descartes
L’idée que la nature est un capital naturel à disposition de l’homme, s’est ancrée au gré des mutations socioéconomiques.
Pas étonnant donc que le postulat des économistes modernes soit celui-là : « Un homme qui consomme davantage vit mieux que celui qui consomme moins ».
Tandis qu’en orient l’objectif est le maximum de bien-être pour le minimum de consommation
b) Etre de besoin ou de désir
Le principal reproche fait aux économistes traditionnels : la dissociation des lois de la matière de la métaphysique.
En occident notre travail a toujours été contraint, voir la présentation dans la genèse : une punition ou encore avec l’étymologie du mot « tripalium », cette idée revient.
Aujourd’hui cette constante persiste qu’il s’agisse d’un employeur qui voit le travail comme un « coût » inextricable, faute d’une automatisation totale ou d’un salarié, estimant rarement que son travail est épanouissant.
Il en découle souvent pour ma génération une dissonance cognitive et un malaise générationnel.
Pour y répondre des organismes se créer avec un relatif succès avec des méthodes adaptées comme en témoigne :
Ces nouvelles aspirations veillant à respecter au mieux la singularité de chacun, ne sont pas neuves en réalité; elles sont très proches de la philosophie orientale du travail :
1. Donner à l’homme la chance d’exploiter ses facultés
2. Développer ses facultés
3. Dominer son égocentrisme par des activités collectives
Le but : Produire les biens et services nécessaires à une existence décente
Les perspectives différentes induisent une division du travail singulière car l’économie bouddhiste donne à la valeur travail forte morale : une purification du caractère de l’homme et non pour l’unique la multiplication des besoins.
Le signe d’accorder plus de valeurs aux choses qu’aux gens a dévoyé la valeur travail en lui ôtant son sens en le rendant souvent absurde.
Comment ne pas penser ici aux bullshit jobs théorisés par David Graeber et la bureaucratisation du monde qu’illustre le film Fight Club qui continue de marquer des générations.
La perte de sens et la tendance de fond de fin des carrières linéaires, sont-elles l’expression d’autres aspirations ne tenant pas exclusivement compte du critère du confort ?
Serait-ce les symptômes d’une société malade ?
Que prescrire ?
Quid d’une croissance différente ?
Quid d’un alliage nouveau santé spirituelle et bien être matériel ?
Preuve que la nature humaine est à mi-chemin entre un être de besoin et de désirs.
II) De la société de la connaissance vers une société durable
a) La société de la connaissance
Modèle où la connaissance est 1 bien public où un double impératif est demandé respectivement aux jeunes et séniors : la maitrise des nouvelles technologies et la formation continue.
Les livres The Age Of Discountinuity de Peter Drucker et Average is Over de Tyler Cowen démontrent l’impact de la technologie avec la mécanisation et l’automatisation.
- Les compétences valorisées sont en complémentarité avec les outils technologiques :
- · Communiquer une idée ou un projet
- · Le management de chaine de production de plus en plus complexe avec les effets de la mondialisation
- · Des techniciens de pointes
On y dresse une société de :
- · La quantification
- · La performance
- · La fiabilité (capacité des travailleurs à délivrer peu importe les conditions)
Les stratégies les plus compétitives seront :
- · Se former soi-même qu’importe le sujet
- · Affûter ses compétences vis-à-vis des technologies et des outils
- · Etre capable d’inventer de nouvelles choses avant leurs massifications afin d’être récompensé de manière exponentielle
On retrouve la méthode décrite dans le chapitre qui « consiste à tout égaliser et à tout quantifier.
La denrée sur laquelle repose ce modèle est le capital formation pour se plier à des exigences mercantiles toujours plus prononcées.
L’injonction à l’adaptation sera de plus en plus forte
Résultat : Forte augmentation des inégalités malgré le niveau de développement en augmentation en et validant la critiquée courbe de Kizunet datant de 1955
D’ailleurs c’est à cette époque que le Professeur Harrison Brown et ami d’Ernst Schumacher observe que la modernisation n’a pas tenu toutes ses promesses vis-à-vis des masses :
· Effondrement de l’économie rurale
· Vague montante du chômage dans les villes et les campagnes
· Croissance du prolétariat urbain
Frappant non ?
Les grandes tendances restent inchangées aujourd’hui et les liens humains sont de plus en plus désincarnés.
Des scientifiques ont essayé de faire émerger un progrès de conscience en adoptant un modèle alternatif proche du système bouddhiste
Il s’agit des scientifiques à l’initiative du Rapport Meadows et l’ouvrage « Les limites à la croissance » avec ses chapitres 7 et 8. Ils proposent d’édifier une société durable.
b) La société durable
1 société durable pourvoie aux besoins du présent sans empêcher la possibilité pour les générations suivantes de satisfaire les leurs.
Buts de cette société durable :
- · Rechercher le développement qualitatif plutôt que l’expansion de territoires
- · Le détachement du référentiel absolu de la croissance
- · Faciliter la créativité institutionnelle sans crainte des coûts de la croissance et de la technique ( Ex: la Convention Citoyenne pour le climat)
- · Sensibiliser le grand public à la pensée systémique
- · Redéfinir notre approche de la pauvreté
- · L’inventivité collective
- · Limiter l’impact des dérives de l’industrialisme
L’objectif est de changer le système tout en respectant une empreinte écologique soutenable
Face aux futurs défis qui nous attendent avec une population mondiale en augmentation passant de 7.8 milliards à 9.7 milliards d’individus en 2050 selon l’ONU et des risques de pandémies répétés.
Dans un avenir plus proche:
En Europe, on prévoit des difficultés d’approvisionnement électrique dès 2030 .
Les découvertes de pétroles conventionnelles se raréfieront et les substituts envisagés ne semblent pas être suffisants pour prendre le relai après 2030
Maintes alertes sur les ressources non renouvelables avaient déjà été formulées:
Une population qui fonde sa vie économique sur des énergies non renouvelables vit en parasite, sur son capital et non de son revenu.
Il est donc évident que leur exploitation toujours plus importante est un acte de violence perpétré contre la nature, qui doit presque inévitablement conduire à la violence entre les hommes
Développer une culture de la modération me semble un bon chemin à emprunter afin de ne pas aviver de nouvelles frustrations.
Comment y parvenir ?
En se libérant du connu. Donella Meadows et ses compères ont établi un système de valeurs fondé sur :
- · L’inspiration : un puissant moteur de mobilisation pour le plus grand nombre créateur de résolutions engagées avec de nouveaux systèmes
- · Le travail en réseau : la création d’îlots de solidarité pour demander tout type d’aides
- · L’honnêteté : aller à l’encontre de certains préjugés ou de désinformation comme l’environnement ou la technologie
- · L’apprentissage : Coordonner la parole aux actes et créer avec patience les conditions pour faire advenir cette société de la durabilité
- · L’amour : éprouver de l’empathie pour ses semblables car chacun d’entre nous, à des choses qui ne sont pas durables.
L’humanité partage un destin commun.
Certains diront que Donella Meadows et ses collègues étaient des « socialistes utopistes » refusant le progrès technologique alors qu’au contraire ils bataillaient pour des technologies respectueuses de la biosphère.
Tout ce qu’ils désiraient c’était réduire notre empreinte écologique à un niveau convenable.
Je considère qu’ils ont à leur mesure, trouvé une des voies possibles vers un développement soutenable en temps de crise.
Ernst Schumacher a lui aussi par sa position de consultant en développement et la création de son groupe de travail agit comme il s’agit comme il le pouvait.
Ils ont chacun à leur manière proposé alternatives à « l’insouciance matérialiste » et l’immobilité traditionnaliste » bien que leurs solutions n’aient pas été retenues pour faire résoudre les crises auxquelles elles étaient censées répondre.
« Ils ont agi justement » conformément à un célèbre écrit hindouiste : la Bhagavad-Gita
Ils nous permettent à la postérité de nous projeter dans un avenir désirable malgré les crises, l’incertitude ou l’inertie.
Pour moi ils sont admirables.
Voyez comme la méta-économie peut être puissante, d’autres économistes sont dans cette lignée :
Kate Raworth, par la théorie économique du donuts qui sert à Amsterdam en avril 2020 pour construire une ville totalement circulaire.
Voyez comme la méta-économie peut nous rendre résilients.
Se modérer et agir justement, voilà ce que je retiens de ma lecture du chapitre 4 de Small is Beautiful
Dites-moi ce que vous retenez ce billet, je suis curieux de vous lire
Si vous êtes comme moi et que la métaphysique et la philosophie vous intriguent fortement je vous recommande cet épisode de Sismique. Je l’ai trouvé vraiment passionnant !
A très vite