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Interview : Benoît Séverac, écrivain

Interview : Benoît Séverac, écrivain

Pubblicato 1 lug 2020 Aggiornato 1 lug 2020 Imprenditorialità
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Interview : Benoît Séverac, écrivain

Nous vous offrons des entretiens passionnants avec des gens qui le sont encore plus ! Nous lançons une série d'interviews de professionnels de l'écrit qui sont inspirants pour ceux qui aimeraient les imiter et vivre de leur plume. Nous cherchons à connaître leur parcours et la façon dont ils voient leur métier aujourd’hui, et nous leur demandons des conseils au sujet de leur activité. Bonne lecture !

 

 

Quel métier exerciez-vous avant de devenir écrivain ?

Je suis toujours prof, tout en me posant beaucoup de questions sur la pérennité de cette situation. Cela étant dit, ce n’est pas une situation exceptionnelle : quasiment tous les écrivains ont un boulot à côté. On se  révèle écrivain avec le temps. On l’est souvent depuis toujours sans forcément en avoir conscience, en tout cas il y a un rapport à l’écriture qui remonte à loin. Cela étant dit, entre le moment où on commence écrire, celui où on est publié, et la rencontre avec le succès, il peut s’écouler plusieurs décennies. J’ai publié mon premier roman à l’âge de quarante ans et c’est seulement au bout de 4 ou 5 romans, à 46 ans, que je me suis senti légitime en tant qu’écrivain. Par nécessité, les écrivains font toutes sortes d’autres activités : médecin, avocat... Il est rare de vivre de l’écriture dès le début. Cependant, les dernières générations ont grandi avec l’ auto-édition en ligne, donc elles ont peut-être des réflexes différents : crowdfunding, publication voire édition en ligne avec Amazon par exemple…Cependant, cela reste encore marginal et les succès qui en ressortent sont souvent récupérés par les éditeurs traditionnels.

 

Lors de l’écriture de votre premier livre, avez-vous l’impression d’avoir beaucoup progressé entre le moment où vous avez commencé à écrire et le moment où vous vous êtes dit qu’il était temps d’envoyer le manuscrit à un éditeur ?

J’ai commencé à écrire à 8 ou 9 ans, donc j’ai toujours été en progression dans ce domaine. Je suis autodidacte ; à l’époque, on n'enseignait pas l’écriture créative comme aujourd’hui. Ces formations universitaires sont une très bonne chose car, certes, on eut apprendre les techniques d'écriture en commettant des erreurs, en faisant face à des refus, en devant réécrire des romans entiers mais on gagne du temps si on nous les enseigne. J’ai beaucoup progressé depuis mon premier roman en 2007. Je progresse entre chaque roman, et aussi au contact des éditeurs. Un bon éditeur comprend l’univers de l’auteur presque mieux que l’auteur lui-même, et le pousse à écrire ce qu’il pense que l’auteur est fait pour écrire. J’ai aussi beaucoup progressé dans la compréhension et la gestion de mes contrats, des impôts, de l’URSSAF, des droits d’auteur, etc. Les jeunes auteurs ont peu d’aide, rares sont ceux qui ont un agent (surtout parmi les débutants). Il faut faire de la comptabilité, de la fiscalité, c’est très compliqué.

 

Qu’est-ce que c’est, pour vous, « bien » écrire ?

C’est une question compliquée. Je ne me la pose jamais, c’est trop vaste. C’est quand le propos est servi, quand on est parvenu à s’effacer derrière l’histoire que l’on voulait raconter, à créer des personnages avec qui on entre en empathie.

 

Avez-vous des conseils à donner pour rendre son écriture agréable, accrocheuse ?

Il ne faut pas qu’on voie les coutures, qu’on sente qu’il y a quelqu’un qui manipule l’histoire derrière le rideau. Le style doit servir le propos. Plus l’auteur disparaît derrière son récit, mieux c’est.

 

Où trouvez-vous l’inspiration lorsque vous écrivez ?

C’est la partie invisible du travail, on écrit quelques heures tous les jours, ça c’est la partie visible, mais ensuite, tout le reste de la journée, on observe, on écoute, on garde en mémoire des scènes de la vie de tous les jours qui nous interpellent : un hiatus dans la société ou l’Histoire, et on prend tous les jours des notes même si 99% ne serviront à rien. C’est pourtant essentiel à la création, ce 1% qui reste. Je trouve l’inspiration grâce à l’alimentation et la sollicitation permanente de mon imagination, et si je continue à être curieux et empathique avec mon entourage et avec la société, forcément quelque chose va en sortir. Il se passe trop de choses pour que l’inspiration se tarisse. Même dans les moments où on n’a pas d’idée, on sait que ça va venir, mais il faut toujours être curieux et observateur. « Inspiration » est un mot un peu fantasmé parce que c’est vu de manière passive alors qu’il faut être proactif, stimuler l’imagination. Il faut ouvrir les yeux, tous ses sens. On déploie ses antennes.

 

Où trouver des critiques constructives de ce qu’on a écrit ?

L’éditeur est un contact privilégié, c’est de lui que va venir la meilleure critique constructive. À force, il y a des choses qu’on ne voit plus dans son texte. L’éditeur est comme un psy mais pour l’écriture. C’est à vous de savoir ce qu’il faut faire pour remédier au problème, il ne peut que pointer du doigt les faiblesses. C’est une vraie relation de confiance, très enrichissante, j’ai la chance d’être toujours tombé sur des éditeurs de qualité. Chronologiquement, c’est ma compagne, elle aussi écrivain, qui lit mes manuscrits en premier. Elle a toutes les compétences requises, et il faut vraiment aimer quelqu’un très fort pour lui faire des critiques négatives. Ça représente beaucoup de confiance, de respect, d’amour. Et elle a les compétences techniques pour me guider en cas de problème, sans pour autant bien sûr faire le boulot à ma place. Ça a beaucoup de valeur d’avoir quelqu’un comme ça dans sa vie. En général, je ne multiplie pas les lectures préliminaires, parce qu’il faut rester centré sur ce qu’on voulait faire soi, pas multiplier les points de vue, sinon on doute, et de toute façon, on ne peut pas plaire à tout le monde.

 

En deux mots, qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?

La liberté. Très, très peu de métiers en offrent autant. Il y a aussi très peu de contraintes, on invente tout ce qu’on veut, même si c’est désinhibé, voire pervers, il n’y a personne pour vous juger ou vous reprocher quoi que ce soit. Je peux passer un an ou même deux à travailler sur un projet sans que personne ne vienne regarder par-dessus mon épaule. Dans la plupart des métiers, il y a un regard extérieur (collègues, patrons, clients), ce qui peut se révéler étouffant. Dans mon bureau, je fais ce que je veux… Jusqu’au moment de présenter mon manuscrit à mon éditeur.

Écrire est à la portée de tout le monde. Même si on n’est pas tous destinés à être publiés. Tous ceux qui écrivent, soit 17% des Français, connaissent ce moment de liberté.

 

 

Merci à Nils Stahl pour la photo de couverture

 

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