A distance de soi-même
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A distance de soi-même
Comme à chaque fois que j'interviens auprès de managers et consultants, RH et stratèges de l'organisation, au sujet de la psychodynamique, éminemment inconsciente, je pose une question simple qui déroute un peu l'audience :
- Quelle serait la part d'imaginaire qui vous aurait fait choisir cette formation ? Et quelle la part de réel auquel cet imaginaire se cogne à peine vous avez mis les pieds dedans...
Ils sont dans le cadre universitaire. Ce sont ces promotions "confinement". Nées de nos temps troublés. L'échappatoire est tentante. Dans mon université, les cours sont maintenus à outrance. En journée et en présence. Avec jauges. Priorité à la pratique et à l'expérience.
L'un d'entre eux s'avance :
- Je suis en pré-retraite. L'activité d'accompagnement que je mène me plait énormément. J'ai pensé à cette année universitaire pour gagner en professionnalisation. Mais surtout, j'ai pensé à échapper à l'isolement.
L'imaginaire est plus que jamais terre à terre, puisque la terre se dérobe sous nos talons.
- J'adore les cours, les expériences qu'ils représentent et le stage que j'effectue pour mettre en pratique le coaching individuel. Ce que j'aime moins ce sont les théories et les modes d'emploi. Les ouvrages auxquels vous nous renvoyez. Chaque intervenant qui passe laisse des portes ouvertes qui pour moi sont vite fermées. Je n'ai plus aucune envie de répprendre à penser. J'aime la convivialité.
Une autre participante le suit de près de son propre témoignage et confrontation à mon arrivée :
- Je vois un peu où vous voulez en venir. J'ai effectué une psychanalyse en deux tranches. Je ne pense pas que l'espace professionnel se prête à de telles enquêtes intimes et bouleversantes. De plus, je n'ai pas d'illusion. C'est le chemin qui compte. A un moment de ma vie je ne voyais plus de chemin. Désormais, un pas après l'autre, j'avance. De moins en moins droit. Mais de plus en plus curieuse et battante.
Lorsque je pose la véritable opposition en nous, à l'intérieur de nous, comme n'étant pas celle du refoulement de la conscience envers le gouffre inconscient, mais celle du clivage, des cristaux formés, taillés, cumulés entre un idéal personnel et une réalité, notre réalité interne, notre vue sur la vie depuis notre caverne, pulsionnelle, faite de motions irrationnelles plutôt que d'émotions plus élevées et de connaissances et de reconnaissances, la scission dans la salle est à son comble.
- Pourriez-vous nous donner un exemple ?
- Si vous êtes sincère et honnête avec vous même, lors des accom:pagnements que vous entreprenez dans ce cadre choisi et restreint, vous avez un mouvement autant de désir que de rejet envers la personne concernée. (Envers moi-même, je le pense mais ne le dis point).
- Et où est-ce que cela se situe dans votre schéma d'iceberg ou de gouffre de soi ?
- Ici au fond. A la pointe extrême. Là où l'amour et la haine se confondent. Où l'adhésion au maternel est extrême puisque cette absolue dépendance implique autant de pulsions d'attachement (John Bowlby, 1955) que de primaire violence (Mélanie Klein, 1925) dont l'expression à l'endroit précis de l'enfance a été caracterisée par Jean Bergeret, notre contemporain.
Avant de rentrer en relation, en confiance, l'opposition comme les attentes sont à leur comble.
Ils n'aiment pas généralement ces "enfantillages" que je rappelle. Et ici, ils ne les aimeront pas plus qu'ailleurs. C'est pourtant la psychogénèse que nous revisitons dans toute démarche de "développement personnel". Et le cadre professionnel sollicite l'appropriation de ces "soft skills" plus que jamais.
- Si au lieu de heurteur votre idéal, votre vie psychique embryonnaire, la plus libre et la plus irresponsable, si au lieu de confronter cette échapattoire mégalomane au réel le plus réel, celui qui vous habite face à la réalité exterieure - vos manques, vos peurs, vos frustrations - vous heurtiez ces avatars virtuels à la relation, imparfaite, décevante, surprenante, différenciante, peu maternelle, davantage pygmalion au sens du père exigeant, vous muteriez ces tréfonds méconnus et insistants par le retour de refoulé inévitable et vivant, en promesses et en illusions, d'un côté ; en envies fondées et en apports personnels dans l'autre penchant.
Vous constaterez mieux quelques conflits légitimes dans la compléxite de votre être et vous procéderez à des arbitrages bien précis en lien avec la situation et avec l'autre en relation. Et l'autre, reconnaissant, ne vous demandera ni de lire ni de suivre son cheminement. Il apprendra de votre propre expérience dévoilée, "extimisante" (Serge Tisseron, 1991). Cette extimité sur les réseaux est flagrante. Mais la relation est distante. Saisissons nos vraies rencontres !
Nous nous y retrouvons grandis, apaisés et apaisants. Plus à distance de soi et de l'autre, mais avec le recul qui dépassionne l'instant et l'engagement méritant.
L'instant present nous demande une dynamique aussi profonde et engagée que dénouée de pressions absconses, du fond trouble, aussi gluant, collant seulement en apparence qu'haineux, destructeur, séparateur de notre humanité solidaire.
La douce pression d'un battement de coeur en haut de la "psyramide" de l'empathie sera énorme. A suivre au prochain cours, et au prochain billet, au sommet, cette fois. Dans la partie la plus consciente et volontaire.
Avec autant d'amour ou de générosité que d'opposition créative avancées dans la rencontre. La nôtre, reprend bientôt. Sans chemins battus ni livres qui recouvrent votre savoir par l'expérience. Ce que vous pouvez de mieux offrir au monde, à chaque "coaché", à chaque équipe ou décideur vous faisant confiance.
M'apprendrez-vous, apprenants que vous êtes cette année universitaire, ce que je garde moi-même à distance ? J'y compte parce que vous m'avez déjà offert tout sauf de l'indifférence. Merci à chacun de vous, constitutifs de cette "promo résiliente"... Ni confinée, ni délinquante.
Photo de couverture LEDEROUT
Jean Louis Muller 3 anni fa
Je me sens proche du chemin qui compte, surtout s’il n’est pas droits. C’est peut être pour cela que je traverse les moments pandémiques avec sérénité. Cela fait longtemps maintenant que le bonheur est sur ce chemin, si aventureux soit-il.
Eva Maria Matesanz 3 anni fa
Caminante no hay camino, se hace camino al andar... Antonio Machado
Jean Louis Muller 3 anni fa
accuerdo