Sous les guirlandes
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Sous les guirlandes
Sous les guirlandes vont les cœurs en fête, les amoureux, les insouciantes innocences et les vendeurs de breloques. Le rythme est frénétique, ça court d’une vitrine à l’autre, des paquets pleins les mains. Et ça s’embrasse sous les flocons artificiels, comme dans une romance hollywoodienne. Une comédie polie, aseptisée, préservée de la rugosité de la vie qui élime autant les semelles que les sentiments, et où les grandes déclarations n’ont pas la moindre spontanéité. Ici, on courbe l’échine sous le poids de l’amour. On marche sur des œufs pour ne pas effrayer l’autre. On pèse chaque mot, chaque geste, chaque pensée. Et l’on prie, en serrant les dents, pour que notre piètre scénario ne finisse pas dans les chiottes de celui ou celle que l’on voudrait comme premier rôle de notre film amateur. Ici, on se traîne un palpitant lourd et fragile, tandis que dans les salles obscures, les cœurs semblent flotter entre les nuages. La réalité n’est jamais à la hauteur de ce qu’on nous vend. Ainsi naissent la frustration et l’envie qui poussent les romantiques à échanger un baiser sous le canon à neige.
Mes talons claquent et déchirent le silence des rues désertes avant d’étouffer dans la cacophonie du centre-ville. Je suis l’éternelle mélodie qu’on n’entend pas. Que j’arpège, fredonne ou percussionne. Alors, je gesticule telle la ballerine prise au piège dans la toile géante de cette civilisation arachnéenne. Je me débats pour ne pas être dévorée, mais les mailles me collent et m’entravent. Moi et ma lumière, petite luciole condamnée, résignée à observer les autres s’envoler avec leur cœur sous le bras. Comme au cinéma…
Sous les guirlandes, moi, je peine à rêver. J’ai égaré l’émerveillement d’autrefois, quelque part entre ici et ailleurs, sous une balançoire ou la banquette d’un bar, au ciel de la marelle ou dans un verre d’oubli… Les ampoules clignotantes ne me fascinent plus autant qu’avant. J’ai perdu l’enfant. Et j’erre ainsi, avec mon innocence disparue, entre les sapins décorés et les chalets du marché, comme un nain en plastique, planté dans la bûche au Grand Marnier, qui se demande ce qu’il fout là. J’observe, en passant, les printemps réclamer toujours plus d’inutile sur les genoux d’un comédien ventripotent à l’haleine chargée de vinasse réchauffée. La réalité n’est jamais à la hauteur, c’est ainsi, c’est la vie. Mais sous les guirlandes, il arrive parfois que la course du temps s’arrête pour raviver quelques souvenirs, pour nous rappeler d’où l’on vient, qui nous étions avant de grandir, de vieillir. Jusqu’à ce que la cloche du carrousel nous ramène à notre quotidien sans magie et que l’enseigne clignotante d’un bar de nuit brille plus intensément que toutes les lumières de la ville.
- Extrait de ''Nuit de débauche au royaume des artistes torturés - partie 1 - Page blanche, moquette rouge et idées noires"
- Article "Quoi, Pourquoi, Et ensuite?"
Franck Labat 14 ore fa
Ha ! Punaise ! Mais je suis jaloux ! 😡
C'est un talent de pouvoir amener la poésie et le romantisme dans le format long.
Un talent que tu cultives clairement. 👏