

Lettre à Mathilda
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Lettre à Mathilda
Mme LONBRAJ Mona
12, chemin des Huppes dorées
33000 Belin-Beliet
monalombraj@lavie.fr
13 août 2025, Belin-Beliet
Très chère Mathilda,
J’espère avec force que cette lettre arrivera jusqu’à toi, car j’y ai mis toute mon âme?…
Le 16 mars 1996, c’est ma date de naissance, le jour où je suis née. Evidemment, je n’en ai aucun souvenir. Je sais ce qu’on a bien voulu me raconter, ce que j’ai entendu dans des conversations de grandes personnes parce qu’elles croient toujours qu’on ne les écoute pas ou qu’on ne les entend pas, quand elles parlent tout bas. Un dénie de grossesse, un accouchement en catastrophe, une mère qui ne voulait pas en être une ou qui ne savait pas comment faire: voilà le contexte de mon arrivée dans ce monde. Elle, ce qu’elle aimait, c’étaient ses chevaux, elle les chérissait comme des enfants.
Pourtant, je l’admirai cette grande femme élancée qui m’avait donné la vie et me la retirait petit à petit.
J’ai été un bébé calme et dormeur, sûrement pour ne pas trop la déranger?…
Enfant je ne souriais pas, mon visage était de marbre. Débrouillarde, bottes enfilées je suivais ma mère. Je l’accompagnais comme une deuxième ombre plus petite. Son ombre on ne s’en soucie pas, mais on ne peut pas s’en séparer. C’était ça ma relation avec elle.
Mon prénom, sur le registre de la mairie était Mona. Pourquoi Mona? Je crois que c’était ma grand-mère qui avait été me déclarer et je crois qu’elle aimait ce tableau, celui de la Joconde. Pourtant, tout le monde m’appelait Paille, car j’en avais souvent dans les cheveux.
Maintenant, je me souviens aimer l’odeur de la paille et je crois qu’elle en était imprégnée. Nous avions peu de contact physique, mais elle aimait me coiffer. Je devais rester immobile pendant qu’elle tressait finement et avec une certaine brutalité ma chevelure frisée. Alors qu’elle tirait sur mon cuir chevelu, je reniflais chaque fragrance, je dégustais chaque passage de doigt dans mes cheveux, comme un « câlin » qu’elle m’offrait.
Je ne parlais pas ou peu, à l’école je ne dérangeais personne mais j’écoutais avec attention. C’est aussi à cette époque que je me suis sentie m’éteindre. A chaque lecture d’album décrivant l’amour inconditionnel d’une mère ou d’un père. A « l’heure des mamans » où je voyais les autres mère avec leurs enfants, chacun de ces moments me tuait un peu plus du dedans.
Mon père? Je n’ai jamais su qui il était et aujourd’hui encore je l’ignore.
Mon mutisme et mon manque d’expression ont commencé à inquiéter le corps enseignant et puis je n’arrivais pas à lire. Ma mère passait alors du temps avec moi et je crois que pour cela je n’apprenais pas…Il lui était insupportable que je ne sache pas lire. Elle disait:
— Je n’ai pas voulu d’enfant et encore moins d’un attardé mental, alors tu apprendras à lire Paille!
Un jour ma maitresse l’a convoquée et je t’ai rencontré.
Toutes les semaines nous avions rendez-vous. Ton grand sourire et cette chaleur qui émanait de toi, rien que pour moi! C’était inhabituel et vertigineux, j’en avais presque le tournis. D’ailleurs je ne voulais jamais repartir, peut être parce que je savais que tu allais me prendre dans tes bras et que je pourrais m’y blottir jusqu’à la salle d’attente? Peut être aussi par jalousie, parce que je savais qu’un autre enfant attendait son tour?
Chacune de nos rencontres m’ont rendu un peu plus de vie: des sourires timides au début puis de plus en plus affirmés, les larmes dont je découvrais le gout salé sur mes joues.
Je crois que j’apprenais à devenir moi.
Vous parliez beaucoup ma mère et toi pendant que je jouais à vos cotés ou dessinais et puis elle a finalement été voir une autre dame, rien que pour elle.
Ma mère me découvrait, elle rencontrait enfin Mona laissant Paille s’en aller.
Et puis un jour j’ai parlé, d’abord à voix basse, un peu cachée puis je suis devenue une vraie pipelette comme si je rattrapais le retard que j’avais pris.
J’ai aussi appris à lire et à écrire. Découvrir tous ces possibles c’était alors une véritable renaissance.
Voilà, ce n’est qu’une lettre avec des mots tracés, mais je crois qu’ils sont précieux pour toi et je tenais à te dire MERCI alors que je m’apprête à devenir mère à mon tour.
Ecrire ces quelques lignes a été pour moi un vrai soin et un travail nécessaire afin d’accueillir ce petit être. Je vais donner la vie et naître en tant que mère.
Mona

