RECETTE POUR VOIR LES FÉES
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RECETTE POUR VOIR LES FÉES
RECETTE POUR VOIR LES FÉES
Osez y aller, de nuit, seul, tout seul
Dans cette forêt ronde au bout du champ d’orgueil
Il vous faudra d’abord savoir abandonner
Tout l’inutile que nous savons trimbaler.
Mettez dans un trou la peur et les souvenirs
L’envie aussi, le doute et puis le réfléchir
Le savoir, le jugement, la raison, la pensée
Laissez tout dans le trou, filez, sans regretter
Ne gardez que le voir, l’entendre, le sentir…
Quand vous serez rendus dans cette forêt ronde
Il vous faudra savoir vous tenir dans ce monde
Devenir… poignée de terre, rai de lumière
Peut-être ver de terre ou poussière
Taisez-vous, reniflez, écoutez, regardez …
La lune bleutée et sa lanterne ronde
Donne des ombres longues aux arbres des chemins
Dans chaque broussaille, dans chaque fourré
On dirait des étoiles simplement posées
Dans un toupet de brume un mouvement nacré
C’est un voile de soie c’est un voile de fée
Ces dames lointaines aux contours incertains
Qui mendient notre foi pour être libérées
Ces dames marraines aux souliers de satin
Qui nous donnent et le noir et le blanc du destin
Ces dames catins, de légèreté insoutenable
Pour notre lourdeur misérable
Ces dames fileuses aux fuseaux appliqués
Qui nouent et qui dénouent les souffles de nos jours
Et qui laissent des fils en longs cheveux noués aux bords des chemins creux
Ces dames blanches, ou vertes, ces fées
Ces dames tour à tour maudites ou fragiles
Qui boivent parfois la rosée, parfois le sang
Ça dépend de l’humeur, ça dépend de l’amant
Elles nous affolent de joyeuses voluptés
Mais leurs caresses nous broient et nous tirent à la mort
Elles nous offrent un caillou, une feuille, attendez,
Ouvrez donc votre main, regardez, c’est de l’or !
De nos peurs, de nos rêves, elles gardent le trésor
Elles passent, glissent, hantent les sources sacrées
Elles s’y penchent, s’y mirent, y puisent leur jeunesse
Dans leurs mains baguées de pluie et d’écorce
Elles sont ce que nous sommes de plus doux, de plus dur
Elles sont le clair-obscur
Voyez comme elles dansent
Voyez le sable d’argent qui tombe de leurs pieds
Voyez ces gestes lents, la neige des manteaux
le givre découpé en couronnes de vierges
les robes diaphanes, les ceintures de lierre
Voyez comme elles dansent !
Et si vous ne voyez rien, au moins faites-moi confiance… !