René, tueur à gages discount.
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René, tueur à gages discount.
1 René se lève
René avait la gueule de travers. La télé bégayait les dialogues originaux d’un vieux film hollywoodien et le sommeil perturbé par cette machine pleine de rayures, qui avaient illuminé sa mauvaise nuit, lui donnait un réveil rugueux.
Il décrocha l’interphone dans l’espoir de commander un encas matinal à une charmante hôtesse d’accueil. Manque de bol c’était un formule 1, une voix automatique lui scanda donc un menu déroulant qu’il n’eu pas la patience d’entendre. A moitié débraillé, il descendit donc dans un hall d’accueil des plus déshumanisé, pour enfiler des pièces dans une machine qui lui délivra un café brûlant sans le moindre sourire.
René avait mal au dos, soixante ans passés et même pas le standing suffisant pour se payer un deux étoiles. La charcuterie humaine ne nourrissait pas son homme, et tout en trempant le sandwich au camembert, qu’il venait d’acquérir sous cellophane auprès d’une autre machine, dans son café lyophilisé, il se remémorât son dernier contrat.
C’était un chômeur de longue durée espérant naïvement décrocher un job de technicien de surface dans un ibis budget, comble de la malchance y avait un concurrent. Aussi c’était il adressé à René spécialiste du hachoir, grâce à son bac pro charcuterie obtenue à la fin des années 80.
L’Ibis où les deux types postulaient se situait prés du M.I.N de Rungis. Il avait attendu le type en question à la sortie de son entrevue, où il était convoqué au petit matin, ce qui l’air de rien était un premier test. Saura-t-il se lever en même temps que le jour ? Ou est-ce un retardataire chronique rétif à l’appel du réveil… ?
Cet horaire facilita le travail de René, l’heure des livraisons pour beaucoup d’hôtels. Justement un camion frigo traînait dans le coin. Un ou deux morceaux de bidoche en plus, avant qu’on se rende compte que le cochon n’était pas de première qualité, le destin de la pauvre victime sera passé aux oubliettes. Encore un scandale alimentaire en perspective.
Le tueur au hachoir se posta discrètement derrière un bosquet d’ornementation où il happa sa victime et la découpa consciencieusement, comme il avait appris à l’école, pour éviter les petits éclats d’os très désagréable sous la dent lorsque l’on déguste son rumsteak.
Il n’eut plus qu’à accrocher les morceaux de sa victime dans le bahut et referma les portes qui avaient négligemment été laissées ouvertes.
Malheureusement, la poisse stagnant à l’horizon, le chômeur commanditaire n’en avait pas décroché le poste pour autant. 50 €uros tout rond était la seule somme qu’il avait réussi à racler dans ses fonds de tiroir. Depuis René était devenue allergique au morceau « Money » de Dire Straits, mais compensait en écoutant les garçons bouchers en boucle.
De toute façon il ne fallait pas perdre espoir, avec la crise les petits contrats allaient se multiplier. D’ailleurs il venait d’en recevoir un par sms. Encore un malheureux poussé à bout, tentant sa dernière chance pour obtenir un logement. Il avait déposée un dossier HLM depuis 10 ans, et devait enfin passer en commission. En soudoyant un des employés du bailleur, le gars lui avait confié le nom des familles concurrentes. Cela faisait du monde, et le tueur sera-t-il à la hauteur ? René avait du pain sur la planche. Du pain ou de la bidoche ?
2 Tintamarre du soir
Un tintamarre tonitruant à vous trouer les tympans, torturer vos oreilles, les rendre victimes d’un acouphène pour le restant de vos jours, même si vous étiez déjà sourd.
Je m’appelle Tristan et ma triste vie se déroule dans un trois pièces HLM au troisième d’une barre tristement terne.
Au terme d’un trop long jour de taf, je tente de dormir, de roupiller, de ronfler en respirant avec force et maints « Renfe,renfe » ou autres « Pfff, pfff ».
Quand tout à coup j’évacue en urgence ma symphonie rêveuse, bousculé par le vrombissement d’une perceuse et le clac d’une porte mal blindée.
Puis les aboiements, mi-apeuré mi-excité, du caniche cachou de la commère du dessus qui justement aboie un peu trop souvent, mais rarement la nuit car sa mémère est là.
Bruits brusques accompagnés de grognements et autres râlements humains, injures, coup sourd, chutes de meubles et la vaisselle qui valse avec.
Puis plus rien, le silence.
En suite un lent et strident « Tzing tzing crac » « Tzing tzing crac » qui monte crescendo, mais trouve quand même le moyen de descendre à mon étage.
Alors moi aussi je monte pour voir « keskispasse » les nerfs en vrille et l’estomac en pelote.
C’est là que je tombe, en poussant la porte entrouverte, sur un type entrain de découper consciencieusement Cachou !
Il se présente « René liquidateur en tout genre, chèque emploi-service et tickets restaurants acceptés.»
C’est ce qu’il y avait marqué sur sa carte de visite, qu’il me tend d’une main sanguinolente.
« Si je le découpe c’est pour qu’il rentre dans le sac à main, cela fait partie du contrat. Faut faire une surprise à la vielle. Dixit un voisin énervé par trop de bruit canin. Alors ne vous inquiétez pas pour le dérangement, c’est bientôt fini. Je vais tout nettoyer et poser le sac à main sur la table de la salle à manger, avec les p’tites pattes qui dépassent des p’tites poches. C’est pratiques les petites poches, c’est fou tout ce que l’on peut mettre dedans. Ainsi quand mamie rentrera de sa sortie hebdomadaire, et qu’elle ouvrira son sac intriguée par les p’tites pattes. Surprise ! C’est Cachou le caniche casse-couille. Où plutôt c’était, pour le plus grand plaisir du voisin commanditaire. »
« Ah ! » répondis-je.
« Si jamais vous aviez besoin de mes services n’hésitez pas, c’est maintenant ou jamais, dans trente seconde je ne serais plus là »
« Ben justement, ça tombe bien. En ce moment je vis un divorce compliqué… Vous pourriez m’arranger cela ? »
3 Les enfants ne sont pas des pigeons
L’impacte des gouttes sur le métal de la gouttière produisait un ploc-ploc disgracieux sonorisant tout l’immeuble.
« Ben mon salaud t’en a encore foutu partout » se dit à lui-même René
Il était sur le toit de son hôtel, enfin celui où il dormait actuellement, et balayait la scène du carnage.
René tueur à gage discount, était accessible à toutes les bourses, mais ne faisait pas pour autant dans la dentelle. Des flaques de sang jonchaient la toile goudronnée et quelques bouts de plumes découpés au hachoir. Une dizaine de cadavres parsemaient l’ultime terrasse de cet hôtel à bas prix, et leur sang dégoulinait jusque dans la gouttière. Trois jours qu’ils chiaient sur les rebords de sa fenêtre, fallait bien qu’il sévisse, et puis René c’est un sanguin. Saloperie de pigeons, il ne pourrait même pas les manger avec des petits pois et des carottes, étant donné leurs alimentations douteuses à base de bouts de pains rances et de kebabs avariés, abandonnés par les passants.
Une fois sa tâche finit, il allait devoir en commencer une autre, un vrai travail se coup-ci, de quoi payer sa chambre d’hôtel pour les prochaines semaines. Honorer une dette aussi, car il l’avait promis à ce pauvre homme dont le divorce n’en finissait pas de s’éterniser.
René était là pour trancher, … dans le vif.
Nous sommes quelques heures plus tard, et il fait sacrement noir dans ce putain de couloir. Des bruits de chasse d’eau, quelques éclats de voix, de ceux qui ne dorment pas encore, mais tout est calme dans cet immeuble résidentiel de classes moyennes. Le glissement d’une main gantée sur la rambarde métallique de l’escalier est inaudible. Le crissement d’une clé dans une serrure l’est un peu moins, ou ne serais-ce pas plutôt un tournevis… ?
Un tournevis qui force une serrure, une porte que l’on ouvre brusquement d’un coup d’épaule faisant sauter le loquet, et puis le claquement de sa fermeture.
Une femme frêle, fragile, se lève sur ses jambes tremblantes, de son canapé ou elle s’était assoupie, bredouillant faiblement « Qui est là ? », tout en tentant d’atteindre l’interrupteur.
Trop tard ! Le hachoir zèbre le silence dans une giclée sanglante. Son corps chute sur le carrelage avec un son mat d’os et de peau, sans un cri. L’assassin le laisse ainsi, on ne l’a pas payé pour faire le ménage.
Des enfants, au fond de l’appartement, pleurent dans le noir sans comprendre ce qu’il se passe, juste intrigué par se grabuge inhabituels.
De cela non plus, le contrat n’en parlait pas.
Des bruits indésirables, des témoins gênants… Que faire?
Ne vous inquiétez pas les petits, René s’en est allé sa besogne accomplit.
Son hachoir dégoulinant sur le goudron, il est déjà dans la rue triste et sombre de cette cité sans nom.
4 René veut passer à la télé
Il tousse, puis il retrousse ses babines et crache, renâcle et renifle tandis qu’il se racle la gorge, comme la peau d’un clébard dont sont fait les manteaux de fourrure « Made in China ».
C’est le matin, René n’a pas la forme, un vieux rhume qui traine, engoncé sous sa couette il ouvre « Metro news », le journal gratuit que l’on distribue à coté des bouches d’égout.
C’était écris en gros dedans. Un encart publicitaire, de ceux qui font vivre ce genre de feuilles de choux, annonçait l’ouverture d’un casting pour un nouveau concept de télé réalité. L’émission ce dénommait « L’amour est dans la charcuterie ». L’idée lumineuse des producteurs : faire concourir des apprenties charcutiers et des apprenties charcutières, à moitié nue, à l’exception d’un tablier, d’une toque et de gants en latex transparent. Le tout sous l’égide d’un chef étoilé et habillé, car vu son physique cela pourrait faire fuir les ménagères de moins de cinquante ans.
Les deux rêves de René y étaient enfin réunies : trouver l’amour, et travaillé dans la charcuterie. Les deux avaient échoué jusque là pour une seule et même raison : Une hygiène corporelle plus que douteuse. Et cela malgré un bac-pro non-obtenue dans une classe particulièrement féminine pour la profession.
Grâce à cette émission il pensait naïvement ces deux rêves à porter de main. Il se rendit donc à l’adresse du casting indiqué dans l’article.
Et là : « Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! » Une queue longue comme un défilé de nord coréen chantant la gloire de Kim Jong Un, ou celle de Rocco Siffredi, aux choix, remplie de beaux jeunes hommes et de jolies jeunes femmes, qui eux avaient sans doute obtenu leur diplôme de charcuterie récemment, stationnait devant la porte.
Il n’avait aucune chance d’être sélectionné, à moins qu’il ne pratique la seule et unique activité qu’il ne sache exercer : éliminer les gêneurs…
Pour cela il s’éloigna de quelques mètres dans un couloir adjacent. Et se mit à hurler d’une voix aigüe quelque chose du genre : « Han, han, ho non mais monsieur le producteur vous exagérer quand même ! Han ; han oui… ! ». Plusieurs des candidats accoururent attirer par une curiosité malsaine ou la peur de se faire piquer la place par plus délurer qu’eux.
Et un cri de Loana en rut
Pour attirer au loin quelques-uns de ses émules
Et un hachis de futures vedettes
Au fond à droite dans les toilettes
L’homme au hachoir se devait d’avoir le geste sûr et rapide pour abattre les quelques individus qui se pressèrent dans le couloir. Et ensuite revenir devant la bonne porte avec sa belle chemise, qu’il avait mise pour l’occasion, pas trop tachée.
Mais René n’eu pas le temps de s’immiscer dans cette queue qui avait diminué.
Il avait oublié qu’il possédait déjà une notoriété.
L’assassin au hachoir avait encore frappé.
Dans les studios, policiers et pompiers commençaient à s’affairer.
Il fallait s’éclipser.
Il ne connaitrait pas les lumières de la télé réalité.
Mais l’ombre des tristes faits divers, qui nous font frissonner au journal télévisé.
5 Albert le suicidaire
René avait mal au cul. À la base il y avait des démangeaisons, peut-être dû à une hygiène douteuse, suivi d’un vigoureux grattage, tout d’abord source de plaisir, puis de douleurs, voire de saignements et d’égratignures. Il finissait par en avoir le postérieur en feu, définitivement rongé par l’irritation provoquée par ses ongles déchirant le fragile épiderme de sa raie.
S’arrêtant 5 secondes pour constater les dégâts, il se mit à renifler ses doigts, maculés de sang, de matière fécale et de poils de derche arrachés. Étrangement cela sentait la merde…
S’il en avait eu les moyens il aurait pu consulter un dermatologue, mais ce n’était pas le cas. Il y avait bien un truc dans le genre sécu ou CMU, mais René n’était pas très fort pour la paperasse et il n’était pas très sûr que ce genre de système d’aide existe encore.
Dans cette époque à chier il n’avait plus qu’à se gratter le cul au hachoir. De fil en aiguille ces idées dérivèrent de son outil de travail à son nouveau contrat.
Albert, dit le suicidaire, rencontré au coin d’un bistrot de banlieue lui avait confié cette affaire moralement délicate.
Dépressif de naissance, amoureux solitaire, névrosé et désespéré du gland, il en était à sa Xème tentative de suicide. Toutes ayant lamentablement échouées, il ne s'était pas pour autant totalement raté, et avait finit par atterrir dans un fauteuil roulant, une partie du visage défigurée par un coup de pistolet qui mieux calibré aurait dû l’envoyer « ad patres ».
De chute vertigineuse, mais pas mortelle, en cocktail médicamenteux qui n’avait eu pour résultat que de l’envoyer plusieurs fois se faire faire des lavages d’estomacs à l’hôpital, endroit fort différent du paradis qu’il espérait, il avait finit par échouer dans ce bar où il fit la connaissance de René.
L’assassin libéral, sur commande et à prix discount, était son ultime solution. « Suicide à toute heures » lui avait-il même précisé en lui tendant sa carte de visite.
René pensa, alors qu’il se saisissait du dossier d’Albert, « qu’elle tristesse d’en arriver là pour des errements sentimentaux alors que la poupée gonflable qui cligne des yeux est en vente sur la toile »
Il s’apprêtait donc, une fois encore, à faire œuvre de charité et offrir une euthanasie bien mérité à cette âme en souffrance. Mais comment trucider se sympathique désespéré sans coup férir et sans trop se salir les mains ? Tout simplement au hachoir ou dans un accident bien maquillé ?
Les Japonais se font Hara-kiri, s’est une façon noble de suicidé une connaissance, par contre c’est salissant, et puis René n’avait jamais compris le rapport entre le suicide japonais et ce petit fromage carré que l’on vend au supermarché…
Il était temps qu’il se renseigne un peu sur la culture japonaise…
René décida d’appeler Albert dés le lendemain.
« Albert je te donne rendez-vous sur ton lieu de promenade dominical habituel. N’oublie pas les packs de bières, j’amène les parpaings » avait-il précisé au téléphone.
Le lieu de promenade en question était en l’occurrence le port à l’anglais, à Vitry-sur-Seine. Des quais de Seine presque champêtre bordés d’une zone industrielle, joyeusement déprimante par un dimanche d’automne. Mais heureusement ce jours là nous étions en semaine.
Une fois sur place en fin d’après-midi, ils vidèrent une bonne partie des bières en attendant que la nuit tombe et que les quais soient désertés. Puis René garda le reste des bières comme acompte accompagné des maigres économies d’Albert.
Il poussa gentiment le fauteuil de son ami tout en chantonnant, tel Omar Sy dans « Intouchables », vers un coin un peu plus obscur. Là il sortie son hachoir, bien tranchant de la poche de son imperméable et décapita Albert d’un coup sec, mais sûr, tandis que se dernier tentait péniblement de s’éventrer avec un couteau de cuisine usagé.
Il plaça la tête avec les parpaings qu’il avait amenés sur les genoux d’Albert. Le tout fixé au fauteuil avec du « Gaffer » extra large, il prit son élan et éjecta le fauteuil le plus loin possible du bord.
« Adieu monde cruel »marmonna-t-il dans sa barbe de trois jours.
« Si jamais, un jour il remonte à la surface, c’est que les poissons font la fine bouche. De la viande attendrie à la bière, comme le bœuf de Kobe, quand même… »
6 En janvier butez un banquier
C’est par une soirée hivernale de la fin du mois de Janvier qu’il débarqua dans le quartier des grandes tours, une soirée humide et froide où un petit crachin gluant transportait un air de Bretagne dans cet endroit dénaturé où les rochers étaient en béton et la lande bitumé. Au guidon d’une antique mobylette aussi bruyante qu’une Harley Davidson, en moins véloce, un casque sur une casquette, le tout sur son crâne dégarni, le corps enveloppé dans un vieil impair râpé et trempé, il gara son engin au coin d’une grille pour l’attacher à double tour au cas où un collectionneur viendrait à passer par là. Puis il défit son casque laissant apparaître un couvre-chef jaune orangé avec un «A» comme apéro, la base de sa pensée politique. Il endossa son sac, avec hachoir et cocktail incendiaire, et s’avança sur l’esplanade déserte à cette heure tardive, tel un Don Quichotte face aux géants de verres et d’acier.
Tout avait commencé alors que René était plongé dans un livre de poche jaunie, ramassé au coin de la rue, « Les marteaux de Vulcain de Philip K Dick », lisant accoudé au comptoir, il fut interrompu par un olibrius qu’il connaissait déjà, un calendrier en main. Ce dernier, un peu éméché, l’ouvrit et se mit à lire à voix haute les phrases inscrite en gras en haut de chaque page.
C’est ainsi que cette idée saugrenue lui était venue, avec ce poteau de comptoir, [qui je vous rassure ne buvait pas que de l’eau, malgré l’orthographe du mot le désignant], à la lecture de ce calendrier rempli de proverbes Carambar pour chaque mois de l’année, du type « En avril ne te découvres pas d’un fil », « Noël au balcon, Pâque au tison »
Faut dire que René et son copain, ou plutôt devrais-je dire son co-bières, avait une dent contre les banques et les banquiers. D’ailleurs son camarade de zinc n’en avait plus beaucoup dans le râtelier, fautes à son conseiller bancaire qui ne voulait pas subventionner les travaux de ravalement dentaire d’un type qui primo mangeait surtout liquide, secundo n’était plus vraiment solvable, sauf dans le pastis, tertio n’avait pas vraiment l’intention de se remettre au travail, ni les capacités, à l’exception d’un poste de soutien de comptoir des bars-tabacs en perditions. Poste qu’il tenait actuellement assidûment.
Vous comprendrez donc sa rancœur envers les établissements bancaires. Alors la phrase est sortie tout naturellement de sa bouche édentée : « En janvier butez un banquier »
Le genre de phrase que l’on évite de dire à un tueur à gage, même discount, et légèrement psychopathe sur les bords.
Et puis René de surenchérir « Ben ce n’est pas si con ce que tu nous dis-là ? »
« En vérité combien d’entreprise ou d’individu peuvent se targuer d’avoir reçu des milliards de l’état après avoir eu la main malheureuse à la fête foraine ou au Casino le plus proche. Combien de même société ou éminents membres peuvent se vanter de siphonner les mêmes caisses de l’état d’autres milliards , en organisant des filières d’évasion vers les paradis fiscaux. Même Al Capone n’a jamais réussi un aussi beau tour de passe-passe. Tous ces faits additionnés laissent à penser que tuer un banquier serait presque un acte d’hygiène sociale ! »
Bien sur le liquidateur de liquide alcoolisé n’était pas sensé connaitre la vocation d’assassin de son ami.
Mais il ne pu s’empêcher d’ajouter comme aiguillonné par une conscience subliminale de ce fait. Sublimité évoquée uniquement pour souligner le fait que l’éclairage du débit de boisson était effectivement constitué d’ampoules pendouillant très bas au bout de leurs fils électriques.
« Ben moi, tiens y me reste plus qu’un ticket resto pour finir le mois, j’suis prêt à le donner au type qui me butera un de ses salopards… ! »
Les yeux de René se mirent à briller d’un petit éclair d’envie, et il pensa en son fort intérieur : Mais le banquier chapeau haut de forme et gros cigare existe-t-il vraiment ? Où se cache-t-il ? À moins qu’il ne soit qu’un algorithme invertébré sans chapeau ni cigare. Tuer un employé de banque, un pauvre pantin smicard, aurait beaucoup moins de classe, ce serait presque incompréhensible pour la plupart des quidams, même si René à l’habitude de jouer petit.
S’attaquer à un Data-center par-contre, où seraient stockées toutes les données de la banque…
Ce n’est pas un banquier qu’il tuerait, mais l’équivalent de centaines d’employés et de traders, un coup de pied au cul de ces malfrats de la finance, une désorganisation efficace de l’une de ces organisations quasi-criminelles qui se nomme banque.
Le localiser ne serait pas une mince affaire.
Le crédit général avait selon la toile son Data-center dans les caves, bien fraîche, comme pour le vin, de la Défense…
Il n’avait plus qu’à concrétiser l’idée.
Un ancien collègue de comptoir reconverti dans le sans-domicile fixe lui avait bien indiqué qu’au détour de plusieurs couloirs au fin fond d’une station de métro, on débouchait sur un parking qui lui-même, après quelques autres détours dans des cagibis et des escaliers de services, donnait sur un local d’entretiens de la climatisation du Data-center en question.
René étant un homme bien portant, se faufiler à l’intérieur des conduits d’aération n’allait pas être une sinécure. Pour se faire il ne trouva rien de mieux que de se mettre tout nu le corps enduit d’huile, une corde autour de la taille traînant son sac derrière lui avec tout son matériel de vandale assermenté
Une fois dans le local l’assassin pouvait enfin laisser libre court à son instinct.
Une lame tranchante dans chaque main les bras grand ouvert René virevolta en effectuant une dangereuse danse où les étincelles des fils électriques sectionnés illuminaient ses gesticulations.
Ces lames, ce n’étaient pas des hachoirs mécaniques et moderne, mais deux couperets primitifs, de ces longs couteaux de cuisine plats dont la largeur est presque équivalente à la moitié de leurs longueurs. Une lame étincelante et dangereusement affûté sur un bord….
Quelques beaux coups de hachoirs entre les diodes luminescentes laissant béant les chaires métalliques des tours informatiques, des coups de pieds dans les portes vitrées, un feu de joie dans ce lieu si froid. Tout cela dans un laps de temps de quelques minutes, avec efficacité avant que les vigiles débarquent.
Quel plaisir d’imaginer la face déconfite des traders face à leurs ordinateurs en berne.
Puis fuir avant que les fumées toxiques ne l’asphyxie dans la salle mais encore plus dans les conduits d’aération où elles ne manqueront pas de s’engouffrer, en espérant qu’aucune trappe de sécurité ne bloque sont retour.
Débarquant tout nu dans un parking une corde autour de la taille, noir de suie et de poussière, dégoulinant de sueur, le René avait de quoi faire peur.
Pressé d’évacuer les lieux le plus rapidement possibles, il ne prit le temps que de dénouer la corde de sa taille, d’endosser le sac et de courir dans le labyrinthe des sous-sols de la défense.
C’est ainsi qu’il débarqua dans le parking où il croisa deux jeunes femmes venues récupérer leur véhicule et visiblement choquée de cette apparition ventripotente. Lorsque René réalisa la problématique, il s’esclaffa et ne pu s’empêcher d’exhiber son vermisseau en soulevant sa bedaine à deux mains. Malheureusement le malotru n’avait pas le loisir de leurs en montrer plus, il s’éclipsa dans un recoin sombre pour enfiler son imper et parfaire sa panoplie de vieux pervers, qui lui sied tant.
Il débarqua ainsi dans le métro où il pu repasser incognito parmi la foule des démunis.
Fiche biographique du personnage
C’est ainsi que je suis né, René, d’une boîte de cassoulet froide, ouverte au marteau et au burin, dégusté après le premier vomi, un soir de tristesse et d’ennui.
Nom : Inconnu
Prénom : René
Nationalité : Française
Âge : la cinquantaine
Époque : actuelle (2010-2020)
Domicile : Sans domicile fixe, Île de France. Il dort pour de courte période dans des hôtels type «Formule 1 » lorsqu’il le peut, voire chez des marchands de sommeil pour des périodes plus longue.
Aspect Physique : Bedonnant,1M80, cheveux blancs, long (jusqu’en haut du cou), calvitie importante de type « tonsure du moine ».
Habillement : Robe de chambre, sale et trouée, ou grand impaire "idem", caleçon long, maillot de corps « Marcel », Chaussures (Tong ou Charentaises), Lunettes épaisses.
Profession : Officiellement chômeur de longue durée, une formation initiale en charcuterie. Officieusement tueur à gage discount ( des prix bas pour être accessible à tous…?)