Où notre coeur fragile a besoin de saigner,
Pour que le charme heureux dont il doit s'imprégner
Soit comme un arc en ciel sur les formes qui changent.
Les dieux passent, dont on a peur, les dieux jaloux;
Mais nous les oublions et nous n'y prenons garde,
Si tout à coup, dans le silence qui regarde,
S'éveille le discret accord au fond de nous.
L'amour nous fait goûter les subtiles musiques;
Par lui s'ouvrent nos yeux, nos oreilles, l'essor
Des beaux songes, et l'ombre implacable du Sort
Nous inquiète moins par les soirs nostalgiques.
Alors nous apparaît l'Olympe radieux
Des secrètes vertus de l'Univers : notre âme
Harmonise le monde à ses désirs de femme;
Du temple nous voici les prêtres et les dieux!
Le bois parle : la fleur à l'ombre s'ingenie
À chuchoter des mots qu'il faut savoir ouïr,
Et que l'abeille entend, ardente à s'eblouir
D'une goutte au bout d'un pistil. Ardeur bénie !
Comme elle fait du miel nous inventons de l'art
Le monde est l'orgue immense où notre émoi palpite
Et lorsque notre coeur s'affole et bat plus vite,
Un accord, un écho doit monter quelque part.