Lune de mars
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Lune de mars
Assise, le dos bien calé entre les coussins multicolores d’un canapé de fortune, devant une petite table de bois sombre, les mains autour d’une tasse remplie de tisane, Emma laisse son regard vagabonder sur le mur badigeonné de chaux. L’humidité a dessiné quelques nuages aux bordures un peu floues, comme dessinés par la main mal assurée d’un enfant. De longues fissures témoignent par endroits des brusques variations de températures, du sol instable sur lequel a été construite cette maisonnette misérable. Sa maison. La demeure de sa grand-mère et de sa mère. Le lien avec les générations des femmes venues, ici, trouver un répit, achever une convalescence, avant de repartir vers leur futur.
Emma s’inscrit dans cette lignée de femmes. Elle a fui le présent, les contours nébuleux d’un avenir où elle ne peut plus se projeter, le chemin trop droit qu’elle ne veut plus emprunter.
À chaque instant de liberté, de nouvelles idées s’élaborent dans son cerveau si fatigué par la routine. Ses pensées s’échappent comme une horde d’animaux sauvages, loin des conventions se rejoignent, alimentent comme autant de confluents un fleuve : son projet, l’activité rêvée qui attise chaque matin le feu intérieur capable de lui offrir un regard neuf et plein d’espoir sur le monde, sur sa vie.
Une multitude de flèches empoisonnées tirées d’un arc imaginaire atteint son dessein. Sifflements furtifs. Bourrasques de jugements hâtifs et malveillants. Le doute devient un curare. Peurs face à des situations imaginées. Terreur. Anxiété. Inaction. Désolation. Colère et tristesse. Larmes de frustration. Combat perdu…
Fantassin blessé et impuissant Emma, ressent le rythme de son cœur s’accélérer, l’amplitude de sa respiration se raccourcir tandis qu’une cage de tristesse enserre sa poitrine.
Rageuse, elle se lève, claque la porte et se laisse envelopper par le frais manteau de la nuit. Enfin, l’étau se desserre. Elle marche sans but précis vers la forêt. Un doux rayon de lumière vient caresser sa silhouette frissonnante. Elle lève les yeux vers la source de bienveillance : la lune ronde et apaisante trône dans le ciel obscur et une branche porteuse de bourgeons se balance dans la brise.
Au loin un renard solitaire glapit. Emma crie soudain sa détresse, sa frustration, son désespoir, au clair de lune. C’est un cri rauque, profond, animal qui s’envole vers l’astre maternel. C’est une femme épuisée qui s’écroule au pied d’un arbre porteur d’espoir, un être frêle drapé dans un cocon de lumière bienfaisante qui pleure. Une chouette hulule, la branche oscille et tout redevient calme.
Au clair de la lune de mars, Emma s’est libérée de ses chaînes castratrices. Le petit matin cueille un sourire sur ses lèvres et sa certitude d’être sur le bon chemin.