Le jour où...
Su Panodyssey puoi leggere fino a 30 pubblicazioni al mese senza effettuare il login. Divertiti 29 articles da scoprire questo mese.
Per avere accesso illimitato ai contenuti, accedi o crea un account cliccando qui sotto: è gratis!
Accedi
Le jour où...
Ce document est destiné à votre strict usage personnel et est protégé par les lois relatives aux droits d’auteur. Merci de respecter son copyright, de ne pas l’imprimer en plusieurs exemplaires et de ne pas le copier ni le transférer à qui que ce soit.
Ce document ne peut être obtenu que lorsque vous avez acceptez de communiquer votre adresse e-mail dans le but de recevoir les informations quant à mes romans. Ce téléchargement vous autorise à une seule impression papier.
Toute publication à des fins commerciales et toute duplication du contenu de ce document ou d’une partie de son contenu sont strictement interdites et constituent une contrefaçon passible des sanctions prévues par le Code belge de la propriété intellectuelle ainsi que par les conventions gérant les droits d’auteur.
Toute citation de 100 mots ou plus de ce document est soumise à une autorisation écrite de ma part (contact@misen-livres.be)
Pour toute citation de moins de 100 mots de ce document, mon nom, le titre du document et la date doivent être mentionnés.
— Thélio, que fais-tu ? Voilà des heures que je t’appelle.
Thélia venait de pénétrer dans la cantine où la présence de son jumeau lui avait été renseignée. Son énervement s’évanouit devant la mine déconfite du jeune homme dont les yeux restaient fixés sur un message holographique flottant au-dessus de sa paume ouverte. La jeune femme s’approcha et d’une voix plus douce, l’interpella :
— Que se passe-t-il ? À te voir, on pourrait croire que l’Empire galactique vient de s’effondrer.
— Je pensais qu’ils avertissaient premièrement les sélectionnés, articula Thélio sans répondre à la question. Il n’en est rien puisque Jo a reçu la même lettre que moi.
— La lettre ! sursauta la jeune femme. Mon terminal a vibré alors que j’effectuais une simulation de combat. Les problèmes techniques rencontrés dans l’exercice m’en ont détournée. C’est d’ailleurs pour cela que je te cherchais, tes capacités mécaniques ne manqueront pas d’être une aide précieuse pour nos ingénieurs.
Tout en expliquant ces faits, elle s’apprêtait à afficher les messages reçus sur sa puce-terminal. Cependant, la tristesse lue dans les yeux de son frère tout autant que son manque d’enthousiasme à l’idée de plonger les mains dans le cambouis stoppa son geste. Venant s’asseoir à ses côtés, elle murmura :
— Vas-tu me dire ce qu’il t’arrive ?
— Lis toi-même, soupira Thélio, en déplaçant l’image holographique vers elle. Je suis dégoûté…
Thélia observa le document et reconnut l’emblème de la Fédération Militaire Intergalactique. Frémissante plus par l’admiration qu’elle vouait à cette organisation que par ce qu’elle craignait de découvrir, elle entreprit une lecture lente. Après un temps que le jeune homme considéra comme long, elle siffla et commenta :
— Je suis tellement désolée pour toi ! Mais essayons de rester positifs. Tu peux être engagé comme technicien sur le plus grand bâtiment de la flotte. N’est-ce pas déjà prodigieux ?
— J’aurais préféré une place de pilote sur le plus petit des bâtiments plutôt que cette proposition… minable ! maugréa-t-il. C’est à peine s’ils ne me jettent pas. Piloter… c’est toute ma vie, et ils indiquent que je ne possède aucune des qualités et compétences requises pour décrocher le brevet.
— D’autres ont débuté comme toi, tenta de consoler la jeune femme, et sont devenus de grands pilotes. Tu es encore jeune…
— Toi, je suppose qu’ils t’ont sélectionnée ! interrompit son jumeau. Merci pour tes encouragements, mais imagine que tu te trouves à ma place !
— Je m’attends à la même réponse que toi. Nombre de nos condisciples sont excessivement doués. À vrai dire, j’ignore encore ce qui m’attend, expliqua Thélia. Comme je te l’ai dit, j’étais en vol lorsque mon terminal m’a signifié la réception de plusieurs messages. Je n’ai pu vérifier à la suite des soucis rencontrés pendant l’exercice et, lorsque je t’ai trouvé, il m’a semblé plus utile de te parler, te voyant malheureux.
D’un regard, Thélio invita sa sœur à satisfaire leur curiosité. D’un geste du doigt, elle fit glisser un écran holographique sur la paume de sa main, puis défiler quelques éléments. Reconnaissant le sigle de la Fédération, elle ouvrit la lettre, légèrement fébrile, la faisant glisser entre eux deux afin qu’ils lisent en même temps.
Un lourd silence s’installa. Pour des raisons différentes, aucun des deux n’osait exprimer son ressenti. Finalement, dans un profond soupir, le jeune homme déclara :
— Je ne peux que te féliciter pour ta nomination, tu la mérites amplement. Nul doute que la défense de la Fédération se trouvera renforcée par ton arrivée. Selon les termes des examinateurs, tu es un brillant élément promu à un grand avenir.
— Merci Thélio, murmura sa sœur. Je suis tellement désolée que cela se déroule de cette façon. Que vas-tu faire ?
— Pour l’heure… noyer mon chagrin au bar le plus proche, dit-il en se levant.
Avant qu’il ne quitte la pièce, Thélia insista :
— Accepteras-tu une place de technicien sur… mon bâtiment ?
Sans se retourner, il se contenta de hausser les épaules et de saluer la jeune femme d’un geste de la main. Celle-ci, partagée entre la tristesse de son frère et la joie de son élection, relut la missive afin de s’assurer qu’elle héritait bien du poste de premier pilote sur l’Uranus, bâtiment le plus imposant de la flotte intergalactique.
Avec cette lettre, son rêve devenait réalité !
Créée voici 19 ans, Thélia faisait partie d’une des générations clone.
Depuis plusieurs décennies, l’immunité des humains déclinait, provoquant de véritables hécatombes lors de certaines épidémies dues notamment aux virus amenés par quelques populations éloignées. Plus la Fédération Diplomatique Intergalactique signait de traités de paix et d’alliances, plus les déplacements de différentes civilisations augmentaient. Bien que ces peuplades aient été touchées par des maladies humaines, elles avaient montré une résistance et une adaptation leur permettant d’éradiquer le problème avant qu’il ne devienne un danger mortel pour eux. Ce qui était loin d’être le cas pour l’Homme. Si la Terre voulait continuer à être un interlocuteur de poids au sein du Conseil de la Fédération Intergalactique, ses dirigeants devaient agir au plus vite.
Le Conseil Terrien des Sages avait eu beau rappeler l’éthique, mais encore le danger des manipulations génétiques, la proposition du Bureau Scientifique avait été accueillie avec soulagement par le gouvernement terrestre.
Des clones. Pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt, s’était alors exclamé le Régent de la Terre ? Adopté à l’unanimité, le projet baptisé Espoir mobilisa bientôt les principaux laboratoires scientifiques. Chaque entité continentale s’affaira à créer un minimum de trois clones par jour. Les obligations demeuraient succinctes : un clone mâle, un clone femelle et un clone hermaphrodite, présentant des immunités renforcées. Chaque race ou couleur de peau était la bienvenue, le gouvernement désirant conserver la diversité qui caractérisait la Terre.
Une multitude de triplés virent le jour dans des éprouvettes, implantés ensuite dans des matrices artificielles afin de mieux suivre leur développement. Parallèlement, les spécimens mâles et femelles furent dotés de capacités spécifiques selon les estimations professionnelles nécessaires lorsqu’ils atteindraient l’âge adulte. L’être hermaphrodite, quant à lui, se trouvant être une réserve d’organes, de cellules, de peau… afin de parer tout accident de santé que connaîtrait l’une ou l’autre copie.
Les premières naissances furent l’objet de grandes réjouissances, chacun se félicitant de ce renouveau. Seuls les jumeaux sortirent des laboratoires afin d’être éduqués dans des structures créées pour l’occasion. Les êtres de réserve furent stockés à l’écart, dans des dépôts où ils ne manquaient de rien, mais restaient sous surveillance militaire constante, l’aspect médical n’étant évidemment pas négligé. Une puce implantée les empêchait de passer une invisible clôture électronique et de risquer de dégrader leur matériel génétique en côtoyant des humains ou des visiteurs galactiques porteurs innocents de diverses maladies. Pour ceux de ces derniers qui s’aventuraient trop près des hangars, une décharge électrique non létale les dissuadait tout de même de réitérer l’expérience.
Les premiers souvenirs de Thélia remontaient à l’âge de cinq ou six ans. De retour d’une visite d’observation dans le Jardin botanique situé au centre de la congrégation, une coupe holographique d’un vaisseau interplanétaire avait captivé son attention au point qu’elle s’était fait gourmander par l’instructeur de sa section. La remontrance n’avait pu entièrement détourner ses pensées de ce bâtiment exceptionnel, insufflant dans son cœur la certitude que leurs chemins se croiseraient un jour. Thélio, à qui elle avait partagé son ressenti, s’était régulièrement moqué de ce fol espoir qui faisait rêver la petite fille qu’elle était.
Il lui fallut attendre l’âge de douze ans et son départ de la congrégation pour comprendre que son espérance possédait des bases réelles pour elle comme pour son jumeau. Lors de leur première journée au sein de l’École Navale de la Fédération Intergalactique, le Préfet n’avait pas manqué d’expliquer à leur groupe que lors de leur formation intra-utérine, les germes des aptitudes nécessaires pour réparer, voire piloter, les navires leur avaient été volontairement implantés. Il ne leur restait qu’à les développer par un travail acharné. Ce que Thélia n’avait pas manqué de faire à l’inverse de son jumeau. Thélio, n’envisageant que le poste de pilote, négligeait volontairement les autres exercices. Cette attitude lui avait valu de nombreuses heures à tenter de solutionner un problème mécanique au lieu de participer aux simulations de vol. Ces punitions n’avaient en rien bridé le caractère rebelle du jeune homme. Tout au plus avaient-elles fait de lui un excellent technicien.
Après six années d’études, Thélia désirait demander le report de l’examen final afin de suivre une formation d’un an spécialement dédiée au pilotage dans des moments critiques. Dommage collatéral, son jumeau ne pouvait se présenter à l’épreuve, les clones devant toujours fonctionner en binômes. Si elle avait redoublé d’efforts durant ce nouvel apprentissage, Thélio avait végété, l’accusant de lui faire perdre du temps. La jeune femme estimait ces reproches parfaitement injustifiés puisque, dans un premier temps, sa décision avait connu l’accord de son jumeau. Malheureusement, pour elle ne savait quelle sombre raison, il n’avait pas manqué de se rétracter quelques jours seulement après leur installation dans la nouvelle base d’enseignement. L’imagination de Thélio lui avait présenté une image idyllique de l’infrastructure environnante provoquant une profonde désillusion suite à l’absence de bars et autres lieux de divertissement.
Les tensions et les disputes qu’ils connaissaient finir par attirer la curiosité des scientifiques. Jusqu’à présent, jamais des jumeaux n’avaient présenté des caractéristiques aussi différentes. Tant et si bien que peu de temps avant l’examen d’aptitude réalisé par l’École Navale, tous deux furent convoqués au dépôt afin d’effectuer des tests en compagnie de leur être de réserve. Thélia frémit à ce souvenir, encore tout en émoi de sa rencontre avec le troisième clone. Il n’était ni elle ni son jumeau, tout en étant les deux à la fois. Bien que manifestement en bonne santé, il présentait un détachement presque inquiétant et n’échangeait que le minimum de propos nécessaires. Contrairement à elle, Thélio n’avait pas commenté cette rencontre, mais la jeune femme soupçonnait qu’elle soit la source de l’accroissement de son mal-être. Elle ignorait toujours les raisons de cette rencontre inhabituelle, aucun de ceux qu’elle avait interrogés n’acceptant de lui répondre. Lors de l’examen, elle s’était forcée à une concentration maximale afin d’occulter le malaise qu’elle ressentait encore.
— Thélia ?
La jeune femme sursauta et leva les yeux vers l’inconnu. Ce faisant, elle constata qu’elle était restée prostrée dans ses souvenirs l’après-midi durant. La pénombre commençait à inonder l’horizon apparaissant derrière les larges baies vitrées.
— Je vous prie de m’excuser, je n’ai pas vu le temps passer, déclara-t-elle, se méprenant sur la qualité de l’homme.
Celui-ci, sans se départir de sa rigueur, reprit :
— Vous faites erreur ! Puis se raidissant, il continua : Sergent Leandro, chargé de vous escorter jusqu’au Bureau Scientifique Intergalactique. Si vous voulez bien me suivre.
— Vous devez vous tromper, sourit Thélia. Je suis attendue sur l’Uranus, dès demain matin. Par contre, aucune convocation du Bureau Scientifique ne m’est parvenue. Je vous salue, sergent.
— La voici ! reprit Leandro en affichant une image holographique.
Surprise, la jeune femme examina le document et blêmit. Sans autre remarque, elle emboîta le pas de cet homme porteur de mauvaises nouvelles. Moins de trente minutes plus tard, un scientifique, dénué d’empathie, lui confirmait le message lu à la cantine. Thélio, ivre en sortant d’un bar, s’était lancé ou était tombé dans la mer depuis la falaise la plus à pic. Aucun témoin n’ayant vu la scène, il faudrait attendre de visionner les caméras présentes dans les réverbères afin de connaître le déroulement de ces tragiques événements. Les robots garde-côtes avaient repêché son corps moins de cinq minutes après les faits, pour l’expédier en urgence sur le site où Thélia se trouvait maintenant.
Dans une sorte de brouillard, la jeune femme apprenait que la fracture des os du crâne avait irrémédiablement endommagé le cerveau de son jumeau.
— Mais rassurez-vous, consola le scientifique, le corps à l’exception de la tête, peut être préservé et conservé en vie grâce à un système des plus performants. De la sorte, vous ne risquez rien, le matériel génétique nécessaire est sauvegardé.
— Par contre, votre entrée en service dans la flotte navale militaire doit être reportée, précisa une femme surgie dans la pièce, le temps que l’être de réserve soit formé et prenne la place de Thélio. Les données du cerveau de ce dernier n’ayant pu être téléchargées, l’apprentissage tout entier est à refaire. Il semblerait, au vu des avancées technologiques, qu’un peu plus d’une année soit suffisante pour en faire un technicien respectable. Vous prendrez donc votre service lors des prochaines candidatures. Cependant, je ne peux vous garantir qu’il s’agira toujours de l’Uranus.
Sans laisser le temps à Thélia de répondre, la femme tourna les talons et disparut aussi vite qu’elle n’était apparue. Maintenant seule dans la pièce, anéantie par ces annonces, Thélia regrettait de n’avoir pas pris conscience de la profondeur du mal-être de son jumeau. Sa chute volontaire et provocatrice l’entraînait avec lui, bien malgré elle. Soudain, la jeune femme eut un doute. Les nombreuses remontrances faites à Thélio, leur récente convocation en ces lieux et les termes de la lettre qu’il avait reçue lui faisaient soupçonner un tout autre scénario. S’agissait-il réellement d’un suicide ou plutôt d’un… meurtre ? Cette idée la fit frémir.
Que lui réservait l’avenir avec un binôme qu’elle ne connaissait finalement pas ? De surcroît, dans un monde dont elle découvrait une probable face cachée terrifiante.
Si seulement il n’y avait pas eu ces lettres…