Ma tête

Sur un axe rotatif, quoique empêchée de tourner complètement à la manière d’un hibou ou d’un personnage de film d’horreur, se trouve une boule un peu cabossée. Parcourue sur le devant de pleins et de déliés, elle arbore sur le dessus et à l’arrière un amas effiloché volumineux.

Face avant, on distingue deux lueurs sombres qui perforent le coeur de tout félin.

Un peu plus bas, s’ouvre la bouche, la cavité humide au palais râpeux, dont on ne peut sentir la texture qu’en y posant le doigt. La langue, s’y collant, reste insensible ou même, trompeuse, lui trouve une douceur toute usurpée.

Brume pointilliste

J’ouvre un oeil, noir, plis en coin, clin des cils noirs de jais, doux voile de soie. L’oeil brille et rit. Je glisse, coin du nez, lisse, et hop, je saute à la gorge, la bouche, rouge, toute rouge. Un lac d’ombre rouge coule et s’ouvre, sur une lave rouge et un rire de rouge-gorge qui se cache et joue, plume douce, à cache-cache.

Et hop, je saute.

Dans les mèches, sel et longues, douces se mêlent et hop, tombent pêle-mêle. Ça bouge, ça danse, c’est flou. De ce gri-gri je tombe et ombre. Plus loin, boucles noires dans le cou. Le poil brille, luit et frise.

Je plonge.

Je rampe

et trouve une pointe tendre, beige, frêle et fine. C’est un elfe! De là, je glisse sur la joue ronde et rose et me pose.

C’est doux, c’est calme. Viens! On dort.

5 coups de pinceau

Un creux

Un creux ambre, un creux que j’aimerais plein, un creux tendre enfin, celui que mon fils, petit enfant, caressait de ses lèvres humides en murmurant que j’avais la peau douce.

Une émotion

Tristesse, mais elle se cache bien. Au fond, elle est là, alors… bienvenue.

Un mouvement

Un mouvement de tête de côté, élégant, un peu ridicule, un peu sur le fil, qu’il est facile de dégringoler! Que je l’aime ce mouvement, unique ou, brusquement, maman.

Une vague

Une vague souple, d’écume aujourd’hui, une vague où m’endormir, chaud pelage, doux refuge.

Un point

Des centaines. Des centaines de fois un point. Bruns. Des centaines de grains. De café.

Promenade dans le brouillard de soi

Enfant, couchée à même le sol dans la douceur des crépuscules d’été, j’aimais balayer d’une caresse le pré dont l’herbe sèche, sous mes effleurements, picotait la pulpe de mes doigts.

Je me suis longtemps efforcée de faire en sorte que toute ma vie soit semblable à cette expérience: directe, brute, lente, sensuelle et souplement maîtrisée, me permettant de goûter à l’extase des sensations - l’odeur du pré fauché, la cavalcade d’une fourmi, la quiétude de la brise estivale - comme à un festival coloré ne nécessitant nul autre excès ni souffrance pour être pleinement vivant … en un mot : magique.